mardi 31 mars 2015

Ronds scolaires

Et voici une autre école prototype ronde par Laffaille et Camelot :



Celle-ci est à Marolles-en-Brie mais la carte postale Lapie ne nous précise ni le nom des architectes ni que cette école soit particulière. Pourtant, il suffit de regarder cet objet pour comprendre son originalité. Le cliché pris d'avion (spécialité de Lapie) permet de bien saisir le mode de fabrication de l'ensemble mais aussi sa petitesse ! On sent aussi que cette architecture est posée, elle a atterri là en quelque sorte, et que sa forme suffit à elle-même pour tenir son rôle dans la ville. On pose, on construit, on monte, on éduque. On trouve sur ce site un article très complet sur la technique de fabrication. Les amoureux de Royan, reconnaîtront les V Laffaille de Notre-Dame-de-Royan ici plus discrets mais visibles sur cette école. Si on en croit Google Earth l'école est toujours là mais les fenêtres ont été refaites.
On peut aussi lire le passage qui lui est consacré dans le livre : le temps de l'œuvre, approches chronologiques de l'édification des bâtiments par Joseph Abram.






























samedi 28 mars 2015

Le Corbusier pour les Hommes

Alors que dans Libération, Benoît Peteers fait un article ridicule sur Le Corbusier pour éviter d'avoir à dire quelque chose de son architecture, alors que commence le grand déballage sur le Cinquantenaire de la mort de l'architecte, déballage auquel nous participerons à notre manière, je vous propose ce matin de voir quelques images de la Péniche Louise-Catherine aménagée par Le Corbusier pour l'Armée du Salut.
Nous ne nous étonnerons pas que des cartes postales existent sur cet objet curieux, justement à cause de sa spécificité de programme et de son originalité. De plus, nous avons vu que l'Armée du Salut nous a donné à voir déjà de nombreuses cartes postales superbes comme celle de son immeuble parisien dessiné par l'architecte.
Alors regardons :






Les deux cartes postales semblent de la même période et sont toutes deux imprimées en héliogravure. Pour celle du haut, nous avons comme informations : photographie de E. Steinegger à Saint-Cloud, il s'agit d'une édition Altis (éditions Yvon) qui nomme Armée du Salut, l'asile flottant. Il s'agit donc d'un éditeur indépendant de l'Armée du Salut, alors que pour la seconde carte postale, il s'agit bien d'une édition liée à elle puisque la légende indique "Notre asile flottant" dans son registre et que Armée du Salut figure bien sous l'image. On en conclut donc à une image produite par elle pour promouvoir son action. On notera qu'aucune des deux cartes n'évoque... Le Corbusier ! Et qu'aucune des deux n'est datée ou écrite.





On peut maintenant regarder et comparer les deux images et noter quelques différences dont je n'ai aucune explication à vous donner. D'abord l'apparition-disparition de la petite cabine posée sur le haut de la construction, le dessin différent de la rambarde, le drapeau sur le grand mât central. Pourtant il semble bien qu'il s'agisse pour les deux clichés de la péniche après les aménagements de Le Corbusier, le détail le plus troublant étant en effet la disparition (ou apparition) de cette rambarde remplacée par un grillage. Existe-il des cartes postales de l'intérieur ? C'est bien possible, restera à fouiller dans les boîtes à chaussures !
En attendant, je vous propose ce document photographique rare arrivé dans ma collection depuis peu. Il ne s'agit pas cette fois d'une carte postale (cela en ferait une bien belle pourtant...) mais d'une photographie de l'agence Rol de G. Devred. Je vous donne image et verso. Le document est daté du 31 décembre 1929.
Pour bien connaître l'histoire de cet asile flottant et de ses spécificités, on peut aller là :
http://louise-catherine.asso.fr/metamorphLC.asp










mercredi 25 mars 2015

Adrienne Gorska, une femme architecte

Ce qui m'arrive ce matin, c'est exactement ce que j'aime avec les cartes postales et les images. Oui, j'aime apprendre avec les images que je ne considère pas comme des pièges affreux mais comme des portes superbes.


Ce matin, je pousse la porte du Palmarium, cinéma de Tunis, dont la superbe façade, dès l'achat de cette carte postale me fascinait. Le mélange de l'enseigne portant ce mot de Palmarium, le titre du film "Une femme à abattre" et le dessin de la façade, moucharabieh radical n'offrant qu'un trou de souris pour faire entrer les spectateurs dans un sas Art Déco, tout cela faisait une image riche déjà d'un potentiel fictionnel. Mais je n'aurai pas besoin de la fiction, tant cette carte postale porte déjà une certaine histoire de l'architecture, celle entre autres, des femmes dans le métier d'architecte à cette époque.







Regardons ce que nous donne le document en lui-même : Nous sommes à Tunis, devant le Palmarium, la carte est une Real-Photo colorisée éditée par Cap. La carte fut expédiée en 1955, en janvier, pour souhaiter une bonne année. Mais la carte possède une information pour nous essentielle, elle nous donne entre parenthèses les noms des architectes : De Montaut, Gorska, Le Soufaché. En fait, c'est moi qui ajoute l'accent final sur Le Soufaché. Vous remarquerez que les trois sont crédités comme architectes. Ma surprise est alors totale lors de mes recherches de trouver que Gorska est une femme, qu'elle s'appelle Adrienne et qu'elle n'est rien moins que la sœur de Tamara de Lempicka et la femme de De Montaut qui se fera fait faire le portrait par Tamara ! Je ne connaissais absolument pas ce nom de cette femme architecte qui d'ailleurs était aussi une créatrice de mobilier et de design ! Je vous le dis, j'adore apprendre ! Ne me reste qu'à tirer le fil de cette histoire, de saisir que par cette simple carte postale, objet populaire, s'invente une histoire passionnante. On trouve sur internet beaucoup d'informations et la plus intéressante ici, étant que ce cinéma est en fait l'un des nombreux réalisés par le couple Adrienne Gorska et De Montaut qui se spécialisèrent dans ce type en faisant le dessin de la chaîne de cinéma Cinéac en France métropolitaine. Je trouve même un superbe et émouvant article sur la construction de ce cinéma de Tunis ici :
http://nostalgies-ensoleillees.blogspot.fr/2010/09/marianne-sitruck-benacin-maurice.html
Merci Monsieur Belaisch pour ce beau témoignage !
Et une carte détaillée des cinémas dessinés par le couple ici :
http://cinematreasures.org/architects/1870?status=closed
Voilà donc que se dessine un couple et même ici un trio d'architectes dont l'une des femmes pionnières en architecture, ayant obtenu son diplôme en 1924, ayant participé à l'Union des Artistes Modernes (U.A.M). Comment ne pas remercier les éditeurs de cartes postales de faire ainsi l'inventaire tranquille des beautés du Monde ?
Je vous propose ce lien également qui est l'inventaire des femmes architectes et c'est indispensable :
http://spec.lib.vt.edu/IAWA/inventories/Gorska/gorska-1.html

Dans la revue l'Architecture d'Aujourd'hui de 1952, je trouve un petit article sur une station-service réalisée par De Montaut et Adrienne Gorska à Neuilly-sur-Seine. Certes, on est loin des plaisirs du cinéma, mais cela démontre bien que les architectes savaient faire d'autres programmes...





mardi 24 mars 2015

Bofill Barrio apartamentos



Nous n'en finissons pas d'aimer à nouveau Ricardo Bofill.
Sur cette carte multi-vues faisant la promotion d'appartements au soleil (voir verso de la carte postale), j'avais bien senti un possible travail d'architecte en n'étant pas certain de ce que cela pouvait porter comme désir ni comme projet et encore moins comme auteur. Il faut dire que l'œil a vite fait dans le tri rapide des matins brumeux des vide-greniers d'analyser une image et surtout... de tenter sa chance !
Et voilà !
Cette carte postale nous montre bien l'une des belles œuvres de Ricardo Bofill et du Taller de Arquitectura. Les appartements Sargazo (apartamentos Sargazo) nous montrent d'abord une utilisation de la couleur puissante et psychologiquement appliquée conduisant sans doute à une forme poétique de l'espace qui me rappelle toujours Luis Barragan. Les volumes puissants ajoutent aussi au travail des ombres et des aplats réalisant une géométrie et donc, une architecture radicale et belle.









On notera que, par contre, les aménagements intérieurs restent pour ce que cette carte postale nous en donne à voir... d'une rigueur presque monacale dont le design du mobilier ne donne pas le change au génie de l'architecture ! On a même la vision de la bouteille de gaz sous l'évier.
Vous trouverez sur le site de Ricardo Bofill une série de magnifiques images dont je me permets de copier quelques-unes.
http://www.ricardobofill.com/EN/595/architecture/portfolio/el-sargazo-apartments-html






Comme il s'agit d'une carte postale promotionnelle servant au promoteur à faire son travail, on notera avec joie les différences d'approche entre la photographie produite par le cabinet d'architecture et celle montrant les vertus de l'achat du bien... On notera que l'éditeur  Fotocolor Valman ne nomme pas l'architecte.



















Plongeons avec délice dans l'œuvre de Ricardo Bofill, je vous propose cette nouvelle carte postale du Barrio Gaudi à Reus que nous avions déjà vu sur ce le premier volume de ce blog. Mais ne nous privons pas de regarder à nouveau comment le Taller de Arquitectura savait alors construire, dessiner, imbriquer, faire architecture. Cette carte postale est une édition Escudo de Oro sans nom d'architecte ni de photographe.
Sans doute que tout jeune homme (suivez mon regard) ayant le désir de comprendre l'architecture espagnole du Vingtième Siècle se devra de faire vers Ricardo Bofill et son Taller, les nombreux voyages qui s'imposent. Avec un peu de chance, à son retour, il nous fera partager ses visions dans des noirs profonds à moins que la couleur soudainement posée sur les formes solides, lui donnent envie de poser des rouges sang et des ocres jaunes sur ses papiers...


dimanche 22 mars 2015

À St Martin, l'école est Bienfaite

Somme toute, une carte postale comme tant d'autres :



Une petite construction circulaire est posée dans un jardinet. Le photographe est étrangement haut sans doute pour dégager le bâtiment de la clôture et donner ainsi un peu de profondeur à l'image. Où sommes-nous ?
Nous sommes devant l'école Prototype Enfantine et la Cantine scolaire de St Martin-de-Bienfaite dans le Calvados. Ce qui est curieux c'est l'appellation prototype avec toutes les majuscules ajoutées par l'éditeur Bouteller comme pour donner un sens plus fort à la construction.
Cette école appartient à une série réalisée par Bernard Laffaille et Robert Camelot et montre le génie constructif et l'inventivité de cette période pour reconstruire la France avec des objets intelligents et beaux qui doivent aujourd'hui être à nouveau regardés et aimés. Que dans un petit village comme St Martin-de-Bienfaite puisse être posée une architecture de cette qualité, produite par l'un des plus éminents architectes et ingénieurs français comme Mr Laffaille dont on connaît la très belle église de Royan avec Gillet démontre bien que notre pays n'en finit pas de nous offrir un Patrimoine riche et passionnant dans ses résonances territoriales. Si des ouvrages, des thèses et de nombreux articles commencent aujourd'hui à remettre sur le devant de la scène historique ce type architectural, il serait temps aussi de le sauver et de le protéger... Un grand mouvement national en ce sens est nécessaire, une politique de conservation doit suivre, un(e) ministre de la culture doit en faire une priorité nationale avant que le désastre de l'oubli, que les petits enjeux politiques locaux, que l'inculture généralisée de notre pays pour cette période n'éteignent à jamais sous les pelleteuses ces petites pépites superbes et surtout intelligentes. Il faudrait de la Politique. Fleur... Épanouis-toi...
On trouve sur internet la très passionnante thèse de Aleyda Resendiz-Vazquez permettant de bien comprendre l'importance de ce travail architectural et la réponse à toutes nos questions techniques et historiques :
L'industrialisation du Bâtiment, le cas de la préfabrication dans la construction scolaire en France (1951-1973)
Il semble que l'école soit encore là... Pour combien de temps ?







mercredi 18 mars 2015

Cosmos 1979



Irenia Pavlovskaïa parlait un fançais parfait qu'elle n'avait pourtant pas appris à Paris mais au Québec lors d'études un peu trop longues au goût de son père, un apparatchik du Parti qui trouvait qu'elle en était revenue, certes en maîtrisant la langue de Gilles Vigneault mais également avec des idées réactionnaires sur le développement industriel et l'épanouissement de soi qui faisaient blêmir ce père, vieux compagnon de combat de Leonid Brejnev.
Irenia Pavlovskaïa, pourtant, avec l'appui de ce père avait réussi à obtenir ce poste à l'accueil de l'Hôtel Cosmos de Moscou. C'est bien lors de son travail qu'elle vit Jean-Michel Lestrade qui venait là en séminaire.




 - Suite 303, Monsieur Lestrade. Micha va prendre vos bagages.
 - Merci Mademoiselle.
D'un geste de la main presque autoritaire, Irenia fit venir Micha avec un chariot à bagages qui fut chargé illico des deux petites valises de Jean-Michel. Ce dernier, dans l'ascenseur,
eut le temps de se demander d'où cette jolie femme russe aux lunettes trop grandes avait bien pu prendre cet étrange accent québecois avant d'arriver dans sa suite qu'il trouva tout de suite d'un grand luxe et parfaitement meublé. Il glissa un petit billet en dollars à Micha qui le remercia et Jean-Michel se dirigea immédiatement dans sa salle de bain pour s'y rafraîchir.







Il trouva au retour sur la grande table préparée étrangement pour quatre personnes, un mot lui enjoignant de descendre dans le jardin d'hiver. Le mot n'était pas signé mais Jean-Michel reconnut l'écriture de Briniscu immédiatement. Jean-Michel n'aimait pas le ton du mot ni l'idée que ce dernier puisse ainsi entrer dans sa chambre sans lui demander son autorisation. Il décida de ne pas y répondre. Il regarda sur la table basse les nombreux services proposés par l'hôtel dans son dépliant. Il choisit de suite le bowling.





Victor, Nikolaus et Theresa attendaient Jean-Michel sans savoir que celui-ci avait décidé de ne pas répondre à cette invitation. Ils étaient trois jeunes diplômés de l'école d'architecture de Leningrad que Briniscu voulait présenter à l'ingénieur français car c'étaient bien ces trois jeunes architectes qui recevraient les plans de Jean-Michel et devraient les interpréter et jouer des coudes pour qu'on les croie provenir de la pensée soviétique. Victor était amoureux de Nikolaus depuis toujours et Theresa ne rêvait que de retourner à Berlin-Est pour retrouver son soldat allemand. Tout cela Jean-Michel l'ignorait, s'en moquait et même ne le saurait jamais. Il lançait des boules seul, totalement seul à cette heure dans le bowling de l'hôtel et il pensait à son intervention du lendemain sur l'économie des structures du béton dans le système Camus.



Dimitri faisait sonner les glaçons dans le shaker pour la préparation de sa spécialité un cocktail à base de vodka qu'il savait faire à la perfection. C'était un excellent barman qui avait même eu l'honneur de servir son breuvage à Mireille Mathieu lors d'une visite dans l'hôtel. Il gardait toujours depuis une photographie de lui et la Petite Française devant son bar. Il faisait semblant d'écouter les histoires de cette cliente qui ne buvait que du jus d'orange et il finit par servir son cocktail à un roumain barbu qui n'était autre que Briniscu. Ce dernier regardait les bouteilles d'alcool provenant de tous les pays du monde en se demandant dans lequel il n'était pas au moins passé une fois. Le cognac lui offrit l'occasion de se rappeler Jean-Michel et son séjour à Paris il y avait plus de quinze ans maintenant. Avalant d'une traite le fond de son verre, faisant claquer sa langue de satisfaction, il se décida à aller vérifier que Jean-Michel était bien en pleine discussion avec les trois jeunes architectes.



Victor regardait le jeune serveur qui tentait de satisfaire les deux autres clients de l'hôtel et devant l'énorme choix de nourriture, Victor était étourdi. Il avait laissé ses deux camarades au jardin d'hiver pour manger un peu et profiter des largesses du Parti ce qui faisait un peu peur à Nikolaus et Theresa. Mais bien plus que le saumon fumé ou les délicieux pâtés en croûte, Victor regardait le magnifique nœud papillon du serveur se demandant comment on défait un tel nœud du cou d'un jeune homme. Son regard appuyé fut remarqué par ce dernier qui tout en s'approchant avec un large sourire lui indiqua d'emblée qu'on pouvait tout lui apporter dans sa chambre. Surpris à la fois par la proposition de service et la possible erreur d'interprétation de celle-ci, Victor fut décontenancé et bredouilla qu'il aurait plaisir à manger ici. Il fit également tomber son assiette.
Arrivant au jardin d'hiver, Briniscu demanda vivement où était Victor et devant les excuses des deux autres jeunes architectes, il comprit que son plan était en train de prendre l'eau. La peur saisit alors les deux malheureux obligés d'inventer une histoire sur un mal de tête de leur camarade parti pourtant se remplir le ventre de nourriture. Briniscu fit demi-tour, sauta dans l'ascenseur, appuya sur le bouton marqué du chiffre trois et en quelques minutes se trouva à sonner à la porte de la suite de Jean-Michel.
Il ouvrit.
 - C'est vous Briniscu ! Quelle surprise...
 - Bonjour Lestrade ! Vous n'avez pas trouvé mon mot ?
 - Mais vous êtes essoufflé Briniscu ! Que vous arrive-t-il ? Asseyez-vous... Un mot, dites-vous ? Non, je n'ai pas vu... J'étais justement en train d'appeler le room-service pour leur demander pourquoi un repas pour quatre personnes était prévu dans ma chambre... Auriez-vous des informations à ce sujet mon cher Briniscu ?
Obligé de fulminer de l'intérieur, Briniscu affichait une tête se voulant sereine mais ses molaires faisaient des mouvement sous ses joues.
 - Oui, une surprise ! Je voulais vous faire la surprise ! il y a là, en bas, trois jeunes architectes venus vous rencontrer. Ils vous attendaient au jardin d'hiver pour un verre de l'amitié et déjeuner avec vous ici.
 - Ah ? Mais j'ai autre chose de prévu voyez-vous Monsieur Briniscu...
 - Oui oui je comprends, Jean-Michel. Avez-vous... Mais... Avez-vous apporté mes, enfin, les petites choses que je vous ai demandées par courrier ?
 - Vous voulez dire l'ensemble des études sur les appuis de votre hôtel ?
 - Oui, puis-je m'asseoir ?
 - Oui Briniscu, tout est là dans la mallette bleue. Tout est rangé sous le titre "Système Camus".
 - Puis-je les emporter de suite ?
 - Oui, cela serait mieux, je dois partir. J'ai un rendez-vous ce soir avec un vieil ami pour préparer mon intervention de demain.
Briniscu avait allumé une cigarette et avait fait ce geste de bien s'enfoncer dans le siège indiquant ainsi à Jean-Michel qu'il n'avait pas l'intention de partir si vite. Il avait posé la mallette bleue sur ses genoux et entamé la lecture des documents comme pour vérifier leur exactitude. Jean-Michel resta debout tout contre le fauteuil et regardait le dessus du crâne de Briniscu et il fut interpelé par une cicatrice.
 - C'est la dernière fois comme convenu, Briniscu.
 - Oui, je sais cher Lestrade, ne soyez-pas inquiet, le Parti vous remercie, le Parti vous invite, le Parti sera... Toujours là, toujours... En cas de besoin pour vous Jean-Michel.
Jean-Michel avait bien saisi que l'appui sur le toujours n'était pas forcément un signe positif. Au claquement des fermetures d'acier de la mallette, Briniscu se leva d'un coup et pris congé si rapidement que Jean-Michel se retrouva planté là, seul, dans sa chambre sans rien comprendre. Il appela l'accueil de l'hôtel. Il reconnu l'accent de Irenia :
 - Un vol pour Paris le plus rapidement possible ? Oui, Monsieur Lestrade, vous en avez un dans trois heures. Dois-je réserver une place ?
 - S'il vous plaît, Mademoiselle. Vous ferez comme pour la chambre.
 - Oui, elle sera ajoutée au compte, bien entendu. Avez-vous besoin d'un taxi pour vous emmener à l'aéroport ?
 - S'il vous plaît, oui, disons dans une heure.
 - Parfait Monsieur Lestrade, on viendra vous prendre. L'Hôtel Cosmos reste à votre service.
Une heure après, Jean-Michel quitta l'hôtel et en traversant le grand hall, il fit attention à ne pas croiser Briniscu. Il ne sut pas qu'il croisa Victor, Nikolaus et Theresa qui partaient à leur tour. Il regarda le plafond, la dimension de la pièce, l'éclairage. Il fut admiratif de la sculpture étrange qui tombait du plafond et se rappela alors quelques belles expériences de Rodchenko. Il trouva toute cette histoire peu sérieuse comme fondée sur des images. Avec son billet d'avion, Irenia donna à Jean-Michel une pochette de cartes postales faisant la promotion de l'hôtel Cosmos pour le remercier de son séjour. Comme un acte manqué, Jean-Michel oublia la pochette sur le siège arrière de la Volga qui l'emmenait à l'aéroport. Il ne revint jamais à Moscou.

Merci Marc.




mardi 17 mars 2015

Posez l'église sur la table

Depuis que vous avez lu et aimé avec vigueur l'excellent ouvrage Royan, une image absolue, livre dont le hasard sans doute veut que j'en sois l'auteur, vous savez mon attachement à Royan, certes, mais également aux représentations de ses maquettes par les cartes postales.
En voici une nouvelle :



Sur ce site, on regarde souvent des maquettes d'architectures et surtout des maquettes d'églises dont on sait par ailleurs qu'elles permettaient parfois de faire acte de don pour leur construction mais surtout étaient des objets de communication pour éprouver la modernité de l'événement architectural que représente la construction d'une église. Royan n'y fait pas exception mais cette carte postale en noir et blanc ne présente même pas de nom d'éditeur ni même de photographe et nous donne les noms de l'architecte Guillaume Gillet, et des ingénieurs Bernard Laffaille et René Sarger. On notera une faute fréquente sur Laffaille écrit avec un seul F. Mais on note aussi que la maquette est due à la société EPI, fabricant et concepteur de maquettes architecturales.
Rien d'autre...
Pas de correspondance non plus.
Qui commandita cette carte postale ?
Ce qui est intéressant également c'est que cette carte postale permet de voir comment l'église tout en étant l'élément essentiel est aussi prise dans un programme avec un ensemble immobilier. On voit même un terrain de tennis que je crois bien, du moins je n'en ai aucun souvenir, n'a jamais vu le jour ! On voit aussi comment l'architecte Gillet a joué avec la pente du terrain et a rattrapé les niveaux du sol en articulant les entrées, en inventant un passage couvert.
La maquette ne montre pas le travail incroyable de sa jonction au sol permettant d'ajouter un passage autour de la nef et agrandissant celle-ci. Ici, sur la maquette, les V Laffaille tombent directement dans le sol.





On notera que le bas de la flèche est ouvert laissant croire à une ouverture et une entrée possible alors même que cette partie est bien fermée et devait même servir d'autel extérieur en été. Une fois de plus, le geste photographique est une imitation de l'avion qui survole l'architecture, survol ici effectué à la hauteur d'un homme se penchant à peine sur la maquette. On aime toujours le fond gris et égal, réduction superbe du monde entourant l'objet, l'isolant comme une image d'un réel qui ne permettrait pas d'en dégager la maquette.
Cette netteté de l'architecture dans ce moment de la maquette fonde souvent l'avis que l'on en donne, accentuant le dessin en écrasant les questions matériologiques dans un unisson du carton découpé. Une forme parfaite de lecture.
J'imagine toujours ce moment émouvant où, la maquette terminée, les maquettistes la déplacent pour la montrer. On a sans doute trimbalé l'église en réduction depuis chez le maquettiste EPI vers la mairie ou vers le diocèse dans le coffre d'une camionnette. Puis, arrivée à sa place, on a en quelque sorte, posé l'église sur une table.
La parole alors est prise, chacun se penche, cherche les points de vue, se plie pour inventer sur l'objet réduit, des regards souvent impossibles dans le réel. L'œil tout contre la courbe du toit, regardant le dos de la flèche, ou, accroupi sur le sol, posant comme un piéton son œil dans la rue pour apprécier le jeu de la lumière et imaginer la masse. On discute, on palabre sur la forme, sur la technique, sur le coût. Chacun donnant son avis, ses doutes.
La maquette d'architecture est toujours un objet de paroles parce que c'est un objet de visions.
"Par ici, messieurs, attention à la chaise, là, voilà, comme ça, posez l'église sur la table."

Le livre Royan, l'image absolue est toujours disponible... Ici.

Et chez le même éditeur, on peut et on doit, si on aime l'église Notre-Dame de Royan, se précipiter sur la lecture du très éclairant livre de Franck Delorme à son sujet. Ce livre sérieux, solidement appuyé sur une belle iconographie permet de faire le tour de ce monument si cher à notre coeur :
http://www.lefestin.net/leglise-notre-dame-de-royan


Comme je vous aime bien, je vous offre également un autre moment intermédiaire de l'architecture avec cette très belle publicité pour les établissement André Delau et Fils, publicité trouvée dans un numéro de la revue l'Architecture Française.
On y voit les compétences de l'entreprise parfaitement représentées par ce magnifique et rare cliché de l'église de Royan en construction et surtout de l'élancement de sa flèche dans le ciel de Royan.
Pour moi, (pour vous ?) l'émotion est totale...