lundi 25 février 2019

Je Bandol Dubuisson


Pardon...
Un intérieur cosy, un peu moche, surtout dans le choix du mobilier n'ayant pas su avoir la radicalité moderniste ou la simplicité du confort. Il se la pète un peu ce mobilier, voulant jouer à plus jeune qu'il n'est vraiment. Pourtant ça ne manque pas de clarté, murs blancs, mobilier clair. Mais, dans la teinte marronnasse des sièges, dans la mollesse de la moleskine, quelque chose d'un EHPAD ou d'une clinique privée, quelque chose de peu vivant, de déjà mort. Je reconnais immédiatement sur le mur une reproduction des chevaux rouges de Franz Marc et la netteté de la tasse de thé vide me dit que personne ne vit vraiment là. Nous sommes à Bandol, dans la Résidence "Le Bosquet" dans l'un des studios photographiés par les éditions Aris. Au stylo-bille une main anonyme a écrit Juin 83 sans autre précision. On devine que le studio laisse les couchages derrière un meuble bas ne séparant pas la pièce. C'est lumineux, comme on dit.
Alors donnons-nous rendez-vous là :

Les glaïeuls font le spectacle, petit feu d'artifice de couleur jeté au milieu du salon de la Résidence. Les gros fauteuils un rien mémère anglaise sont disposés pour une conversation sur le temps qu'il fera demain. Personne... pourtant quelqu'un a allumé la petite lampe. Une bibliothèque remplie de livres achetés au mètre, quelques bibelots censés rappeler le Sud, le santon, la cruche, terminent la décoration de ce lieu de convivialité collective. Pourtant un seul élément de mobilier donne soudain à ce salon une nécessaire attention et une curiosité, c'est la table basse en bois et son plateau en céramique....
Roger Capron ?
Bingo !


On la retrouve sur ce site de Brocante !
Courrez vite à Bandol la récupérer !
Au fond de l'image, quelques imitations de mobiliers modernistes à pied tulipe, sans doute aussi à récupérer !
Il fait beau, allons en terrasse :


Que la vue est belle !
Ne jamais oublier cela, l'architecture se regarde aussi du dedans vers le dehors. Admirons les magnifiques poutres de liaisons blanches venant cadrer le paysage, affirmer une géométrie dans le ciel. L'architecte de cette Résidence "Les Bosquets" a certainement tout fait (et bien fait) pour servir cette vue, ce paysage. Il a donné aux résidents l'espace infini d'un horizon lointain, cela permet certainement d'oublier le mobilier.
Et, finalement, le séjour, là, suspendu dans le ciel, sur une terrasse proprette doit être bien agréable.
Une femme écrit au dos de cette carte postale dont la photographie est de Mr Guinet que "chaque studio est séparé, l'entrée est sur la rue, il y a un escalier qui arrive sur la terrasse et le studio. Je suis complètement seule."
Nous n'arrivons pas à savoir si cette solitude est négative ou positive, nous essayons avec Jean de lire tour à tour ce texte avec des tonalités différentes pour comprendre...
Prenons le chemin, descendons :


C'est beau non ?  Ces bandeaux qui s'étirent en courbe ?
On devine bien les petits volumes cubiques reliés entre eux par ce travail de filtre que forment les poutres affirmant avec force la courbure de la construction et, en quelque sorte la dessinant à elles seules. On devine aussi un travail sur une intimité de chacun, chaque cube étant isolé de l'autre par des murs profonds. On voit l'escalier évoqué plus haut par la correspondante. Le jardin est tout neuf, espérons qu'il n'a pas trop bouché la lumière et la vue en grandissant.
Mais voilà, pas de nom d'architecte sur ces cartes postales nous montrant pourtant un très bel ensemble, bien construit, donnant au paysage sa chance et aux résidents à la fois l'intimité et la rencontre.
Il est aisé de savoir qui est venu là, en un seul clic vous trouverez la très belle fiche rédigée par Pascale Bartoli (merci !)  pour  la DRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur qui vous donnera Jean Dubuisson comme architecte... Oui, rien moins que l'un des plus grands...
Lisez l'histoire :
http://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Provence-Alpes-Cote-d-Azur/Politique-et-actions-culturelles/Architecture-contemporaine-remarquable/Le-label/Les-edifices-labellises/Label-Architecture-contemporaine-remarquable-Var/Bandol/Bandol-Residence-Les-Katikias-et-residence-hoteliere-Le-Bosquet

Mais à Bandol, Jean Dubuisson n'a pas construit que "Les Bosquets", il a même un peu avant, comme nous le raconte Pascale Bartoli, construit l'ensemble "Athena", incroyable barre de logements venant mourir dans le rocher, comme un coin dans une buche. Comment peut-on faire plus radical comme geste, plus serein, plus violent aussi ! Quelle beauté contextuelle ! Quelle intelligence de ce que l'architecture se doit au paysage ! Et Paf ! La barre rentrera dans la géologie ! Paf !
Regardez ! Une édition Aris expédiée en 1979 :



Qu'il doit être curieux d'ouvrir sa fenêtre directement contre la pente du terrain ! La radicalité des Modernes c'est bien celle-là, l'expression, non pas d'un dédain pour le paysage mais la construction assumée d'un nouveau, accordant à la nature et au bâti une correspondance de force, d'action, d'ombre et de lumière.
Qui mieux que le grand Jean Dubuisson pour nous offrir cette radicalité. Là, à Bandol, par deux fois, il signe d'un geste architectural son sens du paysage, de la vue. Là suivant les courbes naturelles du terrain ou ici enfonçant avec force sa barre dans cet autre terrain. La géométrie c'est aussi cela, fabriquer des récifs de béton pour la vue et la joie, la Modernité c'est donner au plus grand nombre la chance de ce contact avec ce qu'aujourd'hui on appelle les éléments. 
Merci Monsieur Dubuisson. Merci.
Et rêvons, rêvons que la Ville de Bandol déclare son attachement à cet exceptionnel héritage, que la Ville de Bandol fasse de ces ensembles son Patrimoine, et que, rapidement, une protection leur soit accordée.
Walid Riplet, J-J Lestrade (surtout Walid en fait..., Oh l'autre ! Non mais je le crois pas... si, si...)

Pour voir ou revoir des articles sur Jean Dubuisson :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2017/04/dubuisson-bicyclette.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2016/03/dubuisson-sur-la-crete.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2016/01/dubuisson-uckange-grille-chatoyante.html 
https://archipostalecarte.blogspot.com/2015/04/le-surmale-dubuisson.html




























Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute !Dernière minute ! Dernière minute !Dernière minute ! Dernière minute !Dernière minute ! Dernière minute !Dernière minute ! Dernière minute !

Nous avons oublié deux cartes postales de ce programme ! Merci David pour ce rappel !
Sur la première, on nous donne à voir un "studio" dont on devine la petitesse car le lit, la table de salon et ses chaises et le coin repas sont réunis ensemble derrière l'immense baie vitrée. Le choix de la couleur corail orangé nous fait penser au Japon tout comme le dessin des petits fauteuils à la structure noire mat. On aime que l'ensemblier ou la décoratrice ait su faire de ce petit espace un lieu complet et chaleureux, les rideaux sont assortis aux coussins ! Sur la terrasse, la poutre vient bien là aussi dessiner le paysage et la vue, visibles pourtant encore depuis cet intérieur.
La seconde nous montre un espace bien plus grand et plus clair puisque le blanc est dominant dans cette carte postale. On note un gros bloc de service au fond de l'image faisant cuisine et placard. Difficile de savoir ce qui se passe derrière la porte, entrée ou salle d'eau ? La lumière est partout et nous aimons les petits objets au dessin bien marqué qui nous font penser immanquablement au Design italien mais aussi à Morandi. Sur la table basse, David nous signale que le livre est celui des recettes pour la cocotte-minute Seb !
C'est bien entendu un appartement-témoin. Les deux cartes postales sont photographiées pour les éditions Aris par C. Guinet. Qu'il (ou elle) nous écrive !
W.Riplet




dimanche 24 février 2019

Est-ce le regardeur qui fait le paysage ?


"...ah oui j'avais oublié ce cliché ! C'est bien Hans qui a pris la photographie et pas moi, aussi curieux que cela paraisse ! C'est bien moi de dos.
Avec Hans, on avait croisé par hasard cet ensemble, sur la route. Je m'étais promis d'en faire un reportage et finalement je ne l'ai pas fait. Le 11 juin 67... Oui c'est sans doute ça, je ne me souviens pas bien. Je sais que Hans avait offert ce tirage à tes arrière-grands-parents mais c'est moi qui avais fait le tirage. Par contre, je ne me rappelais plus que je découpais ainsi les bords, j'ai toujours détesté ça. C'est du papier Agfa, c'est celui que j'aimais et surtout que l'on trouvait facilement en Allemagne pour pas trop cher. Voilà, j'espère que je réponds à vos questions, les gars. Continuez le tri et faites remonter tout ça. La bise." 
Gilles Lestrade



Bien entendu, nous aimons beaucoup cette photographie car, au-delà de l'histoire personnelle et familiale, elle est porteuse d'un charme certain, un peu romantique, un peu nostalgique, un peu, aussi cinématographique. Dans une image de paysage, un personnage qui regarde vers un objet lointain, c'est toujours comme un hôte qui vous invite à regarder avec lui, un compagnon de vue, de paysage.

Aujourd'hui cette photographie serait impossible à faire, Vigneux a renoncé à son paysage et ses tours. Elles sont  détruites. Ah oui, c'est vrai, c'est dans... L'Essonne...


Pourtant, sans doute que de telles constructions auraient dû être sauvées car elles étaient, en quelque sorte, l'aboutissement d'un type et d'une idée de l'architecture. De plus leur grande plasticité, la fabrication d'un paysage, l'intelligence du mode constructif et leur position dans l'histoire du logement en France auraient dû permettre ce sauvetage. Mais voyez-vous, le petit commerce avait des trucs à vendre pas très catholiques, alors... le patrimoine... Des petits ensembles de cinq étages certainement peu ambitieux, écologico-joyeux viendront remplacer l'Histoire.
Dans un numéro de la revue L'Oeil de 1966, on trouve un article passionnant de Henri Duthu sur ce très grand ensemble. On le remercie d'avoir ainsi donné à Messieurs Lopez et Tourry la chance d'entrer au moins dans les archives. Nous sommes de cette génération qui regarde ces pages, ayant l'impression d'avoir loupé un Monde plus ambitieux, moins boutiquier de Province, petit élu gentil.
Nous remercions une fois encore Marc Lavrillier pour ses somptueuses photographies redressées. Finalement, entre souvenirs familiaux et archives de presse, l'Histoire de l'Architecture contient encore la possibilité de voir et surtout de croire que cela fut.
Walid Riplet, J-J Lestrade.










mercredi 20 février 2019

Lœwy Station Maya

Dans les archives, quelques numéros de la revue Neuf, revue d'architecture belge.
On note de suite que Jean-Michel Lestrade, à la différence de revues comme l'Architecture d'Aujourd'hui, n'en possède pas tous les numéros mais seulement quelques exemplaires, d'ailleurs plutôt bien serrés dans le temps. On peut donc imaginer qu'il en acheta des exemplaires pendant quelques années, à moins qu'un ami belge ne lui en envoyait ces numéros.
Comme nous fouinons un peu au hasard dans les archives de l'Agence et que nous nous laissons emporter par des découvertes, nous tombons d'accord avec Walid pour évoquer une expérience rare, celle de la station-service de Dijon, dessinée, non pas cette fois par Jean Prouvé (y en a marre) mais par le surprenant et prolixe Raymond Lœwy.



On note bien entendu un ensemble de vocabulaires qui ressemble beaucoup aux préoccupations du genre, comme celui de la Bulle Six Coques où le module, la cellule, la structure, la légèreté, l'autonomie face au lieu sont les maîtres-mots. Techniquement aussi, le moulage et la résine en sandwich font partie de ce vocabulaire et aussi de cette technicité bien à la mode. L'idée étant de laisser croire (ou de faire vraiment) que la construction se pose, atterrit en quelque sorte là où cela est nécessaire, sans doute pour Raymond Lœwy c'est comme un souvenir du travail pour la NASA, comme un imaginaire lunaire et spatial, celui de la capsule.
Bon. Tout le rêve de la préfabrication, assimilant une fois encore la construction à une fabrication en série et en usine. Là, Lœwy se rappelle d'avoir aimé aussi les automobiles.
Il faudra tout de même pour que l'ensemble des cellules fasse architecture les couvrir d'un immense toit rassemblant en quelque sorte tout ce petit campement de modules sous un signe visuel et territorial bien net et clair. L'ensemble est d'une grande beauté faite d'un jeu subtil de courbes nécessaires et de celles esthétiques, comme ce goût immodéré pour les angles arrondis et faisant ourlets. Le Streamline version plastique moulé...
On note aussi qu'il s'agit d'une Station Shell société pour laquelle Lœwy avait redessiné le logo et sa belle coquille. Une logique de communication de la part de l'entreprise donc, voulant sans doute harmoniser ses lieux de vente et produire une image globale pour l'entreprise.
Nous vous donnons cet article qui provient donc de la revue Neuf, numéro de l'année 72. Pas de crédit photographique, ce qui ne t'autorise pas à venir te goberger. Nous avons laissé les images avec leur contraste très doux.
Suit une carte postale provenant cette fois de la collection de David. Il nous affirme qu'il n'a pas mieux et plus précis. On y retrouve pourtant bien la Station-Service de Raymond Lœwy grâce à cette vue aérienne des éditions La Cigogne. On aime comment la cité universitaire de Dijon contraste avec le tapis pavillonnaire devant elle. Nul doute que les habitants de ce quartier devaient dans la Station-Service croiser les étudiants venant mettre de l'essence dans la Mobylette ou dans la 2CV hors d'âge... Un lieu de rencontre et de mixité sociale, comme on dit aujourd'hui dans les TP des écoles d'architectures...
Walid Riplet, J-J Lestrade






































































































































La carte postale :



Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! Dernière minute ! 

Cette fois c'est David qui fouille dans sa bibliothèque et nous envoie des photographies de pages provenant du livre Raymond Lœwy, Design Industriel publié par Hachette/Chêne en 1979.
On retrouve bien notre Station-Service de Dijon et surtout on apprend qu'une autre fut bien implantée à Turin ! D'ailleurs les photographies semblent bien représentées celle-ci (Archives Shell). On voit aussi les très beaux dessins explicatifs du procédé et comment la Station de Lœwy devait s'intégrer dans le paysage. Est-ce que la Station de Turin existe toujours...Sans doute pas...Non plus...
Les stations portées le joli nom de Maya :






































































dimanche 17 février 2019

Retour en grâce

Nous serons sans doute la génération qui aura vu le retour de la vraie façade du Palais des Congrès de Royan.
Nous, les millénnials, comme on dit, nous sommes nés au moment du retour en Grâce de cette architecture. Nos enseignants dans nos écoles d'architecture nous promènent dans les Trente Glorieuses comme on nous promènerait au zoo, nous demandant de bien regarder ces espèces qui disparaissent.
Nous nous devons à ce devoir d'inventaire plus facile à faire pour nous qui n'en avons connu ni les enjeux prescrits par la Modernité, ni la déchéance d'un dégoût pour une époque trop optimiste pour être honnête.
Nous sommes ceux qui auront inventé le Vintage Patrimonial.
Aurélien Bellanger ce matin sur France Culture fait sa chronique définitive sur Freyssinet, c'est dire la popularité récupératrice.
Dans ce mouvement, un bâtiment est en passe de devenir exemplaire, c'est le Palais des Congrès de Royan. Chef-d'œuvre de cette ville et de sa période, il aura connu l'incroyable beauté de ses espaces jouant l'articulation fine entre le dedans et le dehors, véritable machine à capillarité, façade ayant compris qu'elle pouvait migrer en escalier, creux, retrait, projection. Puis, trop fragile, trop radicale, peut-être aussi mal usitée, elle se verra fermée comme encapsulée dans les années 80 pour récupérer quelques mètres carrés qui auront l'inconvénient d'éteindre sa façade et donc son principe mais l'avantage de le sauver de la destruction et donc de le protéger en attendant que la disgrâce ne passe. Une mise en boîte en quelque sorte.
Aujourd'hui, enfin, notre époque est prête à ré-ouvrir le bâtiment, à lui redonner le génie de ses articulations. On reverra donc le Palais des Congrès de Royan dans sa splendeur première, prenant la lumière et laissant donc les volumes former des ombres.
Joie.
Il sera aisé alors de moquer le pan de verre qui en était venu clore la réalité. Pour notre part, nous le remercions. Il aura permis d'attendre patiemment que les techniques de restauration, que le regard sur cette architecture changent et s'améliorent et donc permettre que le bâtiment perdure aujourd'hui.
Les panneaux de Jean Prouvé qui couvrent une partie de la façade, exprimant la salle de conférence, ont sans doute échappé à l'agression du sel et au vent grâce à ce mur de verre, ce que n'aura pas su faire la Villa Prouvé plantée à quelques mètres de là et dont on connaît l'histoire malheureuse de sa dégradation. Aurait-il fallu mettre cette Villa sous globe il y a 40 ans ?
Dans la collection de David, nous trouvons cette carte postale :



Monsieur Berjaud (pour Tito) fait là un document. Parfaite lumière venant du haut faisant courber l'ombre du toit sur la façade et qui donne tous les détails de ce chef-d'œuvre. Walid me fait remarquer comment le soubassement offre l'occasion d'une ligne sombre faisant socle sur laquelle la belle boîte se pose. Et les nuages viennent se poser aussi, avec délicatesse, sur la ligne du toit. Le vide de l'image, presque sa sécheresse accorde au cliché une force tranquille.
David nous conseille celle-ci* :



La terrasse sort littéralement de la façade, traverse les brise-soleil et vient être récupérée par l'escalier qui est une sculpture. On dirait que les architectes (Ferret, Marmouget, Courtois) ont dessiné leur équerre. Ce balcon permet de surplomber la rue et donc de voir mieux la mer. C'est en quelque sorte une réponse, un écho au portique sur le front de Mer. Cette envie de donner la mer est le point commun de l'architecture de Royan, sa raison, oui, donner la mer.
Nous viendrons, Walid, David et moi boire ici bientôt un verre. Nous viendrons à Royan, nous oublierons l'histoire de l'architecture, nous préférerons discuter sous les parasols de notre futur bain de mer. Nous ferons donc usage de l'architecture, nous lui rendrons ainsi hommage ainsi qu'à ceux qui nous auront donné l'occasion de la retrouver dans sa force et dans ses fonctions.
Faudra-t-il, vite, acheter les dernières cartes postales du Palais des Congrès avec son grand pan de verre ? Oui...

W. Riplet-J-J Lestrade

*édition Compagnies des Arts Mécaniques, pas de photographe.

Pour en savoir plus :
https://www.sudouest.fr/2018/02/26/royan-la-rehabilitation-du-palais-des-congres-debutera-des-octobre-4232266-1510.php

pour voir et revoir le Palais des Congrès de Royan :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/03/congres-damateurs-sur-le-toit.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/11/royan-dans-la-somme.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/04/royan-cote-passager.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2013/01/royan-faire-le-point-haut.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/2015/03/blog-post_4.html




samedi 9 février 2019

Brasilia signée Vago

"J'ai fait l'acquisition de cette carte postale de Brasilia. Je vous laisse regarder et travailler sur son  expéditeur. Cela vous permettra sans doute de faire un bel article. Je vous montrerai la carte en venant à Paris ce lundi. On ira voir ensuite l'immeuble Hennebique. Bien à vous deux. David"



Alors, je vais tenter de répondre à ce souhait de David. Toujours commencer par la photographie de cette carte postale. Ici, Brasilia et son Palacio da Alvorada qu'il est facile de reconnaître. Je m'étonne par contre un peu du premier plan de cette photographie nous montrant une sorte de plan incliné carrelé et qui semble recevoir de l'eau si on en croit les reflets. Une forme géométrique au milieu de ce qui pourrait être un bassin vient donner à l'ensemble des jeux d'ombres et une abstraction un rien sèche du lieu. Difficile de comprendre pourquoi le photographe est venu cadrer ainsi ce premier plan stérile, laissant fuir au loin les lignes du bâtiment. On note que le photographe n'est pas nommé.
Sur Google Earth il est facile de retrouver le point de vue et de comprendre que ce premier plan est bien un bassin avec une forme de flèche en son centre.























Retournons la carte postale.
D'abord il n'y a pas de nom d'éditeur mais un blason du Brasilia Palace Hotel remplace ce nom. Cela signifie que cette carte postale devait être une exclusivité de cet hôtel, seulement distribuée par lui et certainement disponible dans l'hôtel à l'accueil ou dans une boutique réservée aux clients qui y séjournent. On peut donc en déduire que l'expéditeur a soit séjourné dans ce Brasilia Palace Hotel, soit y est venu en visite.


















Cet hôtel est d'ailleurs une merveille, elle-même une œuvre en soit et qui fut dessinée par Niemeyer. Comment ne pas jalouser l'expéditeur de cette carte postale.
Et là, bien entendu, c'est surprenant.
En effet, la carte postale fut écrite et envoyée par Pierre Vago himself !
Pierre Vago ! Oui !



Il a écrit sa carte postale le 11 octobre 1958 mais elle ne fut oblitérée que deux jours après, d'ailleurs sans timbre mais par un tampon, ce qui est très curieux. Peut-être était-ce la manière de faire pour les cartes postales voyageant Via Aerea (avion) vers la Belgique.
On aime le texte court mais bien optimiste de Pierre Vago :
Bien sympathiques pensées de ce monde nouveau, si passionnant !
Ce qui est touchant c'est l'utilisation du terme de monde nouveau que l'on peut retourner en Nouveau Monde. L'architecte voit donc dans Brasilia non seulement une ville mais aussi un Monde en soit, globalité plus large dans sa géographie mais aussi certainement dans son influence, sa découverte, sa modernité.
La carte est donc envoyée à Monsieur le directeur, les Professeurs et les élèves de l'école supérieure d'architecture de Tournai. On note que Pierre Vago ne veut oublier personne et qu'il est certain que cette carte postale aura su trouver à son arrivée tout ce monde en même temps ! La carte a-t-elle effectivement circulé dans toute l'école ? Fut-elle punaisée sur un mur dans les couloirs, à la vue de tous comme le trou de punaise le laisse croire ?












Mais qui est ce Directeur ? Je n'ai pas trouvé son nom alors qu'il est aisé de trouver que Pierre Vago lui-même fut directeur des études de cette école d'architecture de Tournai. S'est-il envoyé à lui-même cette carte postale ?
L'autre question est la raison de ce voyage vers Brasilia. S'agit-il d'un voyage personnel et familial ou plus professionnel ? Est-il parti pour réaliser une étude, un article, une conférence sur place ?
En 1958, un voyage de la France ou de la Belgique vers le Brésil restait exceptionnel, couteux et rare. Nous sommes en octobre, donc pas dans une période de vacances. Peut-on en déduire un voyage professionnel ?
N'oublions pas aussi que 1958, en Belgique, c'est l'année de la très importante exposition internationale de Bruxelles, celle de l'Atomium.
Reprenons :
- Nous sommes en octobre 1958
- Pierre Vago est à Brasilia
- Pierre Vago est Président du Comité de Rédaction de la revue l'Architecture d'Aujourd'hui
- Revue qui publiera dans son numéro 80 daté de octobre/novembre 1958 un article complet sur Brasilia
- Article qui évoque longuement le Brasilia Palace Hôtel
- Revue qui informe de l'un de ces nouveaux correspondants pour le Brésil : Artur (Arthur) Licio Pontual
- Revue qui informe d'une exposition sur Brasilia à Paris, à l'Unesco, réalisée par Artur Licio Pontual
Il ne fait donc aucun doute que cette carte postale est la trace du voyage de Pierre Vago à Brasilia pour préparer le dossier sur la ville nouvelle de Niemeyer.
Pourtant... cela veut dire que la datation d'octobre de la revue semble un peu à rebours pour un numéro double octobre/novembre. Il semble que la publication n'ait pu se faire que tard dans le mois d'octobre, voire en novembre. On peut aussi supposer que Pierre Vago fut promené et aidé sur place à Brasilia par le jeune Artur Licio Pontual.
Ouf !
On a fait le tour ?
Rapidement, si on googolise le nom de Arthur Licio Pontual, on trouve une photographie du jeune architecte designer à Brasilia avec Niemeyer, il est le deuxième en partant de la gauche. On remarque au mur le plan de Brasilia, le cliché serait de 1957, merci http://portal.jobim.org/ :



Par contre, on trouve très peu de documents sur les réalisations de ce jeune homme. Il semble qu'un livre sur son œuvre fut publié et même qu'une rue porte son nom ! Pourquoi alors si peu de choses visibles sur ses réalisations ? Il n'y a rien dans la bibliothèque de notre école sur lui.

Walid Riplet, J-J Lestrade .


Peut-être, certainement même, est-il l'auteur de ces barres à Rio en 1972 :




Voici quelques extraits de l'article sur Brasilia paru dans le numéro 80 de la revue l'Architecture d'Aujourd'hui (Fonds Agence Lestrade) :