jeudi 18 juillet 2024
Jean Prouvé, combleur de vide ?
mardi 16 juillet 2024
Joyeux anniversaire la Grande Motte !
mardi 9 juillet 2024
Kanye West/ Tadao Ando, la plus belle ruine du Monde.
Mais c'est quoi ce désir de pureté ? Pourquoi soudainement tout le monde crie au saccage, à la honte, au non respect de "l'oeuvre" ? Oui. Soyons clairs. Donc c'est quoi ce sentiment de pureté ?
Vous l'entendez la petite musique ?
Tadao Ando travaille pour cette clientèle, il ne fait que trouver des clients qui projettent dans ses propres phantasmes des investissements sur ses idées architecturales, comme un démiurge dont il faudrait pour chacune de ses créations ne rien dire, ne rien renier et donc ne rien remodeler. Mais si l'architecture c'est ce qui fait de belles ruines comme l'affirmait Perret, alors nous devrions remercier Kanye West pour son travail de mise en avant de la ruine de Tadao Ando. Et quoi ? Il est propriétaire Kanye. Propriétaire. Vous voyez ce que cela veut dire non ? C'est sans doute cela qu'il faudrait questionner vraiment. Et à quoi me sert de savoir qu'une oeuvre pour milliardaire, quelque soit sa beauté, est maintenue dans son état de grâce puisque, de toute manière qui profitera alors de cet état de grâce ? L'idée alors qui pointe c'est qu'il ne faut pas plus moquer Kanye West de ce qui serait (selon cette page Facebook) sa bêtise ou son inculture que de se rire d'un architecte qui se voit débouter de son droit à l'image de son oeuvre (et son état de grâce) par ceux-là même dont il est le laquais.
Fabriquer les plus belles abstractions architecturales qui soit ne permet pas de fermer la réalité à son usage. Ando ne crée pas des sculptures minimalistes dont l'usage serait la simple contemplation auto-centré de son génie. Et, bien que ce soit une "villa" pour riches, elle reste une maison dont les usages et les ajustements de la vie qui vont s'y dérouler doivent rester à la discrétion de ceux qui y vivent vraiment. Renée Gailhoustet explique cela clairement pour ses constructions. Ça s'appelle habiter : la politesse des maisons.
Et puis, vous le sentez le parfum d'une pureté un peu dérangeante ? Comme si il fallait un diplôme de droit de vivre dans un chef-d'oeuvre. Et qui pour le distribuer ce diplôme de bonne conduite dans une oeuvre architecturale de bon goût ? Qui ?
En fait, Kanye West fait un geste génial en mettant en lumière ce désir de pureté d'une certaine catégorie culturelle. Il permet de lire comment on fabrique des intentions sociales, des appropriations culturelles sur un bien. Si la propriété est privée, pourquoi donc vous étonner de ce retournement ? Tadao Ando n'est pas une victime de ce monde libéral, il en est l'un des acteurs, l'un des serviteurs, un complice. Il produit une oeuvre pour rêver la vie des gens riches qui devraient se plier à son goût de l'austérité plastique comme si il fallait s'excuser de la valeur de son oeuvre par le prix d'une architecture brute et radicale. La radicalité, voyez-vous, ça ne va pas à tout le monde et ça ne permet pas de se racheter une bonne conduite morale quant à la clientèle qu'on vise et qu'on sert. La rigueur morale ne s'obtient pas par la qualité de banchage d'un béton ou des traces émues et amourachées des maçons.
La pureté des formes de Ando n'est pas le gage de sa pureté morale. Pour qui tu travailles Tadao ? Qui sers-tu ? Et de qui exiges-tu la protection de ton oeuvre et au nom de quoi ? De qui ?
Alors, bien entendu, il arrive que la création déborde le créateur, que le génie doive être préservé et que, d'une certaine manière, c'est vrai, beaucoup de l'histoire de l'architecture est faite d'une appropriation culturelle du beau au nom de tous. Personne en effet ne dort plus dans la chambre du Roi à Versailles et personne ne prend son petit déjeuner sur la terrasse de la Villa Savoye ou ne se baigne encore dans la piscine de la Villa Cavrois. C'est bien dommage. Les lieux sont morts. Mais ce qui me déplait foncièrement dans ce moment, c'est la certitude que, pour tout ce petit monde du Patrimoine, Kanye West aurait tort. Qu'il n'aurait pas, lui, compris le génie de Ando. Quel mépris non ? Peut-être qu'elle est invivable cette architecture de Ando ! Peut-être que l'usage de l'habiter y est impossible, qu'elle n'est qu'une idée formalisée et formaliste sans autre attention à ceux qui devront la vivre ? Qui veut vivre dans une idée ? Qui veut vivre dans une sculpture de bon goût pour que AD Magazine y fasse de belles images et puisse, Oh Lala, jouer les offusqués alors que la revue sert les intérêts culturels d'une toute petite caste des accédants à ce type d'architecture ? La bourgeoisie culturelle n'aime pas les intrus. Kanye West leur met le nez sur la ligne blanche. Il a bien raison. On devrait le remercier d'avoir fait la plus belle ruine d'architecture contemporaine. C'est le juste retour de flamme d'une lutte culturelle et de sa vengeance froide et glacée.
Il ne manque pas d'éducation, Kanye. Il en a une autre qui n'est pas la vôtre.
Pendant ce temps-là, On grignote le Mirail à Toulouse, sous les yeux de tous et surtout des responsables locaux, nationaux, internationaux du Patrimoine. Et il y a bien moins de monde pour s'en offusquer, pour le regretter. On privatise La Cité Radieuse. L'architecture pour les pauvres c'est moins clinquant, moins digne d'une colère affectée. La voilà qui arrive la honte des engagements patrimoniaux sélectifs des sachants tout heureux d'avoir retrouvé en Kanye West enfin un ennemi de classe culturelle. Allez...le poing levé, le nez blanchi, la gorge sèche. Vas-y Kanye ! Défonce-la cette villa, défonce-les ! Venge-nous.
Bien à vous tous.
David Liaudet
samedi 6 juillet 2024
Dubuisson avant Dubuisson
vendredi 5 juillet 2024
Les triangulaires de Guillou
Ah ! Voilà bien l'occasion pour certains de crier à nouveau à la traitrise des images et particulièrement de la photographie !
Tout est si propre, si net, si tendu que l'on pourrait croire à une photographie de maquette. Monsieur Marigny l'éditeur a-t-il vu ce glissement plastique possible ? En tout cas, l'église de Caudran est bien attribuée sur cette carte postale à Guillou. On admire une fois de plus comment l'architecte semble aimer les triangles, les angles pointus, les masses. Ici c'est tout le toit qui fait architecture se posant sur le sol. Il ne reste de verticales que la petite bande de pierres sous le porche creusé dans l'épaisseur et ce bandeau blanc immaculé qui dessine un A majuscule dont on ignore le sens. C'est d'une grande beauté cette image et cette architecture. Ça ne rigole pas....Là aussi, difficile de dire ce qui dessine vraiment le lieu entre l'image et l'architecture. Il ne fait aucun doute que Guillou fait une architecture d'images, prompte à faire des formes pures sous la lumière, une photogénie qui pourrait prendre le pas sur le sens des espaces. Cela se veut spectaculaire et moderne en offrant pourtant comme base une certain registre formel assez traditionnel (le toit en ardoise en double pente) ici surjoué, sur-dimensionné, exubérant, on dirait presque baroque. Comme si la Modernité ne pouvait rester ancrée dans la tradition qu'en hypertrophiant ses caractéristiques. C'est assez curieux et assez représentatif de l'époque.
lundi 1 juillet 2024
Le retour de Paul Vimond
dimanche 30 juin 2024
Le cercle de l'anarchie en ce jour
Aux Emmaüs, j'achète un petit lot de cartes postales, heureux de voir que, enfin, les Emmaüs se décident à remettre en vente des cartes après des années de bouderie ou de ventes dites exceptionnelles qui n'avaient d'exceptionnelles que l'inflation absolument ridicule des prix...
Dans ce lot, je suis immédiatement intéressé par cette carte postale du Bar-Tabac le chien qui fume à Elbeuf que je connais bien. Ce qui me séduit c'est bien, comme souvent, le moment presque palpable, tremblant de la reconnaissance. En effet, le surgissement en image d'un lieu dans nos mains, de sa représentation en un instant figé et dans un temps disparu reste l'un des mystères de notre joie. Je fais semblant alors de penser que ma joie vient de mon gout pour l'architecture et ici celle de la reconstruction d'Elbeuf assurée par François Herr et Marcel Lods, architectes. D'ailleurs si l'on regarde la carte postale, j'y retrouve bien ce vocabulaire de la reconstruction avec les plaques de béton préfabriquées jointées et les superbes cadres de fenêtres et de vitrines très ourlés qui viennent en sailli des plaques be béton. C'est bien-là le vocabulaire de la préfabrication de ma ville, celui qui m'habitua enfant à cette qualité de la reconstruction. Ce qui m'étonne sur cette carte postale c'est l'état de crasse et de saleté des murs alors même que le bâtiment, au moment de la prise de vue n'est pas si vieux. Mais l'atmosphère encore très largement industrielle d'Elbeuf à cette époque et les chauffages au charbon ont fait vieillir sans doute prématurément les bétons donnant à l'image une allure un peu triste. La carotte, enseigne d'un vendeur de tabac, est elle aussi bien abimée...
La couleur et la joie de cette image viennent de la présence des clients et des chaises en plastiques colorées si année 60. Mais un détail fait résonner cette image avec notre journée : le graffiti du sigle de l'anarchie si proprement fait, d'une netteté que je trouve éclairante. On imagine la colère du propriétaire du bar, on imagine aussi le mouvement du bras parfaitement déroulé pour faire un si beau cercle ! Bravo !
Tous les elbeuviens ont un souvenir de ce bar. Nous y allions acheter des cartouches de Gauloise pour notre père. Cette carte postale des éditions Kettler me touche donc tout particulièrement. Je suis chez moi. Malheureusement, tout ce qui en faisait sa particularité architecturale a disparu sous une vitrine banale ayant ruiné la belle articulation de l'angle entre la rue des Martyrs et la rue de Roanne, rue dans laquelle j'habitais enfant.
Dans le même lot, je trouve une belle carte postale du Ciné-Théâtre (le cinéma) d'Elbeuf, cinéma si important pour moi. Il fut bien dessiné par Marcel Lods mais aujourd'hui il a était agrandi avec peu de subtilité sur le devant, c'est à dire que ça a flingué la belle gestion de la transparence de l'entrée qui faisait de l'attente des spectateurs un spectacle à part entière...Comme chez Tati. La boite de verre et de métal si légère n'existe plus...Mais le cinéma a résisté à la vague des grands cinémas de zone commerciale. C'est déjà ça.
Pour revoir Marcel Lods sur ce blog :
https://archipostcard.blogspot.com/2012/11/territoire-marcel-lods.html
https://archipostalecarte.blogspot.com/search?q=Lods
Pour revoir Elbeuf :