je reçois, je diffuse :
samedi 20 décembre 2025
Abbé Pierre et Béton, maisons ballons
dimanche 14 décembre 2025
Chandigarh to Ronchamp by air mail
J'achète une carte postale de Chandigarh et je m'aperçois assez rapidement qu'il ne s'agit pas d'une édition mais d'une carte-photo. Il s'agit donc d'un tirage d'un particulier transformé en objet postal. La carte postale ainsi créée est plus petite qu'un format habituel et nous propose une très belle vue de Chandigarh, assez douce, un peu flou mais touchante par sa simplicité. On y devine l'échelle immense du bâtiment. Dans ma collection, les cartes postales de Chandigarh sont très rares. Il faut dire que les voyageurs vers cette contrée devaient être bien peu nombreux...Alors quand une carte postale m'arrive de Chandigarh dans les mains, je me réjouis immédiatement.
Mais cette carte postale a une autre particularité bien amusante. Elle fut expédiée par Jean Petit qui n'est rien moins que l'un des éditeurs de Le Corbusier et notamment du très beau livre sur Ronchamp. Elle est adressée à Alfred Canet à Ronchamp qui n'est rien d'autre lui que le Secrétaire de la Société Immobilière de Notre-Dame-du Haut ! Comment faire plus corbuséen ? Ne manque que la signature de l'Architecte pour que cet envoi soit complet !
Il est très rare que les cartes postales à ce point parlent de relations directes entre l'image envoyée et les expéditeurs ou receveurs. C'est donc émouvant de voir un exemple d'une carte postale qui plus est est une carte-photo.
La carte fut expédiée le 11 mars 1963, du vivant de Corbu. Un must de ma collection donc...ne soyez pas jaloux, je vous la partage.
Et...depuis Ronchamp, peut-être que Alfred Canet a pu renvoyer cette carte postale à Louis Petit :
Cette très belle carte Janin nous montre...nous montre quoi en fait ? Le chemin qui mène à La Chapelle bien plus que La Chapelle de Ronchamp elle-même ! Et la neige qui s'y pose. On aime ainsi voir la belle polychromie sur la façade du refuge jouer avec le bleu du ciel, on aime les dessins des branches nues venir chatouiller les courbes de La Chapelle. On aime ce "moment" où, pas encore sous la puissance de l'Architecture, celle-ci se donne à voir d'un peu loin, doucement, comme une promesse au bout du chemin creux, dans la fraicheur lumineuse d'un matin d'hiver.
Nous ne bouderons pas cette joie.
dimanche 26 octobre 2025
En France et en Architecture, la sévérité est un hédonisme
Voilà une belle série de cartes postales d'un lieu majeur, certes un peu moins connu que Eveux mais qui en est presque l'ombre, une ombre blanche d'ailleurs car la particularité de cette architecture c'est justement l'usage technique et esthétique de son béton blanc.
Nous sommes à Orsay et nous allons visiter la Clarté-Dieu, ensemble superbe et raide, que l'on pourra sans remord qualifier de vrai brutalisme à la française. Le programme ? Un séminaire franciscain avec tout ce que nous pouvons deviner de ce que cela suppose comme enchainement des espaces : réfectoire, chambres, bâtiments conventuels, église etc...La série est pratique, elle nous permet de faire la visite. On ne s'étonnera pas d'ailleurs que l'éditeur de cartes postale fasse faire le tour des espaces à son photographe pour rendre compte justement des emboitements spéciaux. On a l'habitude sur ce blog que l'époque soit à l'inventaire et qu'un lieu sacré, église moderne ou couvent moderne, ne puisse pas se résumer à un seul cliché. On notera qu'aucune des photographies n'est signée, que le ou les photographes sont restés en retrait derrière l'appellation générique de "Cliché Édition Franciscaines". On notera tout de même l'incroyable qualité photographique de l'ensemble et le très bon niveau d'édition. Les images sont bien contrastées, mettent bien en valeur les matières et les lumières tombant dans les lieux, lumière assez douce certainement choisie pendant une météo un peu grise pour que la lumière ne durcisse pas trop les lieux.
Là encore, on fait le choix d'une description non vivifiée par la présence directe des usagers des lieux. Aucun corps, aucun geste, personne n'est visible ici pour donner à l'ensemble du sens ou une échelle. Difficile donc de bien comprendre parfois les échelles des lieux, en ce sens la chambre donne une idée par ses meubles de la petitesse des espaces, d'une forme de sévérité dépouillée, d'un contentement de peu, celui de la lumière entrant dans la cellule par une fenêtre debout pour faire sans doute plaisir à Perret et moins à Corbu !
Mais c'est bien ce qu'on aime dans ce genre de lieu sacré, ce dépouillement, cette tendresse du presque rien où l'oeil et l'esprit doivent se contenter d'aimer ici le banchage du béton, là la rugosité de sa surface prenant la lumière. Tout est un peu raide, rigoureux mais laissant ainsi à la poésie l'essentiel : le rapport du monde à l'architecture, le dehors dans le dedans, un hédonisme naissant dans l'économie d'une architecture vue comme une interface avec le Divin, le Sacré. En regardant les images, on s'entend faire Chuuuttttt......et demander le silence pour ne rien gâter de cette joie simple des choses bien regardées.
Mais je ne vous ai pas dit qui sont les architectes de cette merveille ! Il s'agit des Frères Arsène-Henry et de E. Besnard-Bernadac. Vous trouverez sur ce site toutes les infos nécessaires et bien complètes. Allez-y !
https://journals.openedition.org/insitu/5394
Les plus fidèles d'entre vous se souviennent sans doute des Frères Arsène-Henry que nous avions découverts ici en 2017 grâce à Jean-Michel Lestrade :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2017/05/les-freres-et-leur-ciment-superblanc.html
Sans doute que cette première carte postale aurait pu suffire à dire la qualité du lieu. On aime, bien entendu, la qualité du béton, le jeu des ouvertures offrant presque toujours un noir profond et l'incroyable rigueur de l'image, toute de gris délicats venant d'un ciel chargé et filtrant. Les photographes contemporains d'architecture et leur mode de blanchir les ciels sous Photoshop n'ont donc rien inventé...Cela objective sans doute le sujet. On perçoit, au rythme soutenu des fenêtres, l'étroitesse des chambres...
D'un peu loin, l'ensemble de la Clarté-Dieu est comme perdu dans un brouillard de lignes végétales, d'ombres projetées voulant sans doute montrer une certaine intégration de ce beau rationalisme que nous appelons parfois un peu vite du Brutalisme.
Le Cloitre intérieur nous permet de voir la beauté presque classique des banchages. On se croirait en Suisse. Admirons comment l'alternance des planches forme le seul chatoiement pour l'oeil. On sent la main caresser les joints.
Cette carte est sans doute pour nous ici sur ce blog celle qui nous fait le plus kiffer comme disent les jeunes ! Perfection absolue de la rigueur, de la dureté, de l'âpreté des lieux. Les colonnes sont réduites à des poteaux raides et sublimes n'offrant presque que leur succession comme jubilation. C'est...implacable...Quel pied le brutalisme !Vous savez comme j'aime ce genre de cartes postales ou le collectif est réduit à l'expression de son mobilier esseulé dans ses espaces. Là encore comment ne pas être amoureux du bois brut des tables dont la perspective contraste à l'orthogonale des poutres du plafond. Tout le cadrage donne au crucifix sa puissance. La symétrie ici, ne vous y trompez pas est une poésie. Silence ! Silence !
On a vu chez Le Corbusier le sens de la proportion des chambres (cellules) pour le corps. On s'y retrouve presque...Admirons la projection du bureau vers la droite pour que l'oeil voit le mur...N'auriez-vous pas, simples mortels, l'envie comme moi, de faire glisser le bureau sur la gauche ? On note que le photographe a réussi à faire monter le paysage extérieur dans la fenêtre sans qu'il soit brulé par une surexposition.
N'est pas beau ce détail de La Chapelle ? L'autel est de Costa Coulentianos.Pour finir en beauté et en verticale, nous voici dans l'Église Conventuelle ! Tout est dressé devant nous ! J'aime particulièrement la puissance des pièces de la charpente et là encore le vide et la symétrie donnent à cette image sa force tranquille. Savez-vous que les vitraux du fond sont en partie de...Paul Virilio. Oui, du temps où, avant d'être philosophe et architecte, il était un maitre-verrier...Heureux de le retrouver là !
On note enfin que cet ensemble était si important déjà à son époque que la revue l'Architecture d'Aujourd'hui y consacre en 1957 un article sur une double page dont les photographies sont de Lucien Hervé lui-même ! Bonne lecture :
dimanche 5 octobre 2025
L' antiquaire, Fillod et un mystère
lundi 1 septembre 2025
Le Monstre de Tschumi et le Tournesol de Van Gogh
J'avoue que je me suis bien demandé si je devais faire entrer dans ma collection cette carte postale du Zénith de Rouen. Pas très convaincu par la photographie ni par la nécessité de ramener un bâtiment aussi récent dans ma collection, j'ai pourtant décidé donc de l'y faire entrer. Il y a des raisons :
D'abord et ce n'est pas des moindres son architecte : Bernard Tschumi que nous aimons bien sur ce blog et qui est peu représenté dans ma collection. Avoir donc une "entrée" Tschumi me semblait assez juste et normal car ce grand penseur de l'architecture méritait bien de retrouver ces paires et son père qui lui est représenté déjà dans ma collection.
Ensuite...et bien, il n'est pas si nouveau ou contemporain que ça ce Zénith de Rouen puisqu'il date de 2001, il arrive donc presque dans le temps nécessaire à un futur classement que ne manqueront pas de faire en 2026 les autorités patrimoniales de notre Région Normandie, région qui donne l'exemple de son attachement à l'Architecture Moderne et Contemporaine en déclassant des Monuments Historiques (verres et Aciers de Marcel Lods). Donc, aucun doute que la Région Normandie, la Ville de Rouen, la DRAC classeront dès sa date anniversaire de ses 25 ans ce si bel édifice...
Bon, reste la photographie de ce Zénith que je ne comprends pas bien. Est-ce l'idée de fabriquer un contraste entre "le monstre moderne" et le charme du jardinet qui a animé Thierry Chion ? Est-ce une commande et donc un certain regard réclamé par les institutions qui ont obligé le photographe à cette gesticulation jardinière et naturelle pour montrer le charme de l'intégration de ce qui, par définition, ne doit pas l'être si on en croit les habitudes théoriques de Tschumi ? On sait que les photographes de cartes postales ont toujours aimé caler un premier plan végétal pour faire leurs images. Est-ce là un indice de cet attachement à la tradition ou un penchant contemporain démagogique pour la friche, le tiers-lieu, le jardin partagé ?
L'image est aussi prise dans une résolution un rien éteinte, un contre-jour, quelque chose dans la lumière qui n'est pas très claire comme un petit matin frais bien vallée de Seine. Le photographe se met bien bas pour que son premier plan si touchant et poétique du jardinet vienne contraster avec le MONSTRE tapi derrière. Finalement, il faut saluer le désir d'originalité et la prise de risque. On aimera, si on aime les images et les analogies, que le photographe soit un genou (deux ?) à terre devant l'architecture du Zénith. On aime ça. La laitue a monté et les tournesols, depuis Van Gogh et Michel Legrand, n'en finissent pas de tourner la tête vers le soleil normand bien calmé.
On notera que cette carte postale institutionnelle puisque revendiquée par la Métropole de Rouen ne fait aucun effort pour nommer l'architecte ! C'est un comble ! Oublier ainsi le nom du créateur, du penseur, du constructeur, de l'architecte dont on use pourtant de son image de modernité est assez signifiant de la manière dont ces institutions se foutent comme d'une guigne des architectes. Monsieur Tschumi jugera comme il veut cet oubli de son nom.
Il me restera, avec mon crayon, a ajouter ce nom au verso de la carte.
Sois la bienvenue dans ma collection.
https://archipostcard.blogspot.com/2010/07/par-ordre-dapparition.html
dimanche 31 août 2025
Par Issy l'église moderne modeste et la pin-up républicaine
mercredi 27 août 2025
Petite suite post-moderne (et théâtrale) à classer d'urgence
Dans l'histoire de mes engagements architecturaux, j'ai longtemps mis des limites de coeur et d'esprit, dans un désir de pureté toujours signe d'une radicalité que seule la jeunesse peut expliquer et excuser.
Et puis...
Il y a vingt ans, au début de ce blog, jamais je n'aurai fait un article sur l'architecture historiciste ou post-moderne ou alors pour m'en moquer. Il faut dire que le Brutalisme et le Hard-French occupaient déjà bien la place de mon esprit combatif pour la reconnaissance d'un Patrimoine mal aimé et que, aujourd'hui, même si je relativise encore beaucoup le sens de cette autre architecture, il m'arrive maintenant de comprendre un peu mieux son goût du délire psychopathique, surréaliste, gesticulant de signes et d'humour aussi, ce qui, chez moi, sauve beaucoup de choses.
Et puis...
Et puis la jeunesse pousse un peu et ce qui faisait une certaine originalité de position de ma part il y a longtemps je dois bien le supporter des jeunes d'aujourd'hui qui, eux, se baignent dans les lumières moulées de béton d'un Ricardo Bofill ou d'un Nunez-Yanowski sans remord, sans crainte, un peu comme maintenant on se baigne dans la Seine à Paris. Il y a bien un peu de caca dans l'eau mais pas suffisamment pour que le désir de baignade ne soit pas satisfait. Il faut donc plonger dans toute l'Histoire de l'Architecture. Je veux plonger maintenant avec cette jeunesse amusée de l'histoire récente de l'Architecture.
Et puis...
Dans le rangement et la recherche de cartes pour un projet sur Nantes d'une exposition sur Jean Prouvé, je fouille mon Fonds et je trouve cette carte postale un peu perdue, mal rangée et qui me fit sourire immédiatement :
Vous allez rire mais au premier regard sur cette carte postale mon esprit y à coller le travail de Roland Castro à Angoulème et on verra que finalement il y a un lien très tenu. Mais non bien entendu, il ne s'agit pas de Castro qui use, lui, d'autres références. Nous sommes à Miramas et il s'agit d'une carte postale des éditions Anatome affranchie en 1987 qui nous montre le Théâtre "La Colonne". On le dit de suite : cette carte est vraiment très mal imprimée, d'une qualité douteuse et ne permet pas de bien lire ce qui s'y passe. Pourtant, il y a longtemps, j'ai bien décidé de l'acheter, sans doute d'ailleurs touché par cette qualité fragile qui lui donne aussi un aspect un rien usée, fatiguée, un peu comme les cartes pauvres des pays de l'Est. Et voilà que je me vois décidé aujourd'hui à la prendre en compte, à la sortir du lot, à me voir faire des recherches sur cet espace sans bien comprendre pourquoi c'est maintenant que cette urgence se déclenche chez moi. Je trouve facilement le nom de l'architecte : Jean-Jacques Morisseau. J'avoue découvrir ce nom et son travail que je n'avais jusqu'à ce jour jamais entendu. Et pourtant, il y a là une vraie oeuvre. Le moins que l'on puisse dire c'est que, au moins pour ce théâtre, Monsieur Morisseau est totalement pris par cette école Post-Moderne, entre donc un Ricardo Boffil ou le Groupe Site, jouant de tous les vocabulaires, jouant au fantastique joyeux, ménageant surprise des matériaux et des espaces, construisant à la fois un décor avec humour mais fabriquant un vrai lieu, un espace qui raconte quelque chose de l'imaginaire, du décor, de la mise en scène. Il y a même des colonnes qui montent un escalier...C'est Piranèse ou de Chirico si on veut. On pourrait trouver à toutes cette gesticulation une vanité mais j'avoue que maintenant je me laisse volontiers prendre à ce mouvement baroque, au désir d'une architecture qui gueule sa présence, qui demande avidement qu'on la regarde. Aujourd'hui, une architecture-piège (tableau -piège) que l'on dirait instagramable. Je m'excuse pour ce néologisme atroce. J'adorerais aller la voir, jouer avec mon appareil photographique et je dois pour l'instant me contenter de la Google Car qui fait tout de même bien le travail.
Mais je découvre que Jean-Jacques Morisseau a aussi produit un lycée à Angoulème ce qui explique peut-être un peu mon collage évoqué plus haut. Mais Comment je n'ai pas eu l'intelligence de profiter de mon séjour à Angoulème pour aller visiter ce pur délire architectural ! Mon ami Frédéric Lefever me fera y revenir. Le Lycée de l'Image et du Son est vraiment incroyable ! On a envie d'y aller voir ! Existe-il une carte postale de ce lycée ?
Bien entendu la question qu'il faut poser ici c'est la Patrimonialisation de ce genre d'architecture. De telles constructions mériteraient un classement immédiat tant elles sont représentatives de cette école architecturale finalement assez rares en France. Ce qui d'ailleurs me réjouissait à une autre époque...On voit que la Résidence Lamartine de Tours des architectes Marc Ginisty et Robert Mander que j'ai découvert par hasard cette année est bien labellisée. Qu'en est-il des oeuvres de Jean-Jacques Morisseau ? Il est temps de les protéger mais aussi d'en révéler toutes les qualités même si le spectacle de leur existence prend parfois un peu le pas sur leur fonction. Après tout, c'est aussi l'une des joies de la Ville que de tomber dans des fictions, des histoires, des narrations, des ruines un peu trop neuves.
Je ne trouve pas de site pour le travail de Jean-Jacques Morisseau ni de catalogue de son oeuvre. C'est dommage.