Voilà une belle série de cartes postales d'un lieu majeur, certes un peu moins connu que Eveux mais qui en est presque l'ombre, une ombre blanche d'ailleurs car la particularité de cette architecture c'est justement l'usage technique et esthétique de son béton blanc.
Nous sommes à Orsay et nous allons visiter la Clarté-Dieu, ensemble superbe et raide, que l'on pourra sans remord qualifier de vrai brutalisme à la française. Le programme ? Un séminaire franciscain avec tout ce que nous pouvons deviner de ce que cela suppose comme enchainement des espaces : réfectoire, chambres, bâtiments conventuels, église etc...La série est pratique, elle nous permet de faire la visite. On ne s'étonnera pas d'ailleurs que l'éditeur de cartes postale fasse faire le tour des espaces à son photographe pour rendre compte justement des emboitements spéciaux. On a l'habitude sur ce blog que l'époque soit à l'inventaire et qu'un lieu sacré, église moderne ou couvent moderne, ne puisse pas se résumer à un seul cliché. On notera qu'aucune des photographies n'est signée, que le ou les photographes sont restés en retrait derrière l'appellation générique de "Cliché Édition Franciscaines". On notera tout de même l'incroyable qualité photographique de l'ensemble et le très bon niveau d'édition. Les images sont bien contrastées, mettent bien en valeur les matières et les lumières tombant dans les lieux, lumière assez douce certainement choisie pendant une météo un peu grise pour que la lumière ne durcisse pas trop les lieux.
Là encore, on fait le choix d'une description non vivifiée par la présence directe des usagers des lieux. Aucun corps, aucun geste, personne n'est visible ici pour donner à l'ensemble du sens ou une échelle. Difficile donc de bien comprendre parfois les échelles des lieux, en ce sens la chambre donne une idée par ses meubles de la petitesse des espaces, d'une forme de sévérité dépouillée, d'un contentement de peu, celui de la lumière entrant dans la cellule par une fenêtre debout pour faire sans doute plaisir à Perret et moins à Corbu !
Mais c'est bien ce qu'on aime dans ce genre de lieu sacré, ce dépouillement, cette tendresse du presque rien où l'oeil et l'esprit doivent se contenter d'aimer ici le banchage du béton, là la rugosité de sa surface prenant la lumière. Tout est un peu raide, rigoureux mais laissant ainsi à la poésie l'essentiel : le rapport du monde à l'architecture, le dehors dans le dedans, un hédonisme naissant dans l'économie d'une architecture vue comme une interface avec le Divin, le Sacré. En regardant les images, on s'entend faire Chuuuttttt......et demander le silence pour ne rien gâter de cette joie simple des choses bien regardées.
Mais je ne vous ai pas dit qui sont les architectes de cette merveille ! Il s'agit des Frères Arsène-Henry et de E. Besnard-Bernadac. Vous trouverez sur ce site toutes les infos nécessaires et bien complètes. Allez-y !
https://journals.openedition.org/insitu/5394
Les plus fidèles d'entre vous se souviennent sans doute des Frères Arsène-Henry que nous avions découvert ici en 2017 grâce à Jean-Michel Lestrade :
https://archipostalecarte.blogspot.com/2017/05/les-freres-et-leur-ciment-superblanc.html
Sans doute que cette première carte postale aurait pu suffire à dire la qualité du lieu. On aime, bien entendu, la qualité du béton, le jeu des ouvertures offrant presque toujours un noir profond et l'incroyable rigueur de l'image, toute de gris délicats venant d'un ciel chargé et filtrant. Les photographes contemporains d'architecture et leur mode de blanchir les ciels sous Photoshop n'ont donc rien inventé...Cela objective sans doute le sujet. On perçoit, au rythme soutenu des fenêtres, l'étroitesse des chambres...
D'un peu loin, l'ensemble de la Clarté-Dieu est comme perdu dans un brouillard de lignes végétales, d'ombres projetées voulant sans doute montrer une certaine intégration de ce beau rationalisme que nous appelons parfois un peu vite du Brutalisme.
Le Cloitre intérieur nous permet de voir la beauté presque classique des banchages. On se croirait en Suisse. Admirons comment l'alternance des planches forme le seul chatoiement pour l'oeil. On sent la main caresser les joints.
Cette carte est sans doute pour nous ici sur ce blog celle qui nous fait le plus kiffer comme disent les jeunes ! Perfection absolue de la rigueur, de la dureté, de l'âpreté des lieux. Les colonnes sont réduites à des poteaux raides et sublimes n'offrant presque que leur succession comme jubilation. C'est...implacable...Quel pied le brutalisme !Vous savez comme j'aime ce genre de cartes postales ou le collectif est réduit à l'expression de son mobilier esseulé dans ses espaces. Là encore comment ne pas être amoureux du bois brut des tables dont la perspective contraste à l'orthogonale des poutres du plafond. Tout le cadrage donne au crucifix sa puissance. La symétrie ici, ne vous y trompez pas est une poésie. Silence ! Silence !
On a vu chez Le Corbusier le sens de la proportion des chambres (cellules) pour le corps. On s'y retrouve presque...Admirons la projection du bureau vers la droite pour que l'oeil voit le mur...N'auriez-vous pas, simples mortels, l'envie comme moi, de faire glisser le bureau sur la gauche ? On note que le photographe a réussi à faire monter le paysage extérieur dans la fenêtre sans qu'il soit brulé par une surexposition.
N'est pas beau ce détail de La Chapelle ? L'autel est de Costa Coulentianos.Pour finir en beauté et en verticale, nous voici dans l'Église Conventuelle ! Tout est dressé devant nous ! J'aime particulièrement la puissance des pièces de la charpente et là encore le vide et la symétrie donnent à cette image sa force tranquille. Savez-vous que les vitraux du fond sont en partie de...Paul Virilio. Oui, du temps où, avant d'être philosophe et architecte, il était un maitre-verrier...Heureux de le retrouver là !
On note enfin que cet ensemble était si important déjà à son époque que la revue l'Architecture d'Aujourd'hui y consacre en 1957 un article sur une double page dont les photographies sont de Lucien Hervé lui-même ! Bonne lecture :
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