dimanche 15 janvier 2023

Willy Ronis et les H.L.M

 Ce matin, dans le froid du boulodrome de St Pierre, je fouille comme d'habitude au fond des âmes des boites à chaussures pleines de cartes postales en couleurs comme disent les vendeurs qui s'excusent de ne pas en avoir des en noir et blanc plus anciennes.
Il me faut toujours sourire et leur expliquer que, justement, celles en couleurs sont bien celles que je recherche.
Mais ce qui me surprend toujours dans ces boites c'est qu'elles contiennent certes des cartes postales mais aussi souvent des vieux papiers allant de l'image pieuse au morceau de carte routière, de la vieille facture d'une tondeuse à la photographie oubliée d'une tante que j'ai souvent plaisir à sauver en la montrant au vendeur surpris de cette rencontre.
Aujourd'hui c'est un petit fascicule sur les H.L.M et leur histoire qui me tombe dans les mains. La couverture très sobre et très graphique m'attire immédiatement mais au vue du sujet et de l'état je me pose la question de l'achat.
Puis, à la fin de l'ouvrage, une photographie d'une famille heureuse me fait de l'oeil et la signature du photographe finit de me convaincre de l'achat : Willy Ronis.




Que fait Willy Ronis dans une telle publication ? L'éditeur de ce petit fascicule a-t-il fouillé dans le Fonds du photographe ou bien Willy Ronis a-t-il été mandaté pour faire cette photographie des jours heureux en H.L.M ? On notera que le dit-ouvrage n'est pas daté, qu'aucun colophon ne vient renseigner sur l'édition ni sur sa diffusion.
Alors il faut s'en remettre au texte et aux dates qui y sont évoquées pour comprendre que nous sommes au début des années cinquante puisque l'Abbé Pierre et son combat y sont convoqués. On notera que ce fascicule pourtant entièrement tourné vers le logement et les H.L.M ne cite aucun nom d'architecte ni n'évoque d'ailleurs l'architecture...On reste sur ce sujet sur sa faim ! Il faut dire que le fascicule tente surtout de rendre hommage à l'action des Sociétés d'H.L.M qui semble, si on en croit le texte, critiquée.
On reste d'ailleurs surpris de voir que les termes de cette défiance et ses raisons sont encore d'actualité et que la construction du logement social soulève toujours les mêmes craintes, les mêmes contraintes, les mêmes difficultés.
Les bastions de gens pauvres laissés ensembles dans des quartiers à haute densité de pauvreté soulevait déjà ces mêmes questions au milieu du XIXème siècle...La responsabilité du financement aussi.
Dans le fascicule, on trouve peu d'images des réalisations et je vous les donne. Vous verrez qu'on peut rester circonspect sur ces choix. Il n'y a là rien d'avant-garde ou d'exceptionnel mais une certaine image de tranquillité architecturale bien faite et reconnue par notre imaginaire du logement social à la française.
Des images en noir et blanc de H.L.M, images peu animées, semblant sortir de terre, être toutes neuves. Les images sont bien là pour illustrer la politique des Sociétés H.L.M, comme des preuves de leur action. On note que aucun témoignage d'habitant ne figure dans l'ouvrage, qu'à part l'image de Willy Ronis, aucune image de l'intérieur et des habitants n'est donnée. 
On sait bien en regardant cette photographie de Willy Ronis qu'elle est fabriquée. Le flash puissant envoie ses ombres. Mais il ne faut pas trop vite en conclure une fonction communicationnelle de cette photographie qui, bien que construite, n'en est pas moins représentative certainement de la vie de famille dans cette période. Les parents font ce que font les parents, les enfants tournent autour de la table, point de ralliement de la famille enfin bien logée. Rappelez-vous cette photographie de famille sur cette carte postale de la Cité radieuse ou celle dans la revue Radar de la même Cité de Le Corbusier. Ce rassemblement familial sous le flash du photographe n'est pas qu'une construction, c'est aussi une bienveillance à ceux qui vivent là. Le mobilier, les images sur le mur, la petite sculpture ne sont pas des fantasmes du photographe. Le père lit le journal (comme chez Corbu) pendant que la mère tricote (comme chez Corbu). Toute la modernité de l'image vient certainement de la tranquillité possible de vivre ensemble et de la grande soeur qui, elle, peut lire tranquillement aussi ou faire ses devoirs. La fenêtre ne donne sur rien. Étrange occultation.
Les spécialistes de Willy Ronis nous donneront rapidement les origines de ce cliché du photographe. Nous resterons sur l'idée que les H.L.M avaient alors besoin de se défendre et que c'est par ce petit document qu'ils ont cru pouvoir répandre leurs actions, rappeler leur importance.
On pourrait aujourd'hui, à l'implosion d'une barre ou d'une tour, se rappeler cette espérance, cette action et la réalité d'un mouvement moderne qui avait tenté de faire et d'agir.
C'est déjà ça. On savait être "au service de la Nation et du progrès social". 
On se voit jeudi 19 janvier ?
















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