Nous allons faire la visite d'un lieu aujourd'hui disparu mais qui comportait pourtant certains détails et certaines formes qui vont faire prendre des tours aux amateurs de design des années cinquante.
Nous serons à Nancy, très précisément au 35, rue Lionnois, dans le Centre de Réadaptation Fonctionnelle. Et que cela soit à Nancy n'est certainement pas pour rien dans ce qui va suivre.
D'abord le bâtiment :
La carte postale qui ne comporte aucun nom d'éditeur mais seulement celui de son photographe J. Scherbeck nous montre essentiellement une façade régulière mais perturbée au dernier étage par quatre petites arcatures, dernier étage proposant un garde-corps en béton alors que les étages inférieurs restent ouverts. On sent un jeu de panneaux posés sur la structure et peut-être même ici des coursives mais cela me semble tout de même un peu étroit. En tout cas, on aurait vite fait, puisque nous sommes à Nancy, de rêver à une façade entièrement équipée de panneaux aluminium de Jean Prouvé. J'avoue, depuis cette image, rester perplexe quand à l'identification de ceux-ci.
Les architectes de cet ensemble sont messieurs Roger Lamoise et Jean Bourgon mais cet ensemble n'est pas qu'une façade car il se déploie autour du retrait du bâtiment de l'alignement de la rue afin d'offrir une cour et de poser à l'angle de la rue, perpendiculairement à sa façade un autre bloc ouvert par une très grande baie. Au rez-de-chaussée, la hauteur sous plafond est bien plus grande et là aussi, la transparence totale est de mise. L'ensemble affiche donc une modernité tranquille mais belle, rigoureuse accentuée par l'étroitesse du bâtiment principal. Une sorte d'écran.
On pourrait déjà se réjouir de cet ensemble. Mais...
Si nous pouvions encore entrer à l'intérieur et aller dire bonjour à l'accueil, nous serions un peu comme des gamins à Noël dans le rayon des jouets :
Dans un superbe espace aux proportions élégantes que la percée vers l'étage intermédiaire rend encore plus spectaculaire, on assiste à la mise en scène habituelle du palmier obligatoire et du Philodendron si années cinquante. Mais oui, je sais bien que les amateurs de Jean Prouvé sont aux anges. Tout ce mobilier étant bien signé du "quincaillier de génie" comme le nommait Charlotte Perriand. Longues banquettes, fauteuils forment donc un espace d'attente parfait pour aujourd'hui un show-room vintage.
Mais ici, ce sont bien les corps souffrants et douloureux qui attendaient là, dans le confort du dessin de Jean Prouvé de retrouver leur santé. Le fauteuil dans lequel ils posaient leur derrière est le modèle fauteuil Direction 352, pour la banquette et la table basse je n'ai pas retrouvé le nom exact du modèle.
Mais montons au hall du premier étage :
Oui... je sais... Calmez-vous, calmez-vous...
D'abord nous aimerons la très belle fresque sur le mur que malheureusement le cliché en noir et blanc de nous permet pas de juger correctement mais qui dans son dessin est bien caractéristique de l'intégration des Arts de l'époque. Malheureusement, nous n'avons pas le nom de l'artiste ayant réalisé ce beau morceau. Il devait être bien agréable de lire son Paris-Match dans cette paire de chaises du modèle Antony ici recouvertes de skaï.
On retrouve également la table basse ronde mais ici, curieusement le plateau est en verre. On pourrait aussi se poser la question pour les deux portes à hublot mais là, je crois bien qu'il ne s'agit pas de modèle de Jean Prouvé.
Une partie de ping-pong ?
Nous voici ici dans le foyer et la salle à manger. Là encore regardez bien le mobilier...
Nous avons ici un concentré de l'œuvre de Jean Prouvé avec tables, chaises, fauteuils. On aimera tout particulièrement les petites tables carrées au plateau blanc.
On pouvait donc dans ce très bel espace, très ouvert, très lumineux, faire une partie de baby-foot ou de ping-pong et se reposer sur du beau mobilier.
Car, ne l'oublions pas, le mobilier de Jean Prouvé avait cette vocation populaire, il était fait ainsi pour les collectivités, pour le grand nombre, bref ce mobilier était fait pour tout le monde. Aujourd'hui l'erreur fatale de la réédition de ce mobilier par Vitra interdit littéralement à sa forme de rejoindre sa fonction. À 600 euros la chaise, on rêve que les droits d'éditions de ce mobilier, dans le vrai esprit de Jean Prouvé, soient cédés à But ou Conforama qui auraient bien mieux, en grand nombre, diffusé cet esprit. Je me souviens avoir bien rigolé à la dernière FIAC de voir que la chaise de Jean Prouvé était devenu un meuble obligatoire aux galeristes comme preuve de leur modernité.
Brisons donc bien vite cette idôlatrie à la mode qui ne répond pas à l'intelligence du créateur. Vivement, en grand nombre, par milliers même, de belles copies chinoises ou italiennes pour meubler nos intérieurs.
S'il faut aujourd'hui une réadaptation c'est bien celle de l'esprit d'un créateur au mode de diffusion de sa création.
Pardon.
Vous pouvez relire l'ensemble des articles sur Jean Prouvé ici :
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