Mais puisque l'actualité des Journées Européennes du Patrimoine arrive à grands pas, je vous propose d'aller voir une dernière fois quelques œuvres majeures, parfois labellisées et pourtant menacées de destruction, de restructuration ou de relooking épuisant.
Faisons une promenade vers de futures ruines, vers des regrets que les livres d'histoire de l'architecture enregistreront dans quelques années comme des erreurs et des exemples de bêtises de la politique patrimoniale dont on peut se demander si en France, au-delà des affichages institutionnels et des émissions sur France 2, elle existe encore. Avant, la Grande Muette, c'était l'Armée, il semble qu'aujourd'hui ce soit, au moins sur les questions de l'architecture contemporaine et de son héritage moderniste, le Ministère de la Culture... Pendant ces journées, il pourrait y avoir des annonces de ce Ministère montrant son attachement au Patrimoine Moderne, cela serait un signe, une énergie, une reconnaissance mais vous verrez que comme sous Filippetti, on n'aura rien.
Voilà le progamme de l'année pour ces Journées Européennes du Patrimoine :
Allez faire un tour sur le terrain déblayé de l'église Sainte Bernadette du Grand-Quevilly, allez voir qu'il ne reste rien... Allez dans la même ville, voir l'autre église dessinée par l'architecte Cacaut, abandonnée et détériorée. De ce fait, pour ces Journées Européennes du Patrimoine, Grand-Quevilly est la ville où l'Art Sacré Moderne est sacrément détesté et dédaigné, une ville donc phare dans ce programme. Nous reste à regarder sur Google Earth, les images de l'église encore debout...
Allez vite à Toulon pour ces Journées Européennes du Patrimoine regardez pour quelque temps encore la très belle Caisse d'Épargne de Henry, architecte avant que les affairistes du mètre-carré, les investisseurs en surface-plein-centre-ville associés à des architectes qui se fichent comme d'une guigne de leurs aînés et de leur héritage ne viennent faire un tuning hideux sur ce chef-d'œuvre qui a donc obtenu pour rien le Label Patrimoine du Vingtième sicle. Un vrai et beau futur cas d'école pour la signification de ce Label en France. Dépêchez-vous ! Tous à Toulon pour voir la réalité de la politique patrimoniale en France. Ils ont déjà affiché leur programme Visio... C'est à pleurer.
Allez tous à Vigneux-sur-Seine pour les Journées Européennes du Patrimoine voir l'ensemble de Paul Chemetov, les Briques rouges. Faites des photographies, des dessins, documentez pour l'histoire la destruction d'un Label du Patrimoine du Vingtième Siècle ! C'est une chance de saisir en direct l'inutilité affichée publiquement de ce Label !
Là aussi tout cela pour un programme foncier et immobilier d'une qualité... rare, c'est inouï comme en France, la laideur a le pouvoir de détruire sous le regard des maires les œuvres intelligentes...
Allez tous au Touquet voir la très belle tour de l'école hôtelière avant que l'on ne sache comment la reconvertir et que, devant le manque d'idées et l'épuisement des possibles on ne se décide avec regrets (ils ont toujours des regrets) à la détruire.
Allez voir au Havre comment un chef-d'œuvre reconnu d'Oscar Niemeyer, chef-d'œuvre posé dans une ville étant inscrite sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Unesco, allez voir comment cette Maison de la Culture a pu être éradiquée dans ses formes et ses fonctions, étant pourtant l'une des constructions emblématiques de cet architecte en France. Voyez ce somptueux ratage dont le seul hommage fait à l'architecte est d'avoir inscrit son nom en énorme sur les nouveaux murs comme pour se rassurer d'avoir bien fait. C'est, je crois, l'exemple le plus parfait de la démagogie patrimoniale à la française, un cas d'école, un cas historique. Suite à cette catastrophe patrimoniale, je crois qu'il faudra retirer au Havre son inscription sur la Liste Mondiale du Patrimoine de L'Unesco. Cela laisse songeur sur les possibles attaques de l'œuvre de Perret si la démagogie politique effectuée sur celle de Niemeyer venait à s'étendre. Pour ces Journées Européennes du Patrimoine allez donc tous au Havre voir cette honte.
Allez vite au Mirail, voir comment l'héritage de Candilis est sacrifié, mutilé, éradiqué et tout cela dans un esprit presque festif et heureux ! C'est absolument inouï ! Et que la cabale mêlant les idées flamboyantes radio-diffusées d'une équipe d'architectes et les petites pensées humanistes d'un philosophe permet là aussi de croire qu'ils font bien, juste et même rendent hommage à cette architecture ! On détruit pour rendre hommage ! Le comble... Donc vite, allez à Toulouse Le Mirail pour ces journées européennes de destruction du Patrimoine !
Enfin quel avenir pour le chef-d'œuvre d'Orléans-la Source qu'est le centre E.D.F par les architectes Renaudie, Riboulet, Thurnauer, et Veret ? Va-t-on attendre qu'il ne soit trop tard pour s'excuser de n'avoir rien fait dans un mélange fatigant de désolation et de regrets ? Est-ce logique que cette ville qui abrite pourtant le très important F.R.A.C Centre, spécialisé dans l'architecture laisse ainsi en voisin une ruine se fabriquer ?
Allez donc à Orléans pendant ces journées du Patrimoine voir ce centre E.D.F et la serre-restaurant de messieurs Arretche et Prouvé tout aussi abandonné...
On pourra aussi évoquer pour ces Journées de destruction du Patrimoine le cas éloquent de l'École d'architecture de Nanterre, vandalisée, abandonnée alors même que par son programme et son architecture elle devrait être l'exemple d'une cohérence patrimoniale en France. Pour ce cas, ce n'est plus de la honte, c'est de la colère.
En conclusion (et malheureusement la liste va s'allonger), cette année, les Journées Européennes du Patrimoine seront celles de la fin programmée du Label Patrimoine du Vingtième Siècle. Jamais, jamais encore en France notre héritage contemporain n'a subi sous les yeux devenus complices des institutions et des politiques, une telle ampleur de destructions, de menaces et même, j'ose, d'une rage jouissive à détruire en toute liberté et bonne conscience démagogique notre héritage moderniste.
Bonne visite à tous, bon week-end sur les ruines de notre modernité.
Le Comité de Vigilance Brutaliste.
A force de dénigrer le béton, les incultes, les nostalgiques de la pierre, les écolos "espaces verts", etc. arrivent à leurs fins. Fabio Rieti écrivait : ""Le béton, coquille qui abrite cette vie, n'a rien d'un désert. Désertique - parce que déserté - serait plutôt l'espace vert, justement. Mais la presse stupide s'est faîte complice de la volonté d'éloigner le peuple de a ville et de lui faire croire que le béton (le béton, sa maison, sa racine) était une malédiction. Et le public (c'est-à-dire le peuple lorsqu'il a été déformé par une idée reçue qu'il croit être une opinion) avale cette duperie, réclame "du vert" et honnit le béton (support de la seule vraie vie, le nôtre, l'habitat de l'être humain). Ecrit en octobre 1976...
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