Sur un ciel nettoyé, presque absent, des pointes, des lignes, des plans. À peine devine-t-on une volumétrie s'il n'y avait un premier plan, celui du sol, pour nous prévenir que là un objet est posé. La lecture de ce que l'on nomme architecture est ici difficile car ce qu'on nomme la photographie semble avoir pris le parti de découper bien plus que de représenter. Et cette réduction des formes à un essentiel, la photographie n'est rien d'autre qu'un certain nombre de formes en un certain ordre assemblées par la lumière sur une surface sensible, réduit l'église d' Estrées-Deniecourt à un élan vers le ciel que sa flèche couverte d'une girouette rend à la fois émouvante et ridicule.
La carte postale, une édition Bartkowiak en véritable photographie au Bromure possède un indice pour nous ici saisissant : le nom de son architecte.
Car celui qui a dessiné cette église est l'architecte Marc Quentin, de Royan, a qui nous devons en autres choses la Villa Grille-Pain et le pan de verre qui ferma le Palais des Congrès de Royan. Il est aussi celui qui occupa la Maison expérimentale 8X12 de Jean Prouvé et que son fils, député-maire de la ville occupe toujours.
Mais l'église d'Estrées-Deniécourt est d'une époustouflante radicalité. Sorte de toit posé sur le sol de la commune, elle offre l'image de l'abri premier et simple dont la spectaculaire entrée offre à celui qui y pénètre la sensation de passer outre une menace, de se glisser dans la découpe juste et nécessaire d'un pan de béton triangulé faisant saillie.
En rappel, pour ceux qui, malgré une lecture assidue de ce blog, ne connaîtraient pas encore le Palais des Congrès de Royan, voici une carte postale Artaud qui le montre avec son pan de verre sur sa façade :
On aura sans doute vite fait (et je l'ai fait...) de critiquer cette manière de clore ainsi l'une des plus belles façades de Royan mais, je pense que cela fut un mal pour un bien. Et même si aujourd'hui les quelques mètres-carrés ainsi récupérés semblent parfaitement inutiles, sans doute que ce pan de verre aura protégé les panneaux de Jean Prouvé toujours en place et qui forment la courbe de la grande salle. Il n'en demeure pas moins que je veux voir de mes yeux cette façade du Palais des Congrès réouverte, redonnant ainsi à ce Palais des Congrès l'incroyable beauté conceptuelle de son dessin. Il faut dire aussi que fermer ainsi des ouvertures sur des bâtiments municipaux incite sans aucun doute et sans aucun remord la population de Royan à une "vérandalisation" des constructions privées transformant en cages de verre et d'aluminium ignobles les jeux subtils des façades des autres constructions de la ville. Ce vandalisme par la véranda dont la contraction heureuse en "vérandalisation" (merci Charlotte !) est un piège épouvantable et malheureusement le Palais des Congrès et sa façade sont comme un modèle pour cette possibilité.
Difficile de choisir entre la réalité historique, le gain de place, la conservation de certains éléments importants ?
Pas tant que cela, je crois.
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