Voilà une carte postale qui m'offre d'une manière bien étrange une image de mon état mental.
C'est ce que j'ose espérer car, au moins, sur cette photographie, la poutre tient encore sous la dite-charge. Elle plie mais ne rompt pas.
C'est donc une image d'espoir.
Au delà de cette question personnelle, on ne peut que se féliciter que l'art de la carte postale ait aussi permis de faire de telles images didactiques du béton armé, d'en suivre ainsi la progression technique, d'en signaler ses qualités.
Quel document tout de même !
J'entends déjà les précieux historiens et les radicaux du document me dire qu'il ne s'agit pas vraiment d'une carte postale, puisqu'il s'agit d'une carte promotionnelle et donc publicitaire pour la Société des Ciments Portland, carte qui servait à passer commande pour ce fameux ciment.
Un carton imprimé, la Poste, une adresse, une correspondance : c'est bien une carte postale.
On note qu'est précisé sous les mots carte postale : copiable...
Mais comment les futurs clients trouvaient ces cartes ? Est-ce qu'un représentant de chez Portland laissait des cartes après ses visites chez les entrepreneurs ? Étaient-elles envoyées vierges par parquet par la Poste ?
Tout est écrit de ce qui se passe sur cette carte postale. On a chargé un portique pour voir comment il résiste. D'ailleurs, à l'oeil nu, on perçoit bien le fléchage de la poutre, on devine sa courbe, ce qui est confirmé par ce qui est écrit mais j'ai éprouvé le besoin de le vérifier en glissant une règle sur la ligne de la poutre. On perçoit alors parfaitement sa courbure. On note aussi que, comme pour prouver la solidité et la confiance en la construction, un homme s'est glissé dessous ! Même pas peur !
Comme l'expérience est datée du 7 mai 1927, je me devais de la publier le 7 mai. Mais, on peut aussi dire qu'en 1927, les qualités de solidité du béton sont admises et surtout très utilisées. Il s'agit donc là plus d'une publicité pour la marque de ciment Portland que pour la technique du béton en lui-même. Que j'aurai aimé assister au moment soudain où tout a lâché. Le sac de trop.
Sur une autre carte postale, elle aussi promotionnelle, on voit cette fois-ci le ciment mis en place grâce à un système de poutres et fermes préfabriquées et mises en place pour construire une charpente. Le texte explique bien le fonctionnement et les qualités et prouve aussi que le ciment (on dit moins béton armé) fait le travail que faisait le bois en quelque sorte. On note comment les fermes sont ajourées et donc allégées. On note aussi la courbe du toit produit par les paraboliques. Mais aucun indice ne nous permet de dire de quel bâtiment il s'agit. On sait qu'il s'agit d'un garage à Paris mais lequel et où ? Un tel toit en courbe de béton, au début des constructions en béton me fait penser au garage de Farradèche à la Motte Piquet mais la hauteur me semble peu convaincante. Au dos, la Société des Procédés Ferrier note son adresse mais ne propose pas cette fois un bon de commande. Pas de nom d'architecte, pas de nom précis de lieu, pas de nom de photographe et même pas de date. Il s'agit donc à la fois d'un document précis, dirigé mais aussi un peu flou comme si la nomination du procédé et de la société était seule utile. Aujourd'hui, on est un peu perdu mais reste une image forte dont les fermes se croisant les unes les autres, leur longueur, leur courbe nous donnent une jubilation esthétique rare.
Que c'est beau le béton et que c'est beau comment ça supporte la charge sans rechigner.
Moi, ça me va comme analogie.
On peut donc dire qu'il existe un corpus de cartes postales promotionnelles qui permet de suivre les avancées et les détails des procédés techniques en architecture. Ce corpus pourrait faire l'objet d'une étude car, tout en permettant de suivre l'histoire du béton armé ou d'autres éléments architecturaux, il permet aussi de voir comme cette histoire se représente et aussi offre une certaine idée des relations commerciales entre les fabricants, les entrepreneurs et les agents de la construction, architectes ou ingénieurs.
On en a déjà vu quelques exemples ici :
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