samedi 28 novembre 2020

un choc entre le pouce et l'index

 Chandigarh résonne pour moi comme Brasilia. Inaccessibles toutes deux car ma capacité d'aventure s'arrête bien à la mollesse de mon fauteuil et au carré de ciel par dessus les pavillons de mon lotissement. Aucun regret car aucun courage. Aucune tristesse non plus. Enfin.

Alors quand le bonheur me fait croiser un morceau de carton qui lui a fait le voyage vers moi, m'apportant en même temps l'image et la certitude de l'existence des icônes, je me réjouis simplement. Après tout, que ferais-je des souvenirs d'y être allé ? Accrochés sur le mur comme des trophées de chasse ? 

Mais comment être certain de l'importance d'une architecture en ne l'ayant jamais vue ni parcourue ? Je crois les autres. Je crois les voyageurs, je crois les témoins, j'agrée à la réputation de mes idoles. Est-ce la peine d'aller à Jérusalem pour faire une place à Dieu ?

Dans ma collection, les cartes postales sur l'œuvre de Le Corbusier commencent à avoir bien cerné son architecture ce qui prouve la place qu'il occupe. Le désir d'image d'une chose dit toujours l'importance de cette chose. Ronchamp, Eveux, les Cités Radieuses sont photographiées sous tous les angles et quelques raretés trouvent même le chemin de mes classeurs récemment mieux ordonnés. Et voilà que je me disais que Chandigarh manquait bien à cet inventaire. J'en avais fait mon deuil ne connaissant pas le marché de la carte postale en Inde ni son usage, il était facile d'en conclure que peu de cartes avaient été éditées et que, surtout, le voyage vers ces contrées n'étant pas si fréquent, la chance de trouver des cartes postales de Chandigarh dans un carton à chaussures au petit matin en Normandie restait peu probable. Mais voilà la pépite :




Bien entendu la joie est parfaite. D'abord parce que c'est Chandigarh, que c'est Le Corbusier et Pierre Jeanneret, parce que la correspondante (je le sais car il y a des ronds pour faire les points sur les i) écrit bien une petite critique sur ce qu'elle voit et semble même avoir fait le voyage en connaisseuse de cet espace. C'est tout de même rare la critique d'une architecture sur une carte postale. D'ailleurs, sans l'intervention de notre expéditrice le nom même de Le Corbusier n'apparaîtrait pas sur la carte postale qui ne donne aucune information sur ce lieu ! Ni éditeur, ni photographe, ni architecte ni même de localisation... Seule la marque du papier photographique Agfa est visible ce qui pourrait nous faire croire à une carte-photo et non à une carte éditée. N'ayant, je le répète, aucune expérience du marché de la carte postale en Inde, il est possible que ce fut le cas pour cette carte, directement réalisée par l'expéditrice comme on peut tout aussi bien imaginer un mode pauvre d'édition sur place, proposant pour quelques roupies des tirages artisanaux aux visiteurs... Je ne sais pas... Ce qui est certain c'est que la carte a bien fait le voyage depuis Chandigarh et que son Palais de Justice, absolu chef-d'œuvre (c'est à pleurer de beauté) est bien là entre mes mains. Dois-je ici raconter l'histoire de Chandigarh ? Vous plaisantez ? Il doit y avoir des milliers d'articles sur cette construction, sur ce projet. Vous trouverez facilement. Pour ma part, entre le pouce et l'index, je tiens le palpitant chef-d'œuvre, comme un papillon venant d'éclore, comme un billet d'amour laissé sur la table de la cuisine, comme la lettre d'un être cher disparu. La preuve-même que Le Corbusier est avec moi, avec nous, réel, sérieux, roublard et génial. Génial le Corbusier. Point barre. Remarquez-vous que je fais l'effort d'envoyer sur mon blog cette carte postale le jour anniversaire de sa propre expédition ? 51 ans d'attente pour me, vous trouver. 


2 commentaires:

  1. j'ai cherché sur des sites spécialisés :Chandigarh inconnu en cartes postales...

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  2. CETTE CARTE POSTALE EST UN MODELE REDUIT D'UNE PHOTO DE P.JEANNERET PRISE VERS 1955 AU FORMAT 293 X 39.3...

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