Venise.
Retour.
Les images n'usent rien Monsieur Benjamin. Rien.
C'est ici impossible à Venise, c'est même ici une joie de les voir et de les traduire à nouveau en réel.
Il existe toujours, au-delà des préparations de voyages, des guides rabâchés ou de la certitude d'avoir tout vu et tout lu sur la ville, la surprise encore de découvrir, sans aucune ambition du voyage parfait, l'apparition géante d'un cimetière moderne.
Celui dessiné par David Chipperfield pour San Michele.
Un peu perdus dans le cimetière ancien, ne sachant pas trop finalement ce que nous devions y voir et voulant au moins trouver Stravinsky et Diaghilev, nous sommes tombés sur cette agrandissement contemporain du cimetière réalisé par l'architecte anglais.
Je le dis de suite, la fascination est d'abord venue de la géométrie et du vide, l'un et l'autre associés pour former des volumes francs, presque froids, dont l'échelle gigantesque ne laissait aucun doute sur l'ambition de bâtir un monument.
Quand on arrive là sans aucune connaissance, sans a priori, l'effet est puissant. La photogénie du lieu, absolument vide lors de notre visite, laisse même planer un érotisme soudain que le silence associé à un soleil de plomb permet toujours.
Les corps achalés aiment la netteté d'une architecture dont le seul chant est le gazouillis d'un jet d'eau quand bien même, ces corps vivants, seraient en promenade au milieu des morts.
Et puis les angles droits.
Et puis les ombres.
Et puis les grands oiseaux marins et leurs petits poussant des cris à notre approche, se croyant encore, la seconde d'avant, seuls au monde dans cet immense hommage au rationalisme italien.
Car oui, je le crois, David Chipperfield fait bien ici un retour sur l'histoire de ce mouvement architectural bien particulier, celui d'une rationalité bien ordonnée et majestueuse, celui d'un ordre parfait qui combine les espaces, les volumes et les vides. Et c'est peu dire que dans cette extension du cimetière de Venise, Chipperfield rend ici les armes de la Modernité, plagiant presque ses manières : colonnes fines sans chapiteau, redans encaissés aux découpes froides offrant le ciel, mots posés et inscrits en typo antique ou murs aveugles laissant les patios invisibles au premier regard.
Cela se veut sérieux et poétique comme les peinture de villes de Chirico ou les dessins en perspective d'Abraham Bosse.
Je ne sais pas quel lien David Chipperfield entretient avec l'histoire de l'architecture italienne, son site ne laisse rien percevoir d'un goût particulier pour les citations historiques. Pourtant, ici, il me semble bien que l'architecture des années 30 italiennes, celles un peu sulfureuses des accointances au fascisme est bien présente. Du moins, c'est une approche ferme dont l'esthétique tiendrait d'une forme d'économie du décoratif, d'une rationalité de l'espace et d'une poésie subtile naissant d'un minimalisme tendu. Comme si le ciel de Venise et donc aussi sa lumière devaient être les seuls éléments de décoration ou mieux, de spectacle. Donner une chance à l'infini du ciel, à l'infini des fuyantes contrecarrées par des espaces ombragés et quelques fontaines.
C'est beau, un rien écrasant, tranquille.
Le mot qui lui va le mieux à ce nouveau cimetière est la sérénité.
Vous verrez aussi que dans une autre partie de ce cimetière, on trouve des caveaux contemporains, dont l'échelle oscille entre maquettes géantes ou réduction de villas contemporaines. Des folies comme on disait avant. Certaines font un clin d'œil à Scarpa.
Des folies pour l'éternité.
Tout y est construit avec une infinie qualité et même un luxe de détails, certains caveaux ou monuments funéraires étant même traités comme des petites propriétés, avec cour, clôture, portail.
La surprise est venue aussi d'un caveau en oblique dont l'ambition d'étrangeté est certainement l'expression du rêve de tenir encore les vivants à son admiration.
Bonne visite.
https://davidchipperfield.com/project/san_michele_cemetery
Quelques caveaux modernes :
Retour.
Les images n'usent rien Monsieur Benjamin. Rien.
C'est ici impossible à Venise, c'est même ici une joie de les voir et de les traduire à nouveau en réel.
Il existe toujours, au-delà des préparations de voyages, des guides rabâchés ou de la certitude d'avoir tout vu et tout lu sur la ville, la surprise encore de découvrir, sans aucune ambition du voyage parfait, l'apparition géante d'un cimetière moderne.
Celui dessiné par David Chipperfield pour San Michele.
Un peu perdus dans le cimetière ancien, ne sachant pas trop finalement ce que nous devions y voir et voulant au moins trouver Stravinsky et Diaghilev, nous sommes tombés sur cette agrandissement contemporain du cimetière réalisé par l'architecte anglais.
Je le dis de suite, la fascination est d'abord venue de la géométrie et du vide, l'un et l'autre associés pour former des volumes francs, presque froids, dont l'échelle gigantesque ne laissait aucun doute sur l'ambition de bâtir un monument.
Quand on arrive là sans aucune connaissance, sans a priori, l'effet est puissant. La photogénie du lieu, absolument vide lors de notre visite, laisse même planer un érotisme soudain que le silence associé à un soleil de plomb permet toujours.
Les corps achalés aiment la netteté d'une architecture dont le seul chant est le gazouillis d'un jet d'eau quand bien même, ces corps vivants, seraient en promenade au milieu des morts.
Et puis les angles droits.
Et puis les ombres.
Et puis les grands oiseaux marins et leurs petits poussant des cris à notre approche, se croyant encore, la seconde d'avant, seuls au monde dans cet immense hommage au rationalisme italien.
Car oui, je le crois, David Chipperfield fait bien ici un retour sur l'histoire de ce mouvement architectural bien particulier, celui d'une rationalité bien ordonnée et majestueuse, celui d'un ordre parfait qui combine les espaces, les volumes et les vides. Et c'est peu dire que dans cette extension du cimetière de Venise, Chipperfield rend ici les armes de la Modernité, plagiant presque ses manières : colonnes fines sans chapiteau, redans encaissés aux découpes froides offrant le ciel, mots posés et inscrits en typo antique ou murs aveugles laissant les patios invisibles au premier regard.
Cela se veut sérieux et poétique comme les peinture de villes de Chirico ou les dessins en perspective d'Abraham Bosse.
Je ne sais pas quel lien David Chipperfield entretient avec l'histoire de l'architecture italienne, son site ne laisse rien percevoir d'un goût particulier pour les citations historiques. Pourtant, ici, il me semble bien que l'architecture des années 30 italiennes, celles un peu sulfureuses des accointances au fascisme est bien présente. Du moins, c'est une approche ferme dont l'esthétique tiendrait d'une forme d'économie du décoratif, d'une rationalité de l'espace et d'une poésie subtile naissant d'un minimalisme tendu. Comme si le ciel de Venise et donc aussi sa lumière devaient être les seuls éléments de décoration ou mieux, de spectacle. Donner une chance à l'infini du ciel, à l'infini des fuyantes contrecarrées par des espaces ombragés et quelques fontaines.
C'est beau, un rien écrasant, tranquille.
Le mot qui lui va le mieux à ce nouveau cimetière est la sérénité.
Vous verrez aussi que dans une autre partie de ce cimetière, on trouve des caveaux contemporains, dont l'échelle oscille entre maquettes géantes ou réduction de villas contemporaines. Des folies comme on disait avant. Certaines font un clin d'œil à Scarpa.
Des folies pour l'éternité.
Tout y est construit avec une infinie qualité et même un luxe de détails, certains caveaux ou monuments funéraires étant même traités comme des petites propriétés, avec cour, clôture, portail.
La surprise est venue aussi d'un caveau en oblique dont l'ambition d'étrangeté est certainement l'expression du rêve de tenir encore les vivants à son admiration.
Bonne visite.
https://davidchipperfield.com/project/san_michele_cemetery
Quelques caveaux modernes :
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