Un architecte, tout utopiste ou prospecteur qu'il soit, passe parfois sa vie à faire des objets qui, loin des préoccupations par trop révolutionnaires ou d'avant-garde sont la réalisation simple et honnête d'un programme.
Claude Parent est de ceux-là et il serait trop aisé de réduire son travail à la Fonction Oblique ou à Nevers. Claude Parent appartient bien aussi à un mouvement plus profond, plus ancré dans le continuum de son époque, celui d'une architecture franche, de métal et de verre, moderne qui tente de faire parler la transparence, la géométrie, la légèreté et aussi le pragmatisme du programme et de son implantation...
Ainsi, bien avant le génial centre commercial de Sens, avant le superbe supermarché de Ris-Orangis, avant donc la série brutaliste inventée pour le groupe Goulet-Turpin, Claude Parent a dessiné ça :
Vous voyez ?
Là...
Si... Là, à droite de la carte postale... L'Express-Marché !
Cette carte postale des éditions Abeille-Cartes en photographie véritable fut expédiée en 1960 et nous montre un petit supermarché dessiné par notre architecte fétiche. Depuis cette carte postale qui met surtout en scène les espaces intermédiaires entre les barres de Rueil-Malmaison et la belle perspective du Quartier de la Plaine, on devine un bâtiment bas, chapeauté d'une coque de métal et aux ouvertures généreuses. Une boîte de verre basse qui ne propose rien d'autre que de reprendre en quelque sorte au mieux sa parcelle, d'offrir une sorte de simplicité modeste dont tout tient finalement dans le lettrage de l'enseigne Express-Marché souligné par la marque Goulet-Turpin. Reste une carte postale superbe du vide sourd des habitants à laquelle seule la petite 2CV donne un peu d'animation.
L'auto est si seule que je l'imagine étant celle du photographe venu un dimanche matin du mois d'août... J'imagine, je vous dis. Ce vide associé à des trottoirs et aménagements de voirie tout juste sortis de terre donnent une atmosphère bien particulière à cette image.
Mais en voici une autre :
Cette carte postale en vues multiples aux éditions Yvon nous propose quatre clichés du Quartier de la Plaine de Rueil-Malmaison. L'éditeur tente ainsi de contenter tout le monde, que chacun retrouve sa barre, son immeuble et puisse raconter les articulations de sa ville toute neuve. Il faut montrer les espaces verts, les façades, et les commodités comme on disait jadis des commerces. Alors apparaît ici ou là le petit supermarché de Claude Parent pris dans sa modernité sage offrant du service à une population nouvelle. On achètera là d'ailleurs la carte postale en couleur pour dire à la famille que tout va bien.
Pas de jugement, pas de lecture distanciée, une étrange hauteur dont je cherche l'origine. Mais sur quoi le photographe est-il monté pour photographier d'aussi haut ?
La revue L'Architecture Française en 1959 présente le centre commercial de messieurs Sonrel et Duthilleul dans lequel vient s'insérer le supermarché de Claude Parent puis présente enfin le supermarché seul. On notera que la polychromie très travaillée de ce supermarché disparaît dans ces photographies de revues anonymes ce qui doit nous permettre là encore de relativiser l'impact du noir et blanc sur notre perception de ces images et donc de cette architecture.
Aujourd'hui tout cela a disparu.
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