Si on appelle Ville un ensemble urbain articulant dans ses rues, ses constructions, ses espaces, le collage de son histoire, où chaque architecture et chaque vide sont signifiants de cette histoire commune et d'une urbanité, alors la ville de Nanterre est simplement en train de fondre.
Cette ville dont l'histoire architecturale récente est l'une des plus représentative de ce que fut le XXème siècle est en train d'éradiquer son héritage d'une architecture sociale et populaire, progressiste et utopiste.
On sait comment la pourriture a déjà gagné sur l'école d'architecture de Jacques Kalisz littéralement abandonnée par les Ministères de la Culture successifs et par les autorités locales qui possèdent ici l'un des chef-d'œuvres de l'architecture métallique du siècle passé, architecture symbolique aussi de certains combats pédagogiques. Parfaite leçon de ce que l'on veut que devienne cette pensée et de comment on en discute la place dans notre histoire de l'urbanisme et du vivre ensemble aujourd'hui...
Voilà que l'un des plus emblématiques ensembles de logements sociaux de France, sans doute l'une de ses icônes, l'une de celles qui ont fait image autant qu'architecture est maintenant menacée par une "réhabilitation thermique". On sait ce que ce mot contient de violence vis-à-vis de l'architecture contemporaine et moderne, les dossiers sont maintenant nombreux de cette excuse pathétique et démagogique pour effacer cet héritage. Car la "réhabilitation thermique" est bien une violence qui met hors de son champ la nécessaire exceptionnalité du Patrimoine Moderne. En effet, si l'histoire de l'architecture et sa préservation doivent passer par la mise en lumière des qualités des constructions et leurs particularités (toutes leurs particularités) il va de soi que cela doit s'appliquer à l'église baroque comme à la tour de logements sociaux. Il ne doit y avoir dans la préservation aucune hiérarchie ni d'époque, ni de programme et encore moins de mode constructif. Il faut pour faire une histoire accepter l'héritage dans son entier car que l'on touche à la poignée de porte ou à la structure c'est bien à l'ensemble de la pensée que l'on touche.
Les Tours de Émile Aillaud ne doivent pas être épaissies. Elles ne doivent pas être redessinées, ou voir leurs ouvertures transformées, et en aucun cas, ce qui fonde leur présence, c'est à dire le travail de couleur et de matière réalisé par Fabio Rieti avec la complicité de l'architecte ne doit être détruit sous le faux nom de réinterprétation. Car aucune raison scientifique, historique ou même, j'ose, poétique, ne peuvent justifier une modification qui troublera cet héritage qui n'est pas qu'un décor urbain ou une lubie d'une époque mais bel et bien une œuvre au sens le plus précis comme, oui, Versailles, Ronchamp ou Le Havre de Perret. À ce titre, elle a des droits et ses créateurs aussi !
L'abandon de l'une des plus petites particularités de cette architecture sera une lâcheté de notre génération, un abandon de l'histoire à des marchands de produits isolants.
On voit aussi comment il est question de rhabiller les Tours dans un nouvel écrin qui sera sans doute plus digne d'accueillir une gentrification que des logements sociaux. Autrement dit, on s'accorde le droit à une réhabilitation seulement si une partie de celle-ci se fait au détriment des logements. Il s'agit bien d'une politique déguisée d'enjolivement pour redorer sans doute un peu l'image de cette architecture et du quartier. Faire place nette avec la complicité des lois écologiques et des pseudo-artistes et architectes qui viendront y mettre leur touche...Ils sont déjà sur place.
Nous nous devons de faire passer cette histoire, nous nous devons de faire tenir debout, face au monde, face aux yeux ce qui, défaut thermique ou pas, est signifiant de l'histoire de l'architecture.
Il est grand temps que l'état d'exceptionnalité du Patrimoine Moderne soit immédiatement mis en œuvre par une politique vive et puissante de tous les responsables de la Culture et du Patrimoine.
Assez de ce Label Patrimoine du Vingtième Siècle bafoué, inutile, et faussement défenseur derrière lequel les autorités du Patrimoine se retranchent pour faire croire à leur action !
Assez de cette politique écolo-gentrificatrice faussement de gauche qui pollue à coup de polystyrène expansé nos architectures et les vident des habitants !
On en voit maintenant clairement la réalité politique, sa transparence pragmatique, son dévoiement démagogique.
Nanterre enterre son Patrimoine.
Nous sommes, et soyez-le avec moi, face à cet héritage architectural, face à cette histoire, tous des citoyens de Nanterre.
Stoppons immédiatement cette attaque ! Ça suffit !
Artistes, architectes, ne soyez pas complices de cette fausse réhabilitation qui n'est rien d'autre qu'une éradication en règle d'une œuvre d'art et d'architecture.
Soyons pour une restauration précise, au plus près de l'histoire.
Agissez ! Agissons !
Écrivez aux bailleurs, pétitionnez, écrivez au Maire, à Madame la Ministre de la Culture, à vos députés, à la D.R.A.C Il-de-France, faites de l'agit-prop sur les réseaux sociaux, enseignez ce cas à vos étudiant(e)s, faites des articles sur vos blogs, dans vos journaux ! Adhérez à des associations de défense du Patrimoine, inventez-en ! Laissez des commentaires ici :
http://www.batiactu.com/edito/un-concours-rehabiliter-tours-nuages-classees-patrimoine-48282.php
Demandez aux candidats à l'élection à venir ce qu'ils comptent faire et surtout faites le bilan de ce qui a été fait depuis cinq ans pour notre Patrimoine Moderne par pas moins de trois Ministres de la Culture.
MAINTENANT !
Pour revoir tous les articles sur Émile Aillaud :
http://archipostcard.blogspot.fr/search/label/Emile%20Aillaud
ou
http://archipostalecarte.blogspot.fr/search/label/Emile%20Aillaud
Ceux sur Fabio Rieti :
http://archipostalecarte.blogspot.fr/search?q=rieti
http://archipostcard.blogspot.fr/search?q=rieti
Et ceux sur Nanterre :
http://archipostcard.blogspot.fr/search?q=nanterre
ou
http://archipostalecarte.blogspot.fr/search?q=nanterre
Pour faire comme il se doit sur ce blog dédié à l'architecture et à sa représentation en cartes postales et pour affirmer une fois encore qu'il n'y est pas que question d'images Vintage sans source, sans photographe, sans architecte...Voici deux cartes postales des Tours d'Émile Aillaud à Nanterre.
On commence ?
L'éditeur Lyna pour Abeilles-Cartes a donc envoyée Rolf Walter en reportage. On connait bien ce photographe sur ce blog et nous aimerions, je le redis, en savoir davantage sur lui.
ici, il cadre un premier plan fleuri au bout d'un jardin. Le petit bananier tente de rivaliser avec les Tours de Aillaud. On a donc un premier plan de verdure, une ligne de constructions et un ciel étendu et étal. Une carte postale donc mais qui a le mérite de mettre en évidence la multitude du bâti et comment les couleurs de Fabio Rieti joue avec le ciel.
Une autre :
Cette fois c'est J.N. Duchâteau qui fait le cliché. Là également on connait bien ce nom ! Il travaille pour Raymon et place les Tours de Aillaud très loin en choisissant le plan d'eau comme élément naturel pour faire un premier plan très bleu qui viendra à son tour jouer avec la ligne de constructions et le ciel. L'église tout juste dans le cadre signifiera la jonction entre la ville moderne et l'héritage historique. Il s'agit du Parc départemental Malraux. On notera la Cité Lénine à gauche du cadre.
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