jeudi 8 septembre 2016
L'érection de François Hollande
Sans doute, nous pourrions aimer ce genre de grosse machine administrative, grandiloquente, sans égard, posée là un peu comme ce qu'elle représente, avec une force ringarde, image de sa volonté à être visible comme si la politique des Affaires Culturelles devait obligatoirement passer par une érection soudaine, brutale, sans gêne. La tour se dressera haute, blanche, au cœur même de la ville. Que tout le monde le sache, la ville de Tulle est prise d'une turgescence incontrôlable, l'état français est bien là aussi en province titillant la vallée profonde de la Corrèze.
Ici, sur ce blog, nous aimons cela, même si nous ne doutons pas que cette forme est un peu trop désirée en attendant d'être désirable.
Nous sommes à Tulle, devant la Cité Administrative, grâce à une édition Chatagneau, éditeur que les amateurs de Royan connaissent bien. On notera que sans doute, vu l'importance de ce surgissement de la Modernité, dans cette ville de province, la Tour Administrative est parfaitement décrite par l'éditeur comme si l'inventaire des informations permettait de l'enfoncer un peu plus dans le sol des berges (berges... restons corrects).
Lisons :
Architectes : Messieurs Sarrabezolles et Merpillat
Constructeurs : Ministère des Affaires Culturelles
Entreprises de gros-œuvres : Trarieux et Rogard et S. O. C. A. E
hauteur : 22 étages- 90 m environ depuis la Corrèze
date de construction : d'avril 1971 à octobre 1973 ou achèvement octobre 1973.
Devant une telle érection, il faut tenir les performances. On le note, c'est bien sa hauteur qui fait performance... On pourrait pourtant en aimer le glissement sur des terrasses successives, on pourrait pourtant chanter sa position centrale et son refus complet de jouer avec le reste de la ville, on pourrait aimer son arrogance, sa franchise, son refus d'intégration. Nous, ici, nous aimons tout cela.
Car, soyons aussi très clairs, nous ne défendrons pas son dessin que rien, ni la masse, ni les profils, ni les jeux d'ouvertures, ni la volumétrie ne sauve. Peut-être que les piliers en V sont, eux, bien dessinés et nous rappellent incroyablement ceux de Le Couteur au Mans.
Mais d'où vient cette hésitation à aimer cette Tour ? J'aime tout particulièrement le dessin du socle mais je n'arrive pas à en croire mes yeux devant une masse aussi peu élégante, se refusant même à un vrai brutalisme cryptique. Que penser de l'effet d'escalier et de gradins en bas ? Que penser du volume débordant et couronnant son ciel ? Mal proportionnée aussi, il lui manque sans doute un bon tiers pour que l'élan soit réel et non rêvé. Elle est comme empâtée, prise par trop de sérieux et aussi sans doute, la peur d'être trop, vraiment trop imposante. Comme si, dans l'érection de cette tour, soudain, surgit la crainte d'être trop affirmée. Une timidité typique de ceux qui d'un coup osent passer à l'acte et se rendent compte dans le même temps de leur ridicule.
Comment notre Président de la République vivait-il quand il était maire de Tulle la présence virile de cette architecture ? Y a-t-il vu le modèle de son ambition, à la fois bien ancrée dans le sol de la France profonde et la tête tentant de toucher le ciel ? A-t-il depuis son sommet, lors de réunions diverses, compris que l'horizon au loin pouvait bien être touché ? A-t-il dans l'ascenseur, sentant la montée irrépressible de la pression des pompes hydrauliques, vu l'image de sa propre ascension politique ?
Quelque chose entre Force apaisée et France tranquille ? A-t-il compris qu'une fois au sommet de la Tour la plus haute, la seule chose à faire c'est de redescendre ?
Mystère... Nous jetterons sur ces questions sans réponse un voile léger et pudique : un tulle.
Mais voici un autre point de vue :
La ville de Tulle présente le lac gris-bleu de ses ardoises. La teinte habille par écho la surface blanche de notre cité administrative. Au dos, le même éditeur fait le même travail comme si sur cette vue générale la seule chose à retenir de cette ville était ce monument. On devine mieux son dessin. On comprend mieux son manque total, mais alors total d'inventivité. Espérons que son sérieux soit au moins un hommage à son programme, à sa fonction.
Finalement, alors même que je voudrais poursuivre un lyrisme amoureux de sa puissance, ne plus rien avoir à dire sur ce type d'architecture. Voilà comment une érection devient vaine. C'est toujours triste une érection inutile.
Espérons que pendant les prochaines Journées Européennes du Patrimoine, tout citoyen ou citoyenne pourra à son tour profiter d'une telle hauteur. Il faut partager le plaisir.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire