mercredi 21 janvier 2015

Plan herbu



















Depuis une hauteur, on regarde un plan herbu grossièrement dessiné que quelques automobiles définissent comme un parking. Il n'y a personne, presque.
À une fenêtre, du linge sèche.
Des petits immeubles dont les façades sont surtout marquées par une alternance d'escaliers très fortement dessinés et d'ouvertures régulières qui se répandent en bande.
Le noir et blanc de cette carte postale, une fois encore, donne à l'ensemble, quelque chose de dur mais aussi d'incroyablement graphique et même mécanique faisant monter la structure constructive.
Nous sommes à Aulnay-sous-Bois, dans les Cités Emmaüs comme nous en informent les éditions Cap.
Sans doute, dans l'histoire du logement social et du logement d'urgence, l'une des réalisations les plus documentées, les plus suivies et les plus exemplaires tant par la manière dont elle émerge sous l'impulsion de l'Abbé Pierre que par les solutions économiques trouvées par l'AT-BAT et l'équipe autour de Georges Candilis.
Car un bâtiment est toujours une forme déterminée dans sa forme par des raisons que la raison ne doit pas ignorer. Et cette peau extérieure ici qui pourrait être vite jugée dans son image, porte bien des solutions, des économies qui déterminent son esthétique. 



Voyez-vous le garçon ?



















"Un maximum de confort dans un minimum de prix" c'est comme ça que commence l'article que L'architecture d'aujourd'hui consacre à l'opération. Viennent ensuite l'ensemble des solutions avec l'incroyable définition de l'escalier comme "une coursive en biais" (sic !)
L'article nous montre des plans et des dessins, sans doute que l'opération n'est pas achevée. Une vue perspective nous montre une vision idéale de l'appartement, vision idyllique et un rien allongée pour laquelle j'ai un peu de mal à faire le raccord avec le dessin du plan, j'avoue.
Dans ce numéro, Georges Candilis fait une préface juste après une image de soute de navire négrier. Quel drôle de manière d'introduire le sujet de l'habitat collectif ! Que voulaient nous dire Monsieur Persitz et Danielle Valeix avec cette image ? Est-elle un constat accablant de l'existant ? Doit-elle agir comme l'anti-thèse parfaite de ce qu'il ne faut pas faire et du risque du traitement de l'urgence et du collectif ? Sans aucun doute. Georges Candilis, dans cette préface, pose la question de l'héritage de la Chartes d'Athènes, héritage bafoué par l'urgence de l'après-guerre. Il y parle de "style reconstruction", c'est lui qui met les guillemets. Georges Candilis affirme que le plus important est le plan masse qui détermine en quelque sorte la liaison entre l'urbaniste et l'architecte : le problème c'est le nombre, la solution c'est la trame. Candilis affirme ici également que l'architecture doit diffuser dans ses extérieurs, doit se poursuivre vers les espaces non-construits qui sont pensés alors comme des espaces pensés et non abandonnés. 
Alors ? Que s'est-il passé à Aulnay-sous-Bois ? Pourquoi avons-nous cette sensation que l'immeuble s'achève au pied des quatre petites marches donnant accès à la coursive en biais ? A-t-on confondu le vide avec l'espace ? A-t-on bafoué une idée au profit d'une économie ? A-t-on fait acte de compromis ?
Le très émouvant petit film trouvé sur internet montre bien que l'espace entre les immeubles des Cités Emmaüs n'est rien. Je veux dire rien de pensé. Un plan herbu planté à peine qui se couvre de neige. Les enfants savent quoi en faire, toujours.
Fallait-il planter des jardins ouvriers ? Fallait-il paysager davantage ? Dans l'article de la revue, aucune mention n'est faite de cet espace, rien n'est dit de cette capillarité entre l'architecture et son lieu. Et un peu comme pour ce dessin de navire négrier où l'au-delà du bateau est un blanc vide qui raconte la mer qui éloigne, sans doute que le plan herbu au pied des immeubles est un territoire inconnu et surtout oublié. Je ne comprends pas. Comment les arguments vrais finissent ainsi dans une lecture perdue mais réelle d'une inaction. Que s'est-il passé ou, mieux, qu'est-ce qui n'est pas passé de cette vision ?












1 commentaire:

  1. Toujours aussi passionnant ce blog. Il est importent de valoriser ce qui est beau dans notre quotidien, passé ou présent. Ce qui sort de la norme et de l'ennui du formatage.

    J'en profite pour vous signaler , peut être le connaissez vous , un autre blog sur l'architecture et ses trésors enfouis , mais aussi sur le design etc des années cinquante au années soixante dix.

    http://ledoigtdansloeildudesign.blogspot.fr/

    Nasser

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