Là, à Porto-Vecchio, au Club de vacances de Santa-Giulia, il entendait sans écouter les histoires mi-amusées mi-pathétiques de ses camarades de travail. Il voulait partir.
Il regarda le siège de bois, la petite banquette sur laquelle il était assis. Il en aima la franchise de son dessin et sa main gauche en caressant le dessous avait senti la rugosité des planches. Puis, l'œil debout, il regarda le très beau dessin du parasol immense de bois et de toile. Il avait aimé déjà à son arrivée, il y a un mois, le fonctionnement habile de sa géométrie, comment la toile et les bois jouaient ensemble pour se plier puis de déployer à volonté. Il avait même dans son carnet fait un petit croquis du mécanisme et de la croix centrale qui maintenait le tout avec intelligence. Il avait cherché en vain le nom du concepteur ou du fabriquant.
Un rire gras et général le réveilla un peu à la communauté de ses camarades, il sourit vaguement pour faire semblant d'être du groupe, pour ne pas fuir vite, trop vite. Il avait promis que là, il gagnerait un peu d'argent pour aider sa famille et s'offrir enfin la petite automobile qu'il désirait et qui l'aiderait à rejoindre Sidonie. Au moment même de s'entendre décider de se lever, ses yeux visèrent un photographe qui cadrait la scène. Il ne comprit pas que ce dernier travaillait pour les éditions Yvon. Il sera maintenant à tout jamais un type sur une carte postale dont rien ne dirait les troubles métaphysiques......
...........Derrière la vitre, Jean-Michel observait l'état du centre commercial de la Place Henri Barbusse à Malakoff. Il était l'un des ingénieurs qui en avait dessiné les courbes et les appuis chez René Sarger. Le soleil frappait fort la petite barre. Il essaya de comprendre comment ceux qui vivent là au deuxième ou troisième étage perçoivent ces vagues de béton. En voient-ils la beauté ? Sont-ils gênés par cette présence ? Les enfants rêvent-ils cette forme comme une mer démontée, une colline qu'un skate-board pourrait parcourir ?
Il lui fallait faire un rapport sur l'état du béton. Il était passé dans la rue, avait mesuré, tâté, palpé, tapoté la surface des beaux appuis dont il était fier du dessin. Madame Josy, la coiffeuse avait ri de le voir ainsi et avait discuté avec lui de son salon de coiffure. Elle était contente, les clients venaient et son seul regret était le manque de places du parking. Jean-Michel en profita pour se faire couper les cheveux après avoir acheté chez Felix Potin une bonne bouteille de Bordeaux pour le repas de ce soir car Gilles revenait de son service militaire. Il prit du blanc car Hans aimait toujours mieux le vin blanc.
Mais là, devant le miroir, entendant sans écouter les histoires mi-amusées mi pathétiques de Madame Josy il sentit comme une connexion subite et secrète, une pensée soudaine pour Momo. Une intuition forte le décida à appeler immédiatement son fils en Corse à Porto-Vecchio......
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