dimanche 7 avril 2013

Jour gris pour un ami un peu loin

Je dédie la publication de ces trois cartes postales comme ça, sans raison particulière à Nicolas Moulin.
D'abord sans doute parce que nous avons parlé de lui, il y a peu, avec Thomas Dussaix.
Puis, parce que comme ce dernier, je jalouse son travail.
Enfin parce que, simplement, réunies par hasard dans un paquet de cartes postales, il me fallait leur trouver une raison de se montrer ensemble.
Le noir et blanc porte sans doute dans ce type d'image aujourd'hui quelque chose, si ce n'est de douloureux, au moins de radical, d'effrayant, et donc parfois de repoussant.
Le mouvement de retrait malheureusement associe l'image à l'objet, construisant maintenant une imagerie bien plus qu'une image.
Et dans cette dureté qui nous est contemporaine on oublie l'exaltation de l'époque, la qualité photographique et la qualité architecturale des projets. Je tente de dire, en fait, que notre culture visuelle transforme l'objet regardé. L'absence de couleur fait monter les ombres et la tristesse d'un ciel pourtant bleu. Le dessin des grilles modernistes ne laissent pas de place à un sentimentalisme herbeux.
Pourtant dans leur implacable beauté, ces images et ces lieux sont aussi un romantisme. Celui bien noir et sombre des lavis de Hugo, celui des errements et des reprises d'un Piranèse. Quelque chose à la fois de fouillé, de secret, de dur et de brutal que seule la contemplation de l'entrée des Enfers peut évoquer.
Quelque chose comme les constructions d'un imaginaire soutenu et inventé par Nicolas Moulin.

On commence cette visite ?



La Banane de Lorient est belle. Nous l'avions évoquée ici. L'architecture de  Mr Toury est celle presque parfaite du modèle M.R.U. Le fonctionnalisme ne trouve de poésie que dans la courbure de la barre. Moins dessinée (designée ?) que celles d'Emile Aillaud, elle a la franchise de sa solution. Il faut avant tout habiter. C'est bien fait, simple, j'ose... campagnard. Une efficacité utile, sans ornement autre que la vie paisible de ceux qui sont ici et qui l'animent. Et c'est son honneur et sa justesse. La carte postale Gaby pour Artaud nomme l'architecte. Et le ciel est beau...



La Duchère de Lyon est ici un archétype !
Tant pour son architecture que pour son image. Nous la devons aux éditions Trolliet et Fils qui ont fait là un travail parfaitement contemporain !
D'abord l'œil glisse sur la façade de la barre et sur son scintillement de gris. On la trouve belle. Les ombres construisent parfaitement son dessin jusqu'au raccordement au sol. J'aime tout particulièrement ce travail, comment la finesse de la barre eu égard à sa longueur vient se tenir sur le sol. Et puis au fond, son écho : une autre barre.
Il ne s'agit pas de barrière, ne vous trompez pas. Il s'agit de superbes réflecteurs. A la fois ils reçoivent le paysage, offrent un observatoire et en même temps forment celui-ci.
Au premier plan, là aussi l'angle droit est le Maître. Dans une composition de vides et de pleins, le centre commercial qui semble d'une grande légèreté face aux masses des habitats ordonne la vie sociale par des cheminements articulés. Et c'est encore en travaux.



Parce que l'histoire de l'architecture ne permet pas toujours d'échapper à la dureté d'une image. A Rezé,
La Cité "Le Corbusier" comme la nomment les éditions Artaud est ici photographiée par le célèbre Raymond Delvert, Pilote et Photographe. Quel beau travail il a fait !
Il place la construction dans son horizon lointain, nous laissant croire à son isolement superbe. la Cité Radieuse (Maison Radieuse...) est bien ici la ville à la campagne !
Et même si celle-ci ne tient pas tout fait les promesses de celle de Marseille, on ne peut que se réjouir de ce que son idéal tente d'offrir.
Et puis, oui ! Nous aimons sa dureté, oui nous aimons le contraste des murs aveugles comme des falaises et des percées multipliées à l'envi.
Oui nous aimons son mirador qui coupe par le tiers la façade. Oui nous aimons ce gris qui annihile les couleurs pourtant tant travaillées par Corbu.
Oui, nous aimons cette image populaire, celle dans laquelle, parce qu'un pilote adroit, glissant sur l'aile, a su saisir la masse, les habitants ont pu se reconnaître.
Et le sol encore en chantier, ce sol qui reçoit ce rocher, ces arbres sombres comme des mousses, ce ciel faible et réduit d'un horizon haut, tout cela je l'offre à Nicolas.

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