Il y a peu d'architectes aussi iconiques que Claude-Nicolas Ledoux, sorte de quintessence de l'esprit français. Il y a donc fort à parier qu'il soit imité, singé, copié et honoré par tout le monde, allant chercher chez lui (sa radicalité) quelque chose qui fonderait une raison à faire n'importe quoi allant du fanatisme le plus crasse à de véritables hommages plus structurels, utopistes, révolutionnaires.
Comme la vie ne manque pas de sel (vous pigez la référence ?), il arrive que des amis en balade tombent sur de tels hommages dans des lieux un rien particuliers mais qui finalement vont bien à notre architecte de la révolution : une aire d'autoroute.
L'ami en question est l'un de mes brillants anciens élèves, un graveur sur bois particulièrement efficace et dont le chatoiement des noirs dispute la foison des motifs : Jérémie Lechailler. C'est Jérémie qui m'envoie donc des photos de sa découverte tout heureux de me faire savoir qu'il pense à moi devant ces machines monumentales qui doivent donc rendre une sorte d'hommage à l'architecte...hommage ici sur l'aire du Jura-Arlay. Je signale à mon ami que je connais cet ensemble, qu'il fait parti maintenant des machines un peu comiques, un peu désuètes que l'on trouve sur les aires d'autoroute, sculptures et installations qui vont des trucs les plus moches (pyramide en tôle ondulée sur l'A7) aux jubilations parfois assez nettes. J'aime bien celle-ci et on la doit à l'architecte Jean-Luc Grenard qui donc propose une sorte de petit parc de folies toutes référencées au grand architecte, reprenant les formes, l'écriture, les projets. On dirait un parc post-moderne, on dirait une salle de travail (au sens de l'accouchement) pour un Ricardo Bofill lâchant là ses derniers feux, son maniérisme giscardien ou son génie du mal. Vous déciderez. C'est exactement ce que j'aime dans cette proposition. On ne comprend pas très bien ni à quoi on joue ni comment les visiteurs sont sensés comprendre l'architecture de Ledoux (et son sens) après deux heures de voitures, en roulant à 130 kilomètres heures, obligés de s'arrêter car le petit dernier à une envie urgente. Comment donc, tentant de se détendre, la famille ou le routier bulgare vont pouvoir se saisir de ce type de jardin d'utopies ? C'est touchant. J'aime cette idée.
Ici, ce que je sais pas c'est comment on arpente ces espaces et ces architectures. Peut-on entrer dedans ? Peut-on les traverser ? Leur échelle permet-elle de les comprendre non pas comme des maquettes géantes mais bien comme des architectures ? C'est quoi cet entre-deux ? Ainsi blanchies, ces constructions me font en effet penser à une table remplie de maquettes en carton-plume ou à des capsules d'Absalon. J'aimerai beaucoup aller les voir et comprendre leur sens autant comme architecture que comme hommage.
Au téléphone, en parlant avec Jérémie, un sentiment vague d'avoir une carte postale de cette aire d'autoroute flotte dans ma tête. Littéralement, je vois une image. Je cherche donc dans mes classeurs et je comprends mon collage. Je possède bien une carte en multi-vues de cette aire d'autoroute avec laquelle j'ai fait un collage mental d'une carte postale provenant, elle, du Musée Claude-Nicolas Ledoux d'Arc-et-Senans. Mon sang ne fait qu'un tour lorsque je remarque que cette carte postale précise : "réalisé en 1998 sur l'Aire du Jura de l'A39" ! Tout s'explique ! On remarque alors certains détails d'ailleurs différents entre la maquette du musée et la réalisation sur l'autoroute. Dans ma collection, les cartes du Musée sont trop grandes et ne permettent ni de les ranger avec les autres ni d'ailleurs de prendre le risque de les envoyer. Elles sont un peu...prétentieuses et j'ai tendance à préférer la version modeste de l'aire d'autoroute. On notera que la carte du Musée Claude-Nicolas Ledoux ne nomme pas alors Jean-Luc Grenard comme architecte de réalisation.
Peut-on encore visiter les bâtiments sur cette aire d'autoroute ? Peut-on encore y acheter sur place des cartes postales ? Peut-on encore y rencontrer, la nuit tombant, un routier bulgare en manque de tendresse ? J'irai voir. Promis. On note que les photographies de Jérémie nous montrent un ensemble en mauvais état. Il serait bien de revoir l'ensemble et de lui rendre sa splendeur, sa blancheur irréelle. Au prix des péages des autoroutes...ça ne devrait pas être un souci financier...
La carte de l'aire d'autoroute est une édition Cellard qui précise donc bien Jean-Luc Grenard comme architecte.
Les cartes des maquettes du Musée sont des éditions de l'Institut Claude-Nicolas Ledoux dont les photographies sont de G. Fessy.
Les photos de l'aire d'autoroute sont de Jérémie Lechailler. Merci l'ami. Merci.
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