jeudi 16 janvier 2025

Architecture de collection dans Art Press

 


Voilà qui est bien intéressant comme signe d'un certain retournement, voire d'un certain espoir. 
Dans le dernier numéro de la revue culte Art Press, on trouve un article sur les agents immobiliers du groupe Architecture de Collection écrit par mon collègue d'Angers Christophe Le Gac.
C'est comme un croisement assez curieux de genres.
D'abord, il y a cette agence immobilière, spécialisée dans l'architecture d'Architectes, ne voulant vendre que des biens ayant une signature reconnue ou du moins nécessitant une mise en lumière de ses qualités architecturales surtout produites dans la seconde moitié du Vingtième Siècle. J'avais, il y a longtemps maintenant, été contacté par l'un des membres de cette agence sans bien comprendre ce que je pouvais ou devais faire pour lui. Il y est vrai que ce blog correspond en tout point à ce désir de mise en lumière d'une certaine architecture encore il y a peu boudée et peu mise en valeur. On sait comment aujourd'hui le monde médiatique aime nous faire suivre la saga familiale d'une agence immobilière L'Agence ou comment Affaire Conclue tous les après-midi nous apporte sur un plateau télé les joies du Design scandinave, les céramiques de Capron dans une délectation venant surtout de la surenchère organisée apportant aux spectateurs l'espérance d'une trouvaille dans leur maison ou à la déchèterie. Ce mouvement du vintage devient donc aujourd'hui valable allant de l'architecture à l'objet et le collage des deux mots architecture et collection voudrait bien comme nous le suggère dans son article Christophe Le Gac nous montrer que, finalement, pour une certaine élite bourgeoise, la question de la signature du lieu que l'on achète est au moins aussi importante maintenant que le risque de ne pas avoir le taux de crédit adéquat ou  que cette architecture ne soit pas exactement là où on a besoin de vivre. Il y a dans la collection la chance de s'occuper non plus du besoin d'être loger mais  la nécessité que ce logement soit le signe d'une certaine compétence de reconnaissance, d'une certaine image de la culture, bref d'appartenir au club des sachants de ce qui se collectionne ou pas. Vous l'aurez compris, Architecture de Collection ne s'occupe évidemment pas de la question du logement social, ni de ceux qui y habitent mais propose dans une forme de pornographie de la visite l'espoir et le rêve de découvrir des espaces privilégiés comme on dit avec pudeur...Oh...une villa de Claude Parent...C'est donc comme ça qu'on y habite sous les ciels surblanchis de Laurent Konental.
Car la signature n'est pas tant là pour qualifier les qualités architecturales de l'architecte que pour valoriser son achat et en expliquer le prix. 
Ce qui m'étonne c'est pourquoi donc en faire la promotion (ou l'analyse du phénomène) dans une revue comme Art Press ? Qui cela sert-il ? Art Press qui y trouverait là le signe contemporain d'un regard sur l'architecture vue alors comme des oeuvres dont il faut sauver l'honneur ou bien l'agence elle-même, soudainement mise en valeur sur des pleines pages d'une revue iconique d'une certaine école de pensée ?
 
Art Press deviendrait-elle une influence ?

Après tout, vous le savez, même la mauvaise publicité vaut mieux que pas de publicité du tout.
Il y aurait là comme un adossement mutuel de pensées, une reconnaissance de classe culturelle. J'avoue que je reste perplexe même si il est vrai que depuis peu Art Press semble moins raide, raideur que, au temps jadis de sa création, nous aurions nommée rigueur. Ici, ce n'est pas le contenu de l'article qui m'étonne mais bien le surgissement de ce monde dans cet autre monde.

Alors, il est difficile de parler d'un phénomène culturel dans la chaleur de son surgissement. Difficile de dire si Architecture de Collection fera date, sera l'expression de notre époque, d'une mode ou d'une chose plus profonde. On sent bien là que la bonne volonté, le désir de mettre en lumière une certaine partie du Patrimoine ne peut pas vraiment être regrettable, que cela, sans doute, permet de valoriser une certaine frange de ce marché. Le risque c'est comme beaucoup d'autres choses...c'est que cette transmutation d'un bien immobilier en oeuvre n'ouvre la porte à des errements de type gentrification qui permettent à des cabanes de sinistrés de Jean Prouvé de devenir a place to be, que les appartements de Jean Renaudie ou de Renée Gailhoustet ne soient vu que comme des exceptions baroques qui méritent des habitants éclairés, que le combat architectural, au delà des pépites, ne se perde finalement dans un tout-venant historique.
Qui pour valoriser les appartements du Mirail à Toulouse ? Qui pour aller les voir, les défendre, soutenir leur habitabilité à l'heure de leur destruction en cours ? Architecture de Collection ira-t-elle promouvoir leur achat ? Art Press fera-t-elle un article de deux pages pour expliquer son indignation à leur destruction et la nécessité rapidement de les défendre ? Car si l'architecture se collectionne alors pourquoi ne pas avoir dans sa collection toutes les exceptions ? Tous les monstres Pokemon qui donnent de la valeur à un tiroir plein du tout-venant ?
Allez  ! Collectionnez aussi le logement social, le Hard French, le carrelage des Tours Aillaud, les Fillod, les barres de Labourdette. Cela nous permettra peut-être, à nous, par cet angle, de sauver ce qui compte vraiment : une certaine idée du Patrimoine.
Y-a-quelqu'un ?

L'article est paru dans le numéro 528, janvier 2025.
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