Et si le dossier de l'église de Serqueux devenait un emblème de la gestion du Patrimoine en Normandie et en France ?
Voilà une petite ville qui possède sur son sol l'un des rares exemples de voûtes en fusées céramiques gràce à son église volontairement moderne et audacieuse. Archétype des églises de ce type en France construites après la Seconde Guerre Mondiale, cette église dessinée par l'architecte Michel Percheron, certes, n'est ni Ronchamp ni l'église du Raincy mais elle ne démérite pas, surtout d'un point de vue technique et aurait donc du faire l'objet de tous les soins possibles surtout après la démolition honteuse de sa soeur l'église de Grand Quevilly qui était l'autre témoin en Haute-Normandie de ce matériau génial et si original. On passera sur cette démolition, on ne comprend toujours pas le raté patrimonial...Enfin...si...On comprend...
Le clocher-campanile de Serqueux lui n'a déjà pas survécu.
On pourrait se dire que cette église de Serqueux fut bien repérée puisqu'elle a bénéficié du si étrange Label Architecture Contemporaine Remarquable (à l'origine Label Architecture du XX), preuve donc que les services régionaux du Patrimoine avaient été attentifs à cet héritage mais n'avaient bien entendu pas pensé à un classement. Il reste toujours difficile de comprendre comment on atteint le podium de l'aristocratique classement au titre des Monuments Historiques.
Mais voilà...la vie municipale et démocratique est faite de creux et de rebonds ! L'église de Serqueux est en mauvais état et, comme un nombre grandissant d'églises désaffectées en France, personne ne sait comment financer sa restauration ou lui trouver une destination autre. La reconversion et le financement ainsi que la sécurité des habitants et usagers deviennent donc de fait des questions importantes pour le maire, responsable sur tous ces points aux yeux de ses administrés. Monsieur Hermand avait donc demandé légitiment et courageusement par la voie démocratique aux habitants ce qu'ils voulaient faire de leur église. Mais...au moment-même où cette question était posée démocratiquement, manquait donc une information essentielle : le maire et ses administrés ne savaient pas que cette église de Serqueux était bel et bien labellisée !
Oui c'est incroyable.
Comment dire...
On notera que ce Label a pour objet justement d'éduquer à l'architecture moderne et contemporaine, il se doit de rendre visible de fait ce qui est exceptionnel et devrait être avant tout un moyen de diffusion de cette histoire de l'architecture. Comment se fait-il que personne à Serqueux ne fut informé de cette labelisation ? Pourquoi ce manque d'échanges entre l'administration du Patrimoine et une commune ? On imagine bien que le cas échéant, depuis toutes ces années, la Mairie et son maire aurait pu s'emparer de ce Label pour communiquer aux habitants de Serqueux la chance de posséder sur leur territoire un tel objet architectural et donc auraient bien pu, évidemment, voter d'une toute autre manière pour son avenir !
Maintenant, et une fois encore, tout se bouscule ! Sans doute alertés par les médias de la demande démocratique faite par le Maire à ses administrés, voilà les services patrimoniaux qui se remobilisent et rappellent au Maire que ce bâtiment fut labellisé. On a envie de dire : juste à temps ! Juste avant la démolition...
Mais Monsieur le Maire me fait remarquer justement : comment croire encore à la parole publique quand un maire s'engage sur les décisions de sa population et que cette décision se fait sur une information si ce n'est mauvaise au moins...incomplète !
Et comment expliquer maintenant que c'est trop tard, que cette église ne fut pas alors reconnue, soutenue et donc entretenue pendant tout ce temps. Pourquoi cette église n'a pas été repérée en 1980, 90, 2000, 2010, 2020 ?
À qui jeter la pierre de cette politique de la protection patrimoniale en France et donc en Normandie ? Pourquoi, une fois encore, a-t-on l'impression que tout se gère (ou ne se gère pas) dans l'urgence juste avant la ruine ?
Admirons la patience de Monsieur le Maire...et son fair-play, lui qui doit rendre des comptes à des administrés qui n'ont pas été informés de la qualité de leur Patrimoine. À quoi sert (et à qui ?) un Label Architecture Contemporaine Remarquable qui n'est...remarqué par personne ?
On se souvient que la DRAC Ile-de-France a mis sept ans et demi pour répondre sur un dossier.
Alors on sait de moins en moins quoi penser de toute cette organisation administrative de notre Patrimoine, de tous ces Labels ! Et de ce qui constitue normalement un service publique.
On dirait que parfois certaines administrations tentent de sauver les apparences pour ce Patrimoine au dernier moment, comme pour effacer leur absence de repérage et de travail en amont. Un manque de Culture et de curiosité pour ce Patrimoine du XXème de la part des dits-agents ? Un manque de moyen humain et technique ? Un manque de formation à ce Patrimoine ? Qui contrôle les activités des agents patrimoniaux et leur gestion et dans quel cadre administratif ? Qui donc pour juger de la qualité de leurs services ?
Le tribunal administratif ?
Comment inventer une vraie capillarité entre les citoyens et leurs services publiques du Patrimoine ?
Le loto du Patrimoine est-il donc le seul lien valide ?
L'autre question que cela pose est le repérage de ces architectures et de qui doit l'opérer et au nom de quelle vision du Patrimoine. En 2023, l'inventaire des constructions des années 90 et 2000 devrait être en route. On devrait déjà pouvoir classer certaines de ces architectures. Faudra-t-il que les DRAC en 2050 se rendent compte trop tard qu'elles ont oublié quelque chose ? Est-ce que la notion-même de Patrimoine aura la même valeur dans un monde surchauffé qui ne gérera l'urgence que par sa vision rétrécie et idéologique d'une écologie devenue maitresse de toutes les décisions ? Qui de cette génération montante du Patrimoine et de l'Architecture aura été formé pour sauver techniquement et esthétiquement ces architectures de la fin du XXème des risques de dépréciations écolo-démagogiques ?
Alors, en ce week-end des Journées Européennes de l'Architecture et du Patrimoine en Normandie, peut-on au moins rêver à une issue heureuse pour l'intelligente et touchante église de Serqueux ? Est-ce que la prise de position démocratique du Maire, son incroyable bonne volonté d'administrer correctement sa commune et de mettre en valeur son Patrimoine construira une alliance enfin apaisée avec les agents du Patrimoine pris d'un sursaut, conscients donc, les un et les autres, de leur responsabilité et du respect de la parole publique. Un Label ça devrait aussi être considérée comme une déclaration politique et l'exercice de la Démocratie, pas un machin de spécialistes qui tombe sur un territoire comme une punition pour une mairie ou qui s'efface selon les desiderata des élus politiques locaux.
Rêvons...Croisons les doigts.
Il parait que l'une des thématiques du Minsitère de la Culture en ces Journées Européennes du Patrimoine serait : Patrimoine vivant.
Aimons-nous vivants
N'attendons pas que la mort nous trouve du talent...donc...
Walid Riplet.
Pour revoir quelques articles en rapport avec ce texte :
Déjà en 2016 :
Sur les fusées céramiques et Jacques Couëlle :
Sur la honte de Grand Quevilly et comment ça pourrait finir aussi à Serqueux :
Quelques images déjà publiées mais qui éclaireront les nouveaux venus sur ce blog.
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https://actu.fr/normandie/falaise_14258/a-falaise-la-derniere-ligne-droite-pour-la-renovation-des-halles_60085661.html
RépondreSupprimerhttps://fr.wikipedia.org/wiki/March%C3%A9_couvert_de_Falaise
RépondreSupprimerj'adore ces halles ! les sensations à l'intérieur ... l'espace s'impose.
RépondreSupprimerhttps://actu.fr/normandie/falaise_14258/falaise-les-portes-des-halles-reinstallees_54925894.html
RépondreSupprimerC'est un souffle d'espoir .. à Falaise la municipalité a conscience de son patrimoine moderne et les habitants aussi .
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