mardi 25 juillet 2023

Ceci n'est pas le Raincy



Il en va ainsi de la Renommée. Si je vous demande ce qui vous vient à l'esprit après vous avoir donné église et Perret, il y a fort à parier que vous me répondiez : Raincy.
Certains répondront peut-être St Joseph au Havre mais combien me répondront Montmagny ?
Rassurez-vous, si je fanfaronne ici et maintenant, j'aurais bien été en peine de faire autrement que vous il y a peu !
Et même si je vous ai déjà montré La Chapelle de l'école de la Colombière, il reste vrai que le nom des Frères Perret est avant tout associé au Raincy. 
Que faire alors de l'occultation des autres oeuvres d'un architecte ? Pourquoi finalement un bâtiment prend ainsi le dessus sur le reste de sa production et est toujours cité en exemple ? Comment rétablir la présence des autres travaux et relativiser une icône dans une production prolixe ? Et...faut-il le faire d'ailleurs ?
J'ai bien découvert cette église de Montmagny par cette carte postale de son intérieur, mon œil trompé pendant un temps court y voyant clairement  le Raincy. Mais avouez avec moi que la confusion est possible tant le vocabulaire des Perret y est utilisé avec ferveur ! C'est presque de l'auto-citation !
Il faudra ensuite peu de temps pour commencer à comprendre que nous sommes bien ailleurs et les cartes postales anciennes affichant leur localisation sous la photographie, le cerveau troublé voit alors un doute puissant (pour ne pas dire une contrariété) s'installer. Puis c'est le plaisir, celui d'avoir à la fois reconnu le style, d'avoir su replacer le bâtiment dans sa généalogie mais aussi le plaisir de découvrir une nouvelle oeuvre qui nous sort de l'icône habituelle.
Cette fonction des images, ce moment de reconnaissance est des plus palpitants pour moi. Il me rappelle à quel point une culture des images surgit, s'impose à nous, comment presque notre cerveau fonctionne. La lecture des signes plastiques, ce que l'on appellera le vocabulaire, permet bien à la fois de se rassurer sur sa mémoire et ses enjeux de stabilité mais aussi de jouir de l'aventure d'une promenade dans une image certes inconnue mais si j'ose en partie reconnue. Aby Warburg sort de ce corps en quelque sorte.
Cela m'a toujours fasciné cette capacité de ré-imprégnation du cerveau et cette boulimie des signes associées au désir de tout ranger, replacer, remettre dans l'ordre de ses connaissances.
Tout le vocabulaire des Perret est donc bien dans cette image, absolument tous les signes, tous leurs signes. On pourra croire qu'ils singent eux-mêmes leur propre production. Pourtant ici à Montmagny l'objet, cette église, est bien plus modeste en taille, en déploiement des espaces, presque en audace. Une boite percée de milliers de trous est posée sur une boite entièrement occultée. Une flèche d'une simplicité romane (ou industrielle) monte vers le ciel. Comme dirait Kandinsky : Point, Barre en quelque sorte.
Difficile depuis ces deux cartes postales de comprendre comment la forme prend la lumière, comment elle la transforme, comment l'intérieur trouble ou pas la vision de l'extérieur. La photographie de l'époque (mais surtout le mode de reproduction de celle-ci) reste assez pauvre pour que la lumière brûle un peu trop le moucharabieh de béton et, finalement, n'éclaire pas assez la nef restée un rien sombre. La couleur ici manque terriblement pour comprendre qu'il s'agit bien plus d'une lanterne inversée que d'un bâtiment. La lumière vient dedans. Dehors, le parallélépipède reste sourd, tendu, offrant seulement le grain des motifs architecturaux. Comme des napperons blancs posés sur une table de chêne.
C'est bien ce contraste que cherchent alors les architectes, laisser penser à cette pénombre pour saisir le visiteur par la richesse soudaine de la lumière transperçant complètement l'église au point de dire sa fragilité. Quelques poteaux reprennent les charges. Et les filtres de béton peuvent tenir debout imposant le spectacle des couleurs. C'est là qu'est comprise la lanterne magique, celle que Matisse volera pour St Paul de Vence.
Allez,  j'arrête de vous emporter dans une analyse ordonnée par mes seuls yeux, par ma mémoire, mais étrangement pas par mon expérience. Le réel parfois passe aussi dans la construction de la connaissance des images. Et cela, ce n'est pas répréhensible, croyez-moi.

Pour en savoir plus, je vous conseille l'excellente fiche scientifique ici :

Pour voir ou revoir les Frères Perret sur ce blog (on frôle l'indigestion !)
etc....


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