Clément Cividino je le suis maintenant depuis bien des années et le travail qu'il fait ne cesse de m'épater. Il est un insatiable découvreur et promoteur du design. Il fait une chose rare aussi, il invente des trésors comme les Héxacubes ou le mobilier des V.V.F de Candilis et Blomstedt totalement oubliés alors des institutions patrimoniales qui aujourd'hui fanfaronnent sur le classement in extremis des Carrats à Port Leucate. Il vaut mieux tard que jamais sauf qu'avec Clément Cividino il vaut mieux très tôt que trop tard !
C'est Clément aussi qui eut, sous mon impulsion, le courage et le tact de venir sauver les placards de Perriand et Prouvé de la barre Le Couteur au Mans, mobilier (là encore...) pas repéré par les institutions patrimoniales.
Alors une fois encore, le bougre m'épate avec la découverte du Pavillon Marabout conçu par Raymond Camus et Jean Prouvé.
Je n'avais jamais entendu parler de ce machin étrange, sorte de yourte de métal dont le dessin laisse un rien songeur, entre cabane de chantier à la Fillod et le kiosque de Casimir en moins Pop, plus technique, plus radical, un peu plus fruste peut-être que le reste de la production de Jean Prouvé, il est l'ancêtre des Tiny House d'aujourd'hui, tellement à la mode comme les Stations-Services de Jean Prouvé en passe de devenir aussi inabordables qu'une chaise Mullca aux Emmaüs de St Pierre-lès-Elbeuf. Pourtant, ce Pavillon Marabout Camus-Prouvé est intelligent, bien conçu, parfaitement dans l'esprit de l'époque, celui d'une construction économique et rapide pour aider les gens (et non pour offrir des nuits à 1500 euros ), il est aussi très très rare et permet de comprendre comment le génial Camus de la préfabrication lourde et le Quincailler de génie*, Jean Prouvé, pouvaient s'entendre si ce n'est sur l'architecture au moins sur la construction. Bien entendu, Clément Cividino nous donne immédiatement envie de devenir propriétaire, de poser sur un terrain le magnifique objet et bien entendu, un travail de réédition permettrait peut-être de faire revivre les qualités (et les défauts) de cette construction, il va sans dire qu'aucune entreprise ne se lancera dans une telle production et que les ayants-droits préféreront vendre des fauteuils à des prix peu dignes de l'héritage de Prouvé chez Vitra. Ne vous reste donc (comme un objet rare se le doit) qu'à débourser 250 000 euros pour acquérir le Mécano génial et briller dans le petit monde des propriétaires de meubles et d'architectures de Jean Prouvé. Ce qui d'ailleurs, au prix hallucinant et hors sol des meubles de Prouvé reste une excellente affaire pour une architecture de l'ingénieur.
Vous comprendrez que, comme mon salaire (pourtant déjà conséquent et peu mérité) de prof en école d'Art ne me permettra pas de me l'offrir, je fais comme d'habitude, je fais semblant d'exprimer un problème de classe sociale et d'histoire de la destination de l'objet pour dire ma jalousie et mon regret. Mais je sais aussi que je peux maintenant connaître cet objet rare et en tout point remarquable grâce à Clément, grâce à ses qualités de découvreur et d'inventeur de trésor. Ça au moins c'est gratuit et Clément en cela est l'un des spécialistes du Design du XXème siècle des plus généreux. Merci donc Clément pour ton travail.
Mais s'il y a une lectrice ou un lecteur généreux et qui veulent soulager ma peine... Je reste disponible pour un don.
On regarde des cartes postales ?
Allez...C'est déjà ça.
* dixit Charlotte Perriand elle-même.
Pour l'histoire et la description de ce Pavillon Marabout et son achat ou sa location allez là :
Pour voir la galerie de Clément Cividino allez là :
Les trois cartes postales que je possède de ce Pavillon Marabout Camus-Prouvé sont des cartes postales de la station d'Hassi-Messaoud dont le nom évoque toujours pour moi, la chanson c'est comme vous voulez d'Alain Souchon que j'ai eu plaisir de chanter lors de la dernière Chronique Corbuséenne. On ne s'étonnera que relativement qu'une expérience architecturale mettant en avant la préfabrication et le montage rapide et facile se pose dans cet espace si particulier qui agit dans l'imaginaire comme la construction d'une base spatiale. Ici, au milieu du désert algérien, l'architecture atterrit littéralement du ciel.
On notera que le Pavillon Marabout semble avoir été un bar, le Cha Cha Cha. On s'amuse de cette destination architecturale.
Cette édition Compagnie des Pétroles à Alger nous montre donc l'objet à gauche pris dans les baraquements de la station d'Hassi Messaoud, presque invisible. Qui sait comment ce projet a fini par atterrir ici ?
On retrouve notre construction sur cette belle carte postale en vue aérienne qui permet de mieux lire la structure et le dessin. Mais... regardez bien... Oui ! Il y en a deux ! Et si mon regard se place volontiers sur cette construction, il faudra aussi un jour parler du reste de la base qui semble bien riche en constructions étonnantes.
Enfin, pour finir, voici une superbe carte postale par Jomone en véritable photographie au bromure. Quelle qualité éditoriale ! Bords blancs, cuvette marquée comme une gravure, noir et blanc délicat et belle mise en scène. Superbe document !
La carte nous indique bien qu'il s'agit du bar Cha Cha Cha sur la base de Maison Verte. La carte n'est pas expédiée donc pas datée.
Il vous faudra donc partir rapidement à Hassi Messaoud pour acheter le ou les kiosques qui y sont certainement encore.... mais si, mais si... Regardez sur la vue satellite.