Oui j'aime cette architecture.
Je ne fais pas semblant ou je ne joue pas à l'excentrique. Non. Vraiment, j'aime cette architecture.
Car elle est bien photographiée. C'est curieux comme conclusion.
J'entends par là que Rolf ( parfois Ralf) Walter, photographe des éditions Abeilles-Cartes et que nous aimons tant sur ce blog, ce cher Rolf, nous donne l'occasion de voir des polychromies de façade et des polychromies plus subtiles.
D'abord celle de façade : nous sommes à Dugny devant la résidence Danielle Casanova, rue Georges Guynemer. La carte fut expédiée en 1988 mais je la crois plus ancienne. On voit bien une construction qui affirme par son choix coloré de raconter les plaques de béton les unes sur les autres, comme si l'œil devait immédiatement depuis l'extérieur saisir les emplacements et les intérieurs. On note un désir de teintes chaudes, du jaune au brun foncé, teintes qui ont comme rôle certainement de briser la monotonie supposée de ces blocs. La couleur devrait donc, contre la blancheur véridique de la Modernité, un peu attendrir l'idée de vivre dans un immeuble dont, ainsi peinturluré, le locataire pourrait plus facilement y trouver son "chez soi". C'est aussi un jeu plastique, gratuit, joyeux. Et finalement c'est vrai que les horizontales ainsi marquées soulagent le poids du bâti et de la répétition de ses façades. Creux, pleins, redents, balcons, tout cela a besoin d'être contrarié dans leur égalité pour amuser l'œil. Et, il faut le dire, ça marche bien. Sans doute que la photographie permet cette jubilation car tout y est propre, net, parfait. L'aplat du ciel semble lui-même déterminé par l'image, souhaité par le constructeur.
Puis, donc, l'autre polychromie : le photographe de ce genre photographique qu'est la carte postale se doit à l'honnêteté de son métier. Non pas qu'il n'en ait pas conscience, non pas que le pauvre soit pris dans les errements d'une photographie indigente et populaire, non, simplement il a un travail à faire. Il vient là, il doit montrer ce qu'il vient voir. L'école est simple. Il doit pour faire beau que la lumière soit un peu ignorée et ne soit pas l'héroïne de l'image, il doit être planté droit devant pour que le bâtiment soit lisible dans ses fonctions, en quelque sorte, reconnu. Enfin, il placera un premier plan, animé ou non selon la durée de vie validée par l'éditeur de cette carte postale. Si la construction est solide, elle sera peu animée de manière à ce que la permanence temporelle de son édition, sa contemporanéité soit pérenne et que l'image ne soit pas trop personnalisée. Ici, ce n'est pas qu'il n'y ait personne, ce vide n'est pas un jugement maladroit sur l'architecture (non Madame l'historienne du logement social) mais c'est que ce vide est comme un écran, que chacun doit animer en s'y projetant, libre de croire y être ou de laisser croire à celui qui reçoit qu'il peut s'y promener. Une, oui... une politesse de l'accueil.
C'est un document, pas une propagande, Madame.
Et le photographe cadre en posant les deux arbres dans son image, il laisse la perspective révéler les balcons à gauche pour que l'habitant de ce coin y retrouve sa place, il redresse les verticales parce que c'est plus solide et non pour mentir. Le bâtiment est sérieux, tenu, dans une géométrie simple et belle. Le photographe lui rend hommage. Depuis ce point de vue, il dira la verdure du parc, les bancs possibles comme rendez-vous, les oiseaux l'hiver venant depuis les branches sur les balcons pour picorer les miettes. Depuis ce document, on lit les rideaux.
La Résidence Danielle Casanova existe toujours. Elle est toute blanche maintenant. Sans doute que le bailleur, Toit et Joie, a dû trouver que c'était bien compliqué de reprendre les couleurs, que personne n'y ferait attention. C'est dommage ce lessivage, cette netteté pseudo-hygiénique et surtout un peu fainéante. Un ravalement qui aura supprimé l'une des belles qualités de cette modeste architecture. On a déjà vu cela ailleurs, ce manque d'intérêt pour la polychromie. Le blanc perçu comme signe d'une attention virginale. Souvent ça vient avec le Digicode et la clôture du parc.
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