Être architecte, être un grand architecte c'est savoir mettre l'architecture dans tous les objets construits.
Il y a ceux qui font des monstres, et rien que des monstres, il y a les modestes, les sans-grade, les invisibles et il y a ceux qui font dans chacune de leurs réalisations, petites, ambitieuses ou magistrales œuvre d'intelligence.
Regardons cette petite réalisation :
Une petite chose fragile, posée sur des pilotis comme des brindilles, rien de bien spectaculaire de ce point de vue. On devine une attention, une jubilation presque à cette pauvreté, comme un pragmatisme joyeux à la fonction, leçon à la fois tirée de l'architecture vernaculaire et de la leçon claire de Le Corbusier.
Cette petite grande chose n'est rien moins que l'une des réalisations les plus remarquables de Brasilia et elle est l'œuvre d'Oscar Niemeyer. Il s'agit de la fameuse Catetinho.
http://www.nosnomundo.com.br/2012/11/museu-do-catetinho-em-brasilia/
Construite en 1956, elle fut la première résidence du président de la république brésilienne dans la nouvelle Capitale en construction !
C'est même écrit au dos de cette carte postale Mercator !
Je me souviens d'avoir lu dans Les courbes du temps, livre de Niemeyer, des passages sur cet édifice. Je le retrouve Page 100 exactement, on admirera les dessins de bas de page.
Les courbes du temps, mémoires
Oscar Niemeyer
Gallimard, 1999.
Si on aime penser qu'effectivement Brasilia a eu ce moment de grâce, ce moment radieux où l'architecture s'érige, surgit au milieu de ce qu'il fut rapide à l'époque de qualifier de " rien", il est aussi plaisant de voir des images de ces moments, sans doute aussi parce qu'aujourd'hui cette Brasilia a disparu à son tour. Le vide sidérant entre les volumes, la terre visible à chaque pas, la poussière soulevée par les roues des Jeep impétueuses, la blancheur des murs jouant contre le ciel encore immense, les planches de coffrage à peine rangées, le foutoir du chantier à peine camouflé, c'est tout cela qui donnait sans doute à mon rêve de Brasilia un désir irrépressible de venir la voir, tout cela n'existe plus.
Où êtes-vous passées mes images ?
Cette très belle carte postale de Brasilia nous montre la Place des Trois Pouvoirs en pleine construction. Elle appartient à la maison d'édition Foto Postal Colombo. Quelle image !
Posées de loin en loin avec le vide comme liaison et deux rues parallèles comme irrigation, les beautés de Niemeyer naissent sous un ciel moutonnant.
Quelques beaux détails ?
Rapprochons-nous avec cette autre carte postale :
Même éditeur, elle nous montre le très beau et abstrait Palais des Congrès et le Sénat. On devine de suite que l'ensemble n'est pas terminé et donc qu'il y avait une espèce d'urgence à montrer des images de ce chantier. Cela prouve aussi qu'il y avait un marché pour des images de la ville inachevée. Qui envoyait ces cartes de chantiers ? Les ouvriers ? Les visiteurs ? Sont-elles des cartes éditées après le chantier ? Y avait-il un tourisme du chantier de Brasilia ? J'imagine des visiteurs se promenant dans les chantiers poussiéreux et allant acheter leurs cartes postales dans des cabanons de planches, mais, sans doute, que je rêve trop de ce moment...
La nuit ?
La nuit est belle à Brasilia, suffisamment pour que Colombo l'éditeur édite ce spectacle ! On devine alors une activité forte et des brillances de pluies récentes. On devine aussi que ce même Palais des Congrès est encore moins construit que sur la carte précédente. La nuit permettait-elle de faire croire à une construction achevée et à camoufler le chantier ? C'est somptueux non, comme spectacle ?
Et enfin...
Oui ! Ça y est ! Le Palais des Congrès est achevé ! Cette foule à son pied qui arpente l'ensemble de la construction de Niemeyer est-elle une foule de privilégiés venant à une inauguration ou la foule des brésiliens visitant leur construction ? Comment ne pas être sensible à ce moment où les corps donnent l'échelle, éprouvent les circulations, viennent voir les volumes ? Quelle chance ! C'est ce moment précis que j'aurais aimé vivre. On devine une petite foule plus dense au pied, un peu à part. Excusez-moi, je pars les rejoindre, j'entends la voix d'Oscar qui explique son projet.
- Oscar ? Oscar ! Attendez-moi ! J'arrive !
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