Vient de paraître sous le patronage de Piacé-le-Radieux et avec l'énergie de Nicolas Hérisson, un petit mais sans doute très étonnant livre que tous les aficionados de le Corbusier devraient s'empresser de lire :
La ferme radieuse et le centre coopératif est un livre à deux mains provenant d'une déclaration commune de faire quelque chose pour la campagne qui semblait pour Nobert Bézard, ouvrier agricole, oubliée par le Modernisme Architectural. Il demanda donc à Le Corbusier de penser la campagne comme il avait pensé la ville et fut invité à défendre son point de vue lors d'une conférence au CIAM en 1937. Norbert Bézard affirme alors :
"Nous, paysans, nous disons : Non ! nous réclamons des fermes-outils-de-civilisations, sorties du romantisme... et du fumier. C'est clair, c'est net. Si vous rencontrez encore des paysans qui s'extasient devant le romantique, c'est que personne encore ne leur a montré, expliqué les bienfaits de la ferme outil, de la ferme radieuse, fonctionnelle - qu'ils sont incapables de réclamer faute de connaître les possibilités apportées par les techniques modernes."
La solution est celle d'une extrême rationalisation formant avec l'activité agricole une sorte de zoning appliqué à l'activité agricole sans oublier les particularités régionales, le type de culture possible sur les sols, et bien évidemment une sorte d'émancipation culturelle des paysans et de sa jeunesse. On est surpris par la réalité des images que cela produit, on y reconnaît presque les fermes d'aujourd'hui qui fascinaient déjà dans les années 80 mon grand-père agriculteur par leur propreté et leur mécanisation, lui qui avait connu le bordel romantique des fermes.
"C'est propre" était toujours son compliment numéro 1.
Mais ce qui est beau dans ce texte, c'est comment l'ouvrier agricole connaît son monde, comment il s'exprime, comment il n'a pas peur de faire travailler sa classe sociale avec une autre. Cette qualité d'expression claire, limpide et intelligente construit un Nobert Bézard plus solide que j'en avais l'image sans doute trop naïve associée à ses productions artistiques. Et la réponse de Le Corbusier est sérieuse, sans compromis et surtout sans condescendance aucune. Il a l'empathie parfaite, celle d'un humanisme clair, aimant Nobert Bézard, celui qui sait car il vit l'expérience qu'il décrit et trouvant là une forme de vérité à son écoute. Et puis aussi, il y a cet élan moderne, sentir cela au fond de la campagne sarthoise, sentir ce désir d'émancipation, de participer à l'élan d'un monde qui se fabrique, il y a le goût du progrès non pour ces objets-machines aliénants de crédits mais pour la libération qu'ils permettent.
Ce progrès c'est un souhait, un désir presque, une révolution à faire pour que la campagne travaille avec la ville et non plus seulement pour la ville. Ce que tentent Le Corbusier et Nobert Bézard c'est d'inventer un monde ou les deux univers se reconnaissent mutuellement. Les passages sur les voies routières sont à ce titre incroyables... Je vous laisse le découvrir...
Sur la couverture, un dessin de Le Corbusier montre un ouvrier agricole en sabots serrant la main à un ouvrier et ses rouages de machine. Ces mains serrées l'une dans l'autre en disent bien plus long sur la réalité de la pensée de Le Corbusier que tous les livres opportunistes qui sortent en ce moment.
Bézard avait raison : sortons du fumier.
La ferme radieuse et le centre coopératif
Le Corbusier et Norbert Bézard
Manuscrit inédit
directement à Association Piacé le Radieux, Bézard-Le Corbusier
ou diffusion Les presses du réel
isbn 978-2-9551740-0-5
12 euros
http://piaceleradieux.com/
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