samedi 23 janvier 2016

Ah ! Les cons !

C'est un peu ce que je me suis dit lorsque j'ai entamé mes premières recherches sur le quartier du Pont de Bois à Villeneuve d'Ascq et que j'ai saisi que le travail de l'équipe de Josic y avait en partie été démantelé par une réhabilitation dont la stratégie tient surtout de la pensée sécuritaire et non de l'architecture.
Commençons par le début :



Sur cette carte postale éditée par L' E.P.A.L.E et dont la photographie est de Ballenghien, on voit très bien les constructions du quartier du Pont de Bois dessinées par Alexis Josic et son équipe pour un concours daté de 1973. On y remarque immédiatement une qualité évidente de polychromie d'une architecture fortement marquée par des volumes en gradin s'emboîtant les uns dans les autres et produisant des espaces vides et des pleins dont le dessin original et très beau des ouvertures vient ponctuer les façades. On y reconnaît une écriture typique de l'époque, le semi-collectif qui tentait de rompre avec l'héritage du hard french en renouvelant l'idée de l'habitat collectif. On a vu cela avec un autre exemple, les gradins-jardins de Messieurs Andrault et Parat.









On sait aussi que Alexis Josic a fait partie des groupes de l'ATBAT puis de Candilis-Josic-Woods et en a partagé en tous points les interrogations spatiales et urbaines allant de l'espace de la cellule à celui de la ville dans un déploiement attentif de l'acte de construire et de la nécessité d'habiter cet acte, tout en mettant d'abord et toujours au centre de ces questions un humanisme profond, attentif aux besoins comme aux rêves, attentif surtout à donner une forme aux relations entre ceux qui utilisent ces espaces, espaces qui ne seront pas seulement de l'habitat qualifié de collectif.
On sait comment aujourd'hui est ravalé au sens propre comme au sens figuré cette pensée par des bailleurs, des propriétaires, des maires, qui écoutent davantage les avis de la police et des pompiers que celui des habitants et ne s'occupent en rien de ce que cette histoire et cette pensée ont de riche, d'original et surtout donc d'humaniste.
Non.
On brise à l'envi les circulations, on sacrifie les espaces, les attentions, les détails, sans égard. Voyez et lisez bien ce que les architectes ayant réalisé les modifications de ce quartier utilisent comme vocabulaire et arguments pour, non pas se justifier d'une nouvelle pensée architecturale mais appliquer sans regret ni remord et surtout sans aucune position éthique des demandes sécuritaires et de tranquillité publique.

http://www.lavoixdunord.fr/region/villeneuve-d-ascq-la-renovation-de-l-ilot-4-au-ia28b50417n1552590

La démagogie devient la raison d'un espace et le construit avec même une certaine jubilation à ruiner une pensée complexe, joyeuse, humaniste qui n'est pour rien dans les errements de la petite délinquance. Le politiquement correct et la bien pensance construisent maintenant nos espaces et cela se fait avec la collaboration d'architectes dont on se demande qui leur a enseigné cette méthode d'obéissance pour construire. Prenez les normes des pompiers, prenez vos ordres auprès de la brigade des stups et appliquez à la lettre leurs désidérata, vous ferez une bonne architecture. Demandez donc quelle taille doit faire une fenêtre pour que, dans le même temps, un pompier puisse l'emprunter depuis le dehors mais qu'un petit malfrat ne puisse pas s'en échapper depuis l'intérieur et vous aurez une idée de la pensée architecturale qui conduit aujourd'hui nos constructions. Ajoutez pour l'urbanisme, l'angle de braquage maximum des automobiles pour en interdire le demi-tour et donc la fuite et vous aurez saisi comment aujourd'hui on dessine nos circulations. Saupoudrez de bancs sur lesquels on ne peut pas s'allonger, de gabions chics pour empêcher les intrusions et vous deviendrez paysagiste.
Alors je vous donne à lire un texte publié dans Techniques et Architecture de 1973 et qui explique comment on pense.
Vous verrez qu'il y a un monde entre les petits ravaleurs et les vrais architectes. Ce monde c'est l'espace accordé à l'habitant.
On notera que la carte postale semble être une édition produite à des fins de promotion de l'habitat. Tout en fin d'article, quelques images de l'état actuel avec, en prime, un selfie de la Google car !

Pour une fois je vous donne la superbe couverture de ce numéro de Techniques et Architecture :











 

  
 

5 commentaires:

  1. LECLERCQ URBANISTE23 janvier 2016 à 16:15

    "Josic a fait Le Mirail" Tiens donc "et ne l'a pas terminé". Quel ignare ce journaliste...N'importe quel site l'aurait renseigné...CANDILIS, JOSIC ET WOODS. Pas terminé : la faute à qui ? Encore que ! AH ce nouveau badigeon appliqué partout, du blanc, du blanc virginal... neutre, indifférencié ... Quand au langage des 2 'pros' oup's... ils se réfugient derrière des conseils et non des obligations...

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  2. LECLERCQ URBANISTE23 janvier 2016 à 16:24

    dans la distribution des logements des ressemblances avec le travail de Renée GAILHOUSTET...

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  3. daniel leclercq urbaniste23 janvier 2016 à 16:26

    Dabs la distribution des logements des ressemblances avec le travail de Renée Gailhoustet.

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  4. Encore toutes mes félicitations pour ton message d'alerte. Car il faut le dire, ici, et dans d'autres villes plus exemplaires, les ravages continuent et s'amplifient. Pourquoi ? Est-ce vraiment lié à l'ignorance crasse des maîtres d'ouvrages, architectes, urbanistes, ABF ? S'agit-il véritablement d'une extension du domaine des normes sécuritaires ? Je dirais oui, pour ces deux propositions, mais en ajoutant, pour l'avoir observé régulièrement, de très près, que le problème est aussi lié au vide ontologique associé au « patrimoine moderne », anomalie que d'aucun croît comprendre à travers cet oxymoron : comment être à la fois moderne et patrimoine ? Comme la nature humaine à horreur du vide, que la chose semble incompréhensible, comme elle ne peut ni ne doit exister, alors on tend à la rendre normale : remplir les creux, aplanir les bosses, redresser les zig-zag, faire zig-zaguer les droites, blanchir les couleurs, colorer les blancs, cacher le béton, mettre de la verdure à la place du minéral, ou du minéral à la place du vert ; sans compter que l'on se plaît à ajouter du Corten sur-rouillé, des cailloux en-grillagés ou des buissons en-sauvagés pour rendre un peu plus contemporaine cette modernité plus has been encore que l'expression has been elle-même. Bref, il faudrait se mobiliser et lancer l'analyse (ou la psychanalyse) afin de trouver les leviers permettant de mieux assumer cette modernité historique, et de stopper cette volonté de lisser cet héritage anormal dans le but inavoué de le remettre sur le droit chemin. Ah ! Les cons !

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  5. "Ça se manifeste même dans l’aspect architectural maintenant, par ce qu’ils appellent pudiquement "l’architecture de prévention situationnelle". Pour toute opération de plus de 250 logements, pour tout équipement collectif (stade, musée, gare, centre commercial...), des représentants du Ministère de l’Intérieur font partie des experts, non pas comme traditionnellement par rapport à quelques catastrophes naturelles, mais par rapport à des fléaux sociaux, à savoir l’irruption des "sauvageons" dans ces lieux. Il faut concevoir ces équipements et ces espaces, avec une double finalité. Premièrement, dissuader lesdits sauvageons de se comporter en infraction avec les codes de bonne conduite, l’architecture doit donc être intimidante, impressionnante (...) En ce moment on vise à restructurer les cités HLM, c’est la "requalification", de telle manière qu’on élimine tous les recoins et les impasses, parce qu’ils sont favorables à deux choses : aux embuscades et aux trafics de toutes sortes. Il faut que les espaces soient surexposés, que les jeunes se sentent surveillés partout. Pour pas qu’il y ait des embrouilles, il ne faut pas qu’il y ait de caches, de cachettes. Et suppression des coursives : lorsqu’il y a eu quelques échauffourées avec les flics, que ce soit à Toulouse au Mirail ou que ce soit à Chanteloup-les-Vignes dans la cité de la Noé, la très bonne connaissance des parcours par les jeunes, faisait que les policiers n’étaient pas du tout entraînés. Il faut que le terrain ne soit plus "propice à l’adversaire", comme on dit en langage policier. C’est l’aspect dissuasif, et puis il y a l’aspect carrément répressif. " JPGarnier
    http://1libertaire.free.fr/JPGarnier03.html

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