jeudi 28 janvier 2016

Construire une carte postale

Depuis des années maintenant, je tente de saisir avec vous comment est construit ce regard sur l'architecture moderne et contemporaine par les éditeurs et photographes de cartes postales. Voici une série de photographies qui vont nous faire avancer grandement, certainement pas tant du point de vue du cadre mais bien plus sur la diffusion de ces images.
Allez, regardons déjà ces belles images :





Nous sommes pour cet ensemble de vues, à Malakoff, dans la Cité du Fort de Vanves. On y retrouve tout le vocabulaire du quartier Hard French pris souvent dans la diagonal d'une perspective permettant de saisir à la fois la masse de l'immeuble et donc sa façade mais aussi la spatialité dans laquelle cette architecture se place, ouvrant ainsi le quartier par les canyons qui séparent les barres. Cela tient à la fois de la construction de l'image que de la réalité de ce type de constructions voulant offrir par une densité d'habitats un plus grand espace au pied même des logements. On sait que malheureusement ce dégagement ne profite que rarement à la construction de vrais espaces paysagers mais bien plus à des parkings offrant un lac de carrosseries automobiles.
Mais ici, le ou la photographe, comme souvent, cadre au mieux tout ce qui végétalisera la vue, donnera la sensation d'un jardin, non pas comme le pensent trop souvent les petites opinions pour faire "croire" à un vrai travail paysager mais bien plus simplement pour rendre compte de la réalité de cet espace et aussi, je commence à le penser, pour aider les habitants à reconnaître leurs lieux et désirer les partager. Il s'agit autant d'un geste de constat que de politesse d'image, offrir le désir de partager un lieu. On donne l'opportunité de reconnaître son lieu mais aussi de raconter à celui à qui s'adresse la carte postale de saisir les particularité de l'environnement de vie de celui qui l'envoie. On envoie bien son image.






 




La présence des enfants sur l'aire de jeu dira aussi cette attention à l'habitant. On a vu aussi sur ce blog maintenant de nombreuses fois comment cette présence sert le photographe lorsqu'il trouve la bonne distance entre personnalisation du cliché, sa temporalité et une forme d'humanisme apporté par cette présence, rompant sans doute avec une forme un rien égale et répétitive de l'architecture, du moins, dans son image extérieure. Rares, voir inexistantes, les vues des intérieurs des appartements pour en décrire la vie. Tout cela nous l'avons déjà vu et cela prouve à la fois une forme reconnue, admise, attendue de ce genre de cartes postales mais aussi tout cela est très vite atténué par des exceptions nombreuses rompant l'impression de cliché des grands ensembles et du hard french.
Mais au-delà des photographies ici, ce qui est étonnant, c'est qu'il ne s'agit pas vraiment de carte postale, enfin... pas encore... Car, au dos de ces images, aucune trace de typographie.



Seules des indications manuscrites nous donnent des informations intéressantes. D'abord la localisation, bien entendu, écrite en bleu ou noir au stylo-bille, puis une lettre de l'alphabet ABC ou G ce qui laisse à penser un D et E disparus. Puis un nombre d'exemplaires qui contredit les indications 500c et 270n que j'ai cru pouvoir traduire par 500 couleur et 270 noir et blanc. Donc plus de 200 exemplaires ! Étrange... en tout cas, cela est un relativement petit nombre d'exemplaires puis cela représente un peu plus d'une vente par jour. On imagine aussi que ces futures cartes postales devaient être ré-éditées selon leur succès. On voit également un chiffre 573 ou 568, sans doute la série mais bien évidemment ce qui est le plus révélateur dans ces documents c'est bien qu'il s'agit d'une campagne photographique programmée. Il ne s'agit pas d'un coup pour voir mais d'une décision de faire autour de cette cité un vrai travail photographique, une construction d'une série permettant à tous les habitants de retrouver en totalité ou en partie leur lieu de vie. On offrira donc le choix aux marchands de journaux et de tabac de choisir dans le catalogue les cartes postales qu'à son tour, il présentera aux clients. Le photographe part donc sur place avec un programme qu'il devra réaliser. Ici, à pied, comme un piéton, il cadre sans effet trop marqué d'un style personnel, il tente un rien d'animer l'architecture, de la donner à voir (presque à lire) dans une grande netteté du plan, avec une forme simple, joyeuse, aimée. On ne vient ni avec une critique négative de ces lieux, ni aveuglé par une politique gouvernementale, on fait ce qui est possible avec ce qu'il y a, dans une tradition tranquille du paysage, en espérant qu'ici, un arbre dira le parc, que là, l'automobile dira le parking et que les enfants, sans être demandés, attendus, souhaités, permettent de vivifier l'aire de jeux. En fait, le photographe de cartes postales est présent à son monde, il est avec son monde, il en fait partie. Il est aussi, et c'est le plus important, libre du regard des architectes, il ne peut que jouer avec l'existant, qui se donne, dans sa réalité à voir. On redressera sans doute un rien les verticales, on attendra une lumière égale, non pas pour faire semblant ou pour construire une image sous une autorité quelconque mais simplement pour que l'œil cultivé qui est le nôtre accepte de s'y plonger et... s'y retrouve. Comme dirait Matisse, un bon fauteuil. Et ce fauteuil est ici bien dessiné, confortable sans être assoupissant, on est devant la fenêtre superbe et mobile du cadre photographique.

2 commentaires:

  1. intéressant comme toujours! Bises à la Rampe mon cher l'Estrade ;-)

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  2. LECLERCQ URBANISTE30 janvier 2016 à 16:37

    TROUVE UNE SEULE CARTE POSTALE MULTIVUES DE TRES MAUVAISE QUALITE MONTNANT EN PARTIE LA TOUR

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