mardi 16 septembre 2014

Visibility, (imposed Modernity)

Sans aucun doute, pour ce qui concerne ce blog, le Pavillon du Kosovo fut le plus surprenant. Il est celui qui a utilisé la carte postale comme l'un des deux éléments principaux pour prendre position sur la Modernité en faisant de cet objet éditorial à la fois un objet d'échange et de dispersion mais aussi d'analyse de la situation historique, architecturale et urbaine du Kosovo.
Le Pavillon du Kosovo propose dans le face-à-face de sa scénographie une tour réalisée avec un seul objet, un tabouret de bois traditionnel du pays et un mur de cartes postales proposant une multitude d'images anciennes et contemporaines du pays et permettant d'en saisir les chamboulements politiques du siècle passé.
D'abord, il ne fait aucun doute que cette tour de bois réalisée avec des tabourets, objets de l'assise, est superbe dans sa simplicité modulaire et dans l'effet optique de ses ombres et de ses formes. Le tabouret n'est pas utilisé comme un élément réellement architectonique puisque il est positionné à la verticale et ne tient pas par lui-même, mais, agrafés ensemble, tous ces tabourets forment un motif simple dont la répétition engendre à l'envi, un pigeonnier, une tour moderne ou contemporaine comme si cette répétition était la seule raison de son architecture. C'est beau, sans aucun doute aussi parce que d'un point de vue architectural pur c'est inutile.
Face à cette tour de bois qui rend un hommage à la Tradition en la détournant de sa fonction (on pourrait aussi y voir une critique...) un mur d'images est donc constitué de cartes postales que le public peut prendre librement, choisissant celles qui lui plaît et utilisant ledit tabouret pour atteindre ou voir celles qui seraient trop hautes. Amusant retour de l'utilité du tabouret qui retrouve là simplement son rôle, petit promontoire utile pour voir le Kosovo. C'est simple mais c'est bien dit comme utilité et comme symbole...
Comme hier avec le Pavillon de l'Italie, il ne fait aucun doute que nous sommes saisis d'une frénésie d'images, que mon âme de collectionneur les désire toutes, je veux avoir les mains pleines d'images. Et malgré un appel au calme de Claude apeuré par ma boulimie, ce fut bientôt lui qui fut le plus implacable ramasseur d'images, pris à son tour par cette frénésie. Il faut croire que nous ne sommes pas les seuls puisque des post-it demandent au public de ne plus prendre certaines cartes postales déjà manquantes. J'aurais pourtant aimé que cette disparition soit aussi une volonté. Difficile de choisir entre désir de voir et jeu de cette disparition des images !
Alors que montrent ces images ? Sur le site du Pavillon du Kosovo et par le titre même de ce Pavillon, on devine vite tout de même un regard à regret d'un Kosovo disparu effondré par les politiques successives qui l'ont traversé. L'accusation est sans doute juste et certainement proche pour que cette vision politique, ce désir de regard à rebours offrent une vision nostalgique d'un pays regrettant que cette Modernité ne soit passée sur le pays par la force. Ne nous y trompons pas, la force en question ici c'est bien le communisme et les guerres. Pourtant, le mur de cartes postales offre une ouverture en proposant quelques images de réalisations de jeunes architectes formés en Suisse et tentant dans la reconstruction identitaire de ce pays de faire une architecture moderne et... tempérée...
On notera que les cartes postales ont comme point de départ soit des images de voyageurs du début du siècle, soit des reproductions de cartes postales de l'époque communiste, soit encore de missions photographiques contemporaines. Toutes les cartes postales sont dans un format géant doublant sa taille traditionnelle et comportent au dos toujours le nom des architectes, des photographes et la provenance des images. Aucune critique donc sur la nature de ces images mais leur égalisation sur ce mur pose le problème de leur hiérarchie et du sens de leur proximité. Car, répétons-le, ce qui est le plus fort, c'est l'avidité des images avant même d'en saisir parfois la brutalité des histoires qu'elles portent. C'est le piège. Reste donc d'abord cette jubilation à voir, à tenir les images, à en saisir les paysages et à croire en celles-ci. Elles sont, sans doute ainsi, dans leur voisinage dans la justesse de l'état du pays un collage puissant et dur entre une tradition regrettée, une modernité (violente ?) trop proche et pas encore aimée et un présent tentant de faire de cette douleur un renouveau tranquille et apaisé. À ce titre et seulement à celui-ci, sans doute que le Pavillon du Kosovo est l'un des plus justes et des plus touchants.
Vous trouverez sur le site officiel toutes les images et leur références.
Je vais donc là aussi faire mon choix dans les cartes postales que j'ai ramassées. Finalement, je réponds ainsi parfaitement au Pavillon du Kosovo. Vous noterez que je n'ai ramassé pour ma part aucune des images anciennes du Kosovo au contraire de Claude. Il ne fait aucun doute que le choix d'images est aussi pour chacun une sorte d'autoportrait.

Quelques images du Pavillon du Kosovo :














Quelques cartes postales choisies :

zone industrielle abandonnée à Prizren, Julien Jaulin photographe :







 Immeuble de bureaux de Elekokosova, Samir Karahoda photographe :


Motel "Vëllaznimi", Julien Jaulin photographe :

Univerisité et Bibliothèque Nationale du Kosovo, Andija Mutnjakovic architecte :

Université et Bibliothèque Nationale du Kosovo, Andija Mutnjakovic architecte, Samir Karahoda photographe :

Prishtina 2014, Samir Karahoda photographe :

Prishtina 2014, Grand Hotel, Julien Jaulin photographe :

Prishtina 1972, carte postale ancienne :

Prishtina 1975-77, immeuble de bureaux, Dragan Kovacevic architecte, Samir Karahoda photographe :

Faculté Technique, Prishtina 1976, Edo Ravnikar architecte, Samir Karahoda photographe :

Prizren 2007-2008, Gezim Pacarizi architecte :

Prizren XIXème siècle, dessin, Belediya :

Pour finir, les amoureux de la Fonction Oblique y verront un clin d'œil !
Recto et verso de la carte postale : Priznen 2004, Julien Jaulin photographe :



1 commentaire:

  1. Bonjour. J'ai lu et relu votre texte plusieurs fois. C'est surprenant jusqu'à quel point vous avez compris notre exposition! Nous avons eu beaucoup d'eloges et des écris dans les journaux et divers platformes d'architecture mais votre regard est de loin le plus pointu et le plus personnel. Ce qui m'a plu le plus c'est ce petit cote humain et poetique qui manque suivant aux écris sur l'architecture et qui est une sorte de fil rouge dans votre texte. J'aimerais vous remercier du fond du coeur. Autrement j'aimerais vous demander la permission d'utiliser votre texte sur un livre-catalogue de l'exposition (malheureusement pour des raisons financières imprimée avec du retard) q'on est en train de preparer. Merci encore (vous trouverez mes coordonnés dans: gpacarizi.com)

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