dimanche 20 juillet 2025

Pour une réadaptation de Michel Ducaroy


Il y a longtemps maintenant que nous ne nous sommes pas arrêtés devant une carte postale dont l'architecture nous importe bien moins que ce qui l'occupe.
Cette fois, cette grande salle, d'ailleurs assez belle et offrant une belle baie, nous intéresse surtout pour son ensemble mobilier. Même en n'étant pas un spécialiste du Design français d'après-guerre, on peut tout de même être particulièrement touchés par la ligne superbe de ces petits fauteuils (chauffeuses ?) en bois et cannage. Le dessin en est particulièrement réussi et parfaitement accordé à celui des petites tables basses. Je l'avoue bien volontiers, je ne savais pas de qui était le Design de ces merveilles mais en quelques clics se fut si facile à trouver...Michel Ducaroy !
On connait bien sûr ce dernier pour le fameux Togo mais ici on est un peu loin d'un design hédoniste des années 70 ! On dirait bien plus un ensemble mobilier d'un Jeanneret, quelque chose de tropical, retour des colonies. 
C'est un peu frêle, presque maigre mais comment résister à l'envie de s'y laisser glisser ! 
Il y a peu, j'étais devant la boutique du Grand Palais où des quantités d'objets Design se battent pour un bout d'étagère, attendant l'approbation des acheteurs, la reconnaissance de leur originalité. Des titis biscornus, un peu chic et marrant, au dessin souvent épuré pour faire sérieux et moderne, pour que immédiatement, dans l'originalité d'une ligne on soit rassurés sur l'origine d'un designer.



Ce qui m'étonne c'est ce positionnement du Design d'aujourd'hui, ayant quitté les formes utiles pour être affublé d'un rôle social, celui de ceux qui pourront se reconnaitre dans un moment culturel et s'offrir des objets qui leur diront leur mérite...Car alors, le prix et l'achat de ces machins créent l'exclusivité d'un Design devenu, de fait, un statut social. Pourquoi ai-je l'impression (à tort ?) que le Design est maintenant fourvoyé ? Quand on regarde une telle carte postale d'un lieu accessible, celui d'un centre de réadaption, rempli de fauteuils d'une très grande qualité on peut s'interroger en effet sur cette époque où le Design rencontrait tous les publics. 
Le design était simplement alors l'expression de son temps.
Jean Prouvé est souvent ici évoqué en ce sens. Comment ne pas dire qu'il est mort une deuxième fois quand ses droits d'auteur furent cédés à VITRA ? 
Ce fauteuil de Michel Ducaroy on sent qu'il en a réfléchi  l'économie de la matière, qu'il a réfléchi le montage simple pour en faire un objet abordable tout en étant élégant avec ce désir de faire accessible même dans le choix d'une ligne claire, tout cela semble fourvoyé, tordu, irrémédiablement perdu dans la recette commercial d'un design qui exclut de fait maintenant ceux pour qui il fut crée : tout le monde, les gens, vous et moi, les autres.
Les messieurs qui usent sur cette carte postale les assises des fauteuils de Michel Ducaroy ne font pas acte là d'un geste culturel qui les définissent. Ils utilisent. Ils usent. Ils s'assoient.
Pas ici de démonstration d'une classe sociale, d'une reconnaissance bourgeoise de ceux qui reconnaissent entre eux un designer...
À quel moment dans l'histoire du Design ce pli a été pris et crédité par la profession faisant des nouveaux designer des héros de l'exclusivité des formes ?



Et si il fallait rapidement redonner au Design sa fonction, je dis bien : fonction ?
Lâchons les droits d'auteur, faisons partout des éditions bon marché (comme à leur origine) de ses créations et de toutes celles qui sont aujourd'hui récupérées. Achetons notre chaise de Jean Prouvé chez But le samedi en faisant nos courses, achetons notre fauteuil de Ducaroy chez Conforama, c'est à dire à l'endroit-même de leur éthique. Accessible, beau, facile à vivre et donc utile et intelligent. 
En attendant, précipitez-vous au centre de réadaptation fonctionnelle des massues. Peut-être que, dans la cave, démontés, les fauteuils de Michel Ducaroy attendent un peu de lumière d'un brocanteur, c'est une affaire conclue.

Oui, réadaptons le Design.

Comme le dit Théodora :

"Ouh, ouh, ouh, ouh-ah(Fashion designa)Ouh, ouh, ouh, ouh-ah(J'achète plus, j'designe)Ouh, ouh, ouh, ouh-ah(Fashion designa)Ouh, ouh, ouh, ouh-ah(J'achète plus, j'designe)..."








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