vendredi 18 juillet 2025

Ricardo Porro enfin !

 Je suis tellement heureux d'avoir l'occasion de vous parler d'un architecte assez rare et peu connu du grand public et qui, pourtant, a construit une oeuvre réellement fascinante, étrange, baroque.
Cet architecte c'est Ricardo Porro.
J'ai de la chance car dans ma région proche, à Canteleu exactement, Ricardo Porro et Renaud de la Noue (ne pas oublier son alter ego) ont bâti un lycée hôtelier incroyable. Mais ce n'est pas ce bâtiment que je trouve miraculeusement édité en carte postale mais le collège Elsa Triolet à Saint-Denis et cela avec en plus une photographie superbe de André Lejarre qui, si vous êtes un amateur de photographie d'architecture devrait sans doute vous en rappeler une autre, celle de Martine Franck pour la bibliothèque de Clamart :



Cette carte postale-ci est une édition du Conseil Général de la Saine Saint-Denis, il ne fait donc aucun doute qu'elle fut diffusée à des fins de promotion de la politique scolaire du département. C'est donc une carte postale de communication introuvable sur les tourniquets des bars-tabacs. D'ailleurs ? Comment était-elle donc diffusée ? 

Étrangement André Lejarre ne se souvient pas bien de cette photographie ni de son moment. Une petite interview au téléphone me permet donc de l'entendre me dire que ce n'est même pas pour lui l'une de ses photographies préférées. Et bien moi je pense que je suis bien heureux de la voir et de vous la montrer. Cette carte postale me permet aussi d'évoquer le travail photographique de Monsieur Lejarre. En tout cas, il s'agit bien d'une carte postale institutionnelle. Le photographe m'indique qu'il doit y en avoir d'autres car un reportage entier avait été réalisé. Que j'aimerai trouver cet ensemble !

Cette contre-plongée en dit long en tout cas du regard du photographe. Il s'agit bien entendu de faire sentir la surprise des espaces et des circulations, les deux petites têtes d'adolescents semblant surgir des formes complexes comme des petits diables d'une boite. Ils donnent l'échelle et permettent de comprendre une certaine complicité du regard des adolescents avec le photographe. Difficile de savoir si les gamins ont été sollicités ou si le hasard de leur apparition nimbée de blancheur a produit le déclenchement chez le photographe. On peut affirmer que, même si cette photographie rentre donc dans un plan institutionnel (une mission photographique) il semble bien que les deux architectes, Ricardo Porro et Renaud de la Noue, ne soient pas intervenus sur les choix et manières de faire image avec leur architecture. En tout cas, André Lejarre ne s'en souvient pas, pas plus de comment il fut ainsi commandité.

Nous sommes donc au collège Elsa Triolet à Saint-Denis, la carte (un peu plus courte qu'une carte normale) fut expédiée en 1994. Que sont donc devenus ces deux adolescents ? Se souviennent-ils d'avoir ainsi été immortalisés dans une carte postale ? Ont-ils profité de l'aubaine pour en envoyer à tout le monde ?

J'aime l'extravagance de Ricardo Porro presque trop décidé à faire spectacle, à faire étrange. On pourrait bien là y voir un symptôme de la nécessité d'un architecte a posséder un style. On dira pour faire chic : une écriture. Mais ce trouble hyper sensuel des courbes et des volumes comme surjoué ne doit pas faire oublier que Ricardo Porro a d'abord fait de l'architecture, jouant des fonctions, des rôles des espaces pour inventer un moment, une promenade, une expérience spatiale. Rien à voir ici avec le baroquisme débridé de papier froissé d'un Gehry dont le défi structurel d'ingénieurie apparait comme le ressort passionnel du génie démiurgique.  Autrement dit : 

-Ingénieur ! Je veux. Tu dois pouvoir. Tu vas devoir. Tu vas faire

Dans ma bibliothèque sont rangés quelques volumes de la très belle collection d'ouvrages sur l'architecture publiés sous le titre : Architecture et Cie, État et Lieux, par Hubert Tonka et Jeanne-Marie Sens aux éditions du Demi-Cercle.

Il faudra un jour revenir sur cette très belle collection d'ouvrages sur l'architecture contemporaine d'alors, la fin des années 80 et le début des années 90. Une magnifique promesse éditoriale. Il se trouve qu'un volume de cette collection est consacré à ce collège Elsa Triolet. C'est avant tout un superbe livre d'images et de photographies de Anne Favret et Patrick Manez. Malheureusement, on est peu aidés par les textes, par quelque déclaration que ce soit...On notera aussi que, à la différence de André Lejarre, les photographies sont totalement vides de vie, aucune ne montre le collège Elsa Triolet en action, au travail. Le choix d'une bichromie très contrastée renforce surtout l'expressionnisme du dessin des architectes peut-être un peu au détriment de la vie et des surprises des successions d'espaces. L'usage passe un peu en arrière plan des images. Mais quelle belle édition ! Que c'est beau ce travail ! Là encore on regrette que les photographes ne nous donnent pas l'occasion par un texte de comprendre leurs objectifs dans le lieux, leur désir d'images et comment ils ont travaillé avec les architectes. On ne peut que se reporter à l'implacable beauté des formes. Certainement aussi que, déjà au début des années 90, il pouvait être difficile de faire des photographies animées par les adolescents sans autorisation. Qui sait...

Reste que cet album est magnifique (comme tous les autres) et que c'est une chance d'avoir ainsi cette collection de constructions dont les mythiques H.L.M de Bernard Saillol à Montignac. Qui (un étudiant en archi ?) pour nous raconter cette aventure éditoriale ?

Enfin, je dirai que l'un de mes bâtiments préférés de Messieurs de la Noue et Porro c'est sans doute la caserne des C.R.S de Velizy. Un monstre expressif ! Une mante-religieuse ! Absolument génial !
















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