L'effet de masse de mes classeurs où sont rangées les églises modernes et contemporaines me permet d'avoir une appétence pour une certaine école, une certaine typologie de l'Art Sacré du Vingtième Siècle.
On sait que ces églises dans cette période ont eu le droit à toutes les formes et toutes les écoles possibles : du béton rationaliste d'un Auguste Perret, de la fantaisie lyrique d'un Le Corbusier, ou du génie constructif d'un Gillet, la multitude des formes et des écritures est à son comble. Mais il y a donc aussi une école d'une écriture plus modeste, plus paysanne, plus historiciste voulant concilier la Modernité à une tradition, une volonté de modestie un peu revancharde qui, à force de vouloir jouer la carte de l'effacement, hurle un peu trop ce désir de tradition pour ne pas dire de réaction.
Il n'y a peut-être pas pire que cette modestie face à l'Histoire, modestie qui voudrait surjouer sa disparition, une architecture d'églises un peu taiseuses, églises un peu rudes, revêches se refusant un peu ostensiblement aux gesticulations modernistes ( et à Vatican 2 ?) ce que par ailleurs, à la vue de certaines expériences, on peut comprendre. Faire la messe dans un bunker est certes l'une des plus belles et subversives idées mais n'est pas forcément une expérience qui est nécessaire à tous et toutes.
Suivez mon regard à l'oblique...
Alors je tente un rapprochement qui je l'espère sera bien compris non comme une vérité mais bien plus comme une certaine sensibilité à cette écriture. Maurice Novarina est sans aucun doute le chef de file de ce genre. Et quelle chance de le revoir, puisque je dois justement ranger ces deux cartes postales de l'église Notre-Dame-des-Alpes à le Fayet.
Cette très belle carte postale des éditions Yvon est imprimée en héliogravure certainement pour l'économie de son édition, la carte postale servant à envoyer un don à l'Abbé Domenget. On note que la carte nous donne quelques précisions architecturales qui semblent importantes à donner aux visiteurs : perron entouré de jardinière, immense toit d'une seule tenue descendant très bas et recouvert de tuiles vieillies, claustra de 10m2 d'ouvertures, clocher en forme de cheminée de chalet savoyard. Oui !
On devine facilement que tous ces détails tentent bien de montrer que l'église hésite entre sa modernité et des signes de la tradition, on dirait aujourd'hui son intégration ou mieux sa...contextualisation...Par contre, le nom de Maurice Novarina comme architecte est absent...L'ensemble est massif, volontairement très ancré dans le sol, la pierre apportant à l'oeil ce sentiment de solidité, de construction faite pour durer, une permanence qui devra traverser le temps des Hommes. On pourrait presque la croire fortifiée, le rapport entre les surfaces et les ouvertures ne laisse que peu de place à un accueil généreux même si les deux cylindres de l'entrée font croire à un geste d'ouverture.
Cette autre carte postale nous montre que l'église joue avec son terrain en pente. Là encore, tout respire la massivité et la couleur ne permet pas de relativiser ce sentiment, au contraire même. C'est quand même un rien raide. Aujourd'hui, une visite sur Google Maps nous fait comprendre que l'église est littéralement encaissée, enchâssée dans un creux très peu amène à nous laisser rêver à un quelque élan que ce soit. Au contraire, l'église est comme tapie dans son trou. C'est assez triste...ou, au contraire, à l'image de ce désir d'indifférence au Monde. Cette carte postale C.A.P nomme bien l'architecte Novarina mais pas son photographe. La carte fut expédiée en 1964 avec le beau timbre de Jean Cocteau.
Vous ne lui trouvez pas un petit air de famille ? Cette fois, nous sommes en Bretagne à Vannes-Trussac dans le Morbihan devant l'église Notre-Dame de Lourdes par l'architecte Meyer qui est bien nommé sur cette belle carte postale coloriée Artaud. On retrouve ce sentiment de rigueur, d'âpreté que la pierre massivement utilisée renforce. J'adore ça ! Ça se refuse un peu, ça ne veut pas tout donner de suite ! Car les images de l'intérieur sont assez spectaculaires surtout pour ce qui est du traitement superbe de sa charpente. Rien ne doit être plus étonnant que le contraste entre le dehors et le dedans au moment du passage du porche. On a l'impression que le toit sous son poids a enfoncé les murs dans le sol. Toute la place est donnée au toit et au jeu des tuiles. Est-ce que la Bretagne et la Montagne se retrouveraient sur le terrain d'une certaine rigueur de la Foi ? Est-ce que Meyer connaissait les églises de son camarade Novarina ? Sans aucun doute...
Cette autre carte postale, Combier cette fois, nous permet de mieux apprécier les proportions de l'église et donc la place gigantesque accordée au toit devenu l'épiderme essentiel de la construction. Notez à nouveau le beau jeu des tuiles agissant comme des pixels éparpillés. Les huisseries des portes en bois massif et appliques de métal forgé ne laissent aucun doute sur le désir d'historicité du lieu. Il faut sans aucun doute que l'église Notre-Dame de Lourdes donne immédiatement à l'oeil son sentiment de solidité. J'aime beaucoup ce dessin très épuré, très radical, un peu générique et sans fioritures dont le seul agrément est la lumière qui fait friser les ombres des pierres qui s'opposent au lisse des tuiles faisant image. On sent sous la main le grain des blocs de pierre. C'est une déclaration claire et un peu appuyée d'un désir d'appartenir à une histoire du granit.
Beaucoup plus modeste, voici donc La Chapelle de la Toussuire en Savoie. l'architecte est nommé sur cette carte postale Combier, il s'agit de Mr Toulouse, architecte à St-Jean-de-Maurienne.
Quel objet modeste ! Quelle plaisir de voir sur un si petit projet cette envie tout de même de faire signe, de porter à la fois un élan et un abri, presque une cabane, un refuge. Le pignon et le petit campanile en pierres brutes font tout le travail de sa radicalité, on devine à l'arrière un travail de parpaings ou de béton. Cette Chapelle est donc un lieu et un signe. D'ailleurs, maintenant, elle s'appelle Notre-Dame du...ski !
Vous trouverez ici des images de son intérieur et les amateurs de design devraient en aimer les chaises...
Il s'agit donc bien d'un lieu d'accueil dont la modestie de son architecture correspond parfaitement au désir d'abord d'une altérité, d'un lieu simple mais chaleureux de repos et de recueillement. En ce sens, son architecture remplit son rôle et c'est très bien comme ça.
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