Il n'est plus tellement de bon ton aujourd'hui d'aimer les grattes-ciels, les tours immenses qui se dressent. On sait comment chez nous, plus la Tour est isolée, plus elle est dressée, plus elle est perçue comme une arrogance. Il ne faut jamais rêvé du Mont Parnasse en architecture.
Ces tours deviennent des objets de dégouts politiques, vus comme des agressions, des stupidités architecturales, des aberrations écologiques ou même, dénoncés en terme de sécurité. Il faut dire que le cinéma n'a pas arrangé les choses, on dirait que toutes les tours sont devenues infernales. Et n'oublions pas l'histoire récente et la disparition tragique du World Trade Center qui a donné des raisons aux détracteurs de détester les signes d'un capitalisme triomphant (comme ils disent) fait de verre et d'acier.
Pourtant il y a et il y a eu des génie de ce genre, des spécialistes, des amoureux de cette puissance et qui porteront ce désir jusqu'à l'acte poétique suprême: celui qui associe une structure et un ciel.
Ce matin, sur le vide-grenier je trouve cette superbe carte postale, cette déclaration d'amour :
La carte postale de Boston nous montre l'un des chefs-d'œuvres de l'architecture du XXème siècle, la John Hancock Tower dessinée par le célèbre Henry Cobb, grand maitre en tours dressées.
Et Fred Jellison Jr le photographe de cette carte postale sait y faire pour que la tour de Cobb semble ainsi imposer sa silhouette, renoncer au monde qui l'entoure. Fred Jellison Jr a remarquablement redressé les fuyantes pour que la verticalité assourdissante de l'objet architectural épuise le tapis urbain fait de bâtiments anciens. Il est impossible de ne pas se demander pourquoi cette tour est seule, si haute sans que personne ne semble rien à avoir à redire...
Bien entendu, ici ce que l'on perçoit surtout c'est comment cette John Hancock Tower prend le ciel en otage, comment le bleu devient son objet. On pourrait penser que cet accord est naturel finalement, que le ciel et le verre sont liés à jamais dans un dialogue, dans des échos.
Il va sans dire que cela me réjouit et que j'aime glisser sans remord dans le piège de cette représentation de l'architecture. On pourrait y voir (comme tout le monde) le surgissement métaphysique d'un parallélépipède. Kubrick nous a donné des raisons de ce genre de rapprochement. On pourrait la penser comme abstraite, comme indifférente à son monde, cette tour, comme perdue, comme un talon aiguille planté dans la chaire de la ville. Et ce serait avec raison. Mais si on s'autorise à ne juger cette architecture que depuis cette image, alors il nous est impossible de penser ce ciel de Boston sans la John Hancock Tower. C'est bien elle qui justifie que le photographe nous fasse croire que la ville serait écrasée par un ciel immense qui n'existe en fait que pour y faire entrer la tour dans son cadre. Elle agit comme une liaison, une échelle, elle tape autant dans le sol que dans le ciel.
D'ailleurs il serait bien malin celui qui d'après une telle photographie pourrait dessiner la tour, nous la décrire. Comment pourrait-on en comprendre la forme générale, ses proportions. Ici, elle éprouve donc surtout son rapport à l'espace céleste bien plus qu'à l'espace urbain. Et le verre de sa façade lisse fait tout le travail de son improbable insertion dans l'atmosphère. Mais qu'importe la vérité du constat ou bien le désir d'objectivité. Il y a là une image. Et cette image est construite autant par l'architecture de Cobb jouant avec Boston que par le photographe. Qui se met au service de l'autre ? Qui construit réellement ce lieu que j'ai sous les yeux ? Car il va de soi que Henry Cobb architecte n'a pas que produit qu'une représentation possible, il a aussi le génie des altitudes. Il sait que la puissance qu'il met en place ne veut pas réclamer seulement une force, une radicalité. Il fonde surtout un rapport poétique entre deux mondes. L'éther n'avait rien réclamé diront les détracteurs. En sont-ils vraiment certains ?
Pour apprendre plein de choses sur la vie de Henry Cobb :
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