samedi 17 septembre 2022

Journées Européennes du Patrimoine durable

Non non Madame Abdul-Malak, nous n'oublierons pas votre nom parce qu'il nous serait trop difficile à prononcer. D'ailleurs le fait que vous affirmiez cela résonne de deux manières. Cet oubli vous permettrait de vous croire dégagée de votre action et, en même temps cela vous permet de faire vibrer ce qui en serait sa particularité. Vous vous placez donc déjà comme une victime de cet oubli. Formidable manière de ce dégager des responsabilités qui vous incombent. Nous n'oublierons pas votre nom Madame la Ministre de la Culture parce que nous n'oublierons pas votre action, ou, peut-être, votre inaction.

La situation du Patrimoine en France, en ces Journées Européennes du Patrimoine, ne doit pas être oubliée non plus et l'écran de fumée annuel de cette manifestation communicationnelle se disperse rapidement si on regarde bien ce qui se passe. Et ni la thématique idéologique de cette année et encore moins la popularité de cette manifestation ne peuvent malheureusement changer ce bilan dont, à votre décharge, vous êtes aussi l'héritière de plusieurs années de total abandon par vos institutions (et la manière dont elles sont structurées, cette émission est particulièrement éclairante de son aristocratie...https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/jean-francois-et-xavier-lagneau-architectes-fous-d-histoire-7504184?fbclid=IwAR0K2zyXjh6BT_dn0Ge0iqbc2uLAA80PAQi28PDNd5I50-iY_qZ7H0lVSkg)

Que cette année la thématique de la durabilité du Patrimoine fut choisie en est même certainement la preuve supplémentaire. De fait, le Patrimoine c'est ce qui reste, ce qui dure comme signe d'un temps et d'une pensée passée. Il n'est pas possible alors, dans l'intégrité de cette pensée de vouloir la changer au nom d'une adaptation au temps présent. Qui demande aux fortifications de Vauban d'être encore efficaces à notre Défense Nationale ?
Ce choix thématique est donc bien une instrumentalisation politique du Patrimoine et non un désir de sauvegarde ou la ligne directrice de votre politique.

Et il est maintenant de bon ton de nier l'état d'exceptionnalité du Patrimoine (surtout quand il est moderne et contemporain), de toujours vouloir le réadapter comme si ce Patrimoine était un handicapé se refusant à l'ordre de l'efficience libéral. Il faut que le Patrimoine serve, qu'il serve le tourisme, la politique culturelle, les nuitées d'hôtel, les aberrantes et kitchs animations ridicules de ce Patrimoine allant de l'histoire vue au travers du Puy du Fou (folie en effet) à l'éclairage ignoble et à la projection d'images sur le moindre mur de pierre dont le silence de son histoire est nié par la fanfaronnade des jeux de lumières. Immonde. Et la foule ébahie applaudit le spectacle de son propre vide poétique face au monde.
On ne l'éduque plus à ce silence, on la dresse à consommer l'événement, on la biberonne au spectacle performatif. Et on couvre avec tendresse les murs d'un Street Art ayant perdu sa belle sauvagerie au profit d'une reconnaissance polie et institutionnelle. Vaut mieux les tenir comme ça, par la naissance d'un nouvel académisme policé.

Alors, je fais grève de ces Journées, je n'irai nulle part, je n'irai rien voir de ce spectacle affligeant de l'état de ruine de notre culture. La culture ça ne vient pas des bureaux de votre Ministère Madame la Ministre, ce n'est pas vos collaborateurs européens qui la décident.  Le New Bauhaus de Madame Von der Leyen est d'un comique...

La Culture ça émane. 

Ça émane des profondeurs. Mais faut-il qu'il reste quelque part des zones obscures.

Et vous ne faites rien pour défendre ce Patrimoine, celui-là même qu'usent vos concitoyens, celui qu'ils habitent vraiment. Et même, votre Ministère l'éradique au nom des accointances politiques, au nom de ce que certains nommeront un pragmatisme de l'urgence écologique. Nos paysages n'ont pas fini d'être détruits, enlaidis au nom de cette nouvelle raison et vous ne ferez rien pour frapper de votre tampon ministérielle l'exceptionnalité de ces constructions. Il y a, paraît-il, urgence... C'est l'ordre nouveau du marché libéral, celui des emplois à venir dans l'éradication momentanée, instantanée qui réduiront l'héritage patrimonial à son seul score énergétique. Voilà la vraie politique à venir de la Culture en France. On en est même à penser qu'il vaut mieux ne pas exposer des œuvres, que l'on peut s'en passer... Ridicule. (voir les dernières déclarations de Julie Narbey)
Finalement, plions les constructions et leur particularités à cette pensée démagogique vous permettant de croire que vous agissez au nom de tous alors que vous tentez de faire des signes à un électorat qui vous manque. Sandrine Rousseau n'en a rien à foutre Madame de votre signe à son égard, elle ne croit qu'au Matrimoine. Demandons maintenant, avant d'y pénétrer, le sexe d'un bâtiment, le genre de sa présence. Pensez-y Madame la Ministre pour l'année prochaine. Pensez que vous pourriez bien, avec vos collaborateur-e-trices (je ne sais plus) faire des Journées Européennes du Patrimoine genrées en 2023. Et comme il ne faut rien qualifier trop rapidement par le genre pour laisser à chacun sa fluidité, je vous propose qu'une année sur deux on nomme ces Journées par trop féminines, des Jours Européens plus masculins. Chacun son tour, Madame.

Voilà aussi un paysage, voilà aussi ce qui a construit nos villes, nos paysages, voilà de quoi aussi, nous, français, françaises sommes faits, voilà aussi ce qu'il faut penser comme patrimoine, voilà donc les espaces qui ont construit la France. Éduquez ceux qui l'ignorent parce qu'il n'y ont jamais vécu, travaillez avec ceux qui y vivent la culture de leur histoire. Et abandonnez l'aristocratie du Patrimoine, bouleversez-la, transformez une bonne fois pour toute la mécanique des institutions de Patrimonialisation de votre Ministère.
Il est temps. Il est sans doute même trop tard.

Ceci n'est qu'un exemple, Madame Abdul-Malak.
Dijon, Tours Mansard et Gabriel, édition P.M.









1 commentaire:

  1. Pour la troisième année consécutive, j’ai participé aux Journées du Patrimoine à Port Gruissan en animant un parcours d’environ 1h45 en déambulant sur la rive droite du port de cette station dite ’Racine’… J’ai débuté par la place centrale en démontrant à mes participants, plan à l’appui, le travail de conception de l’urbaniste architecte de la station qui s’est appuyé sur le Modulor… cette conception qui prend appui aussi sur les trois cours… l’animation artistique par les sculptures de Shamaï Haber… puis en détaillant les façades… ensuite en les ‘obligeant’ à regarder, à analyser, à détailler ce qui s’offrait à leurs regards… La première année j’avais scruté la rive gauche moins spectaculaire pour l’architecture mais beaucoup plus urbaine, plus amène par la succession des placettes, des changements de rythmes au long des bassins portuaires pour enfin atteindre une plage. Peut-être l’année prochaine je reprendrai cette rive… En l’espace de trois ans j’ai remarqué une évolution certaine sur l’intérêt porté à ces lieux… Un dialogue s’est instauré entre celui qui sait un peu et ceux qui partagent un moment particulier d’une rencontre avec l’espace urbain…

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