Ce genre de cartes postales est rare. Je veux dire ce genre de point de vue.
Nous pourrions quasiment toutes les semaines présenter des cartes postales de Marina Baie des Anges à Villeneuve-Loubet, néanmoins il est difficile de regarder le monde depuis l'architecture au lieu de regarder l'architecture.
En effet, c'est une position de l'image qui est toujours à opposer à celle convenue de l'architecture regardée. Il en va ainsi pour les résidences luxueuses s'étalant sur la plage comme des immeubles de logements sociaux en banlieue. Pourtant, si parfois nous pouvions voir le paysage donné par ces immeubles, nous serions sans doute moins durs et rapides à les juger.
Véritables machines à voir, les tours, les barres décriées ont parfois depuis l'habitat des qualités d'ouverture, sont des promontoires sur le monde, des viseurs superbes.
La vue depuis la fenêtre vaut bien la vue du piéton au sol soit-disant perdu dans les vues perspectives autoritaires. Et comme l'imbécile qui regarde le doigt au lieu de regarder la lune, il y a ceux qui croient que voir d'en haut c'est voir avec violence, c'est forcément dominer, c'est forcément autoritaire.
Mais voilà, on aime tous monter dans les étages, ouvrir une fenêtre et, sans vis-à-vis, voir le monde. Mon collègue Didier Cornille qui habite en hauteur me fit un jour cette réflexion que, du haut de son habitat parisien, il pouvait embrasser deux millions de personnes. Il est gourmand et je ne le crois pas épouvantable dictateur ! N'est-ce pas Didier ?
Je me souviens des Oh! et des Ah! des étudiants récalcitrants au Hard French de la belle barre Le Couteur au Mans lorsqu'enfin, depuis ses fenêtres nous pouvions admirer la Sarthe et le paysage dégagé.
Cette perception est pourtant rare en carte postale alors même qu'elle est celle qui justifie parfois, comme ici au bord de mer, le type de construction et l'étalement des balcons, l'emmarchement des gradins. Faire voir le monde à l'horizon infini. On est certain que lors de la visite de l'appartement à Marina Baie des Anges, la première qualité vantée et vendue est bien "la vue".
Pourquoi donc si peu la représenter ?
Ouvrir la fenêtre c'est toujours avoir fait usage de l'architecture. Le photographe des éditions Combier venu là, dans cet appartement a dû garer sa voiture (comment ?) trouver l'entrée (comment est-elle signalée ?) pénétrer dans le bâtiment (comment le corps perçoit ce passage ?) monter dans les étages (de quoi est faite cette promenade ?) passer du domaine commun au domaine privé (comment cela est ressenti ?) arpenter l'appartement vers la lumière (comment est-elle distribuée ?) puis enfin revoir le monde. Tout cela constitue une expérience de l'architecture qui étrangement, au moment même où elle se constitue aboutit à ce que l'on mette l'architecture dans son dos pour ne garder d'elle que cette vue imprenable. Elle se nie au moment même où elle se justifie.
Alors on ne saura jamais sans doute comment le photographe de cette carte postale a choisi son point de vue, quelle familiarité il avait avec les propriétaires de cet appartement, quelle fut la discussion au moment de cette prise de vue. Mais, une fois encore, l'air de rien, l'air du large, la carte postale nous démontre bien qu'elle peut dans la manière où elle nous raconte une image nous raconter aussi l'architecture.
Merci à Laurent Patart pour cette donation.
La carte postale est donc une édition Combier, sans nom de photographe, mais qui nomme l'architecte Minangoy mais pas Michel Marot. La carte fut expédiée en 1978.
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