mercredi 24 septembre 2014

Karavan et les chiens du désert

Dans l'histoire de la sculpture, il nous arrive parfois de croire que certaines œuvres, bien que fondées sur des raisons extrêmement éloignées de nous, puissent avoir été construites pour répondre à nos propres désirs.
Nous avons déjà sur ce blog évoqué un sculpteur que le Comité de Vigilance Brutaliste commence a considérer comme l'un de ses aînés : Dani Karavan.
Je vais vous montrer aujourd'hui l'une de ses œuvres qui, à elle seule, pourrait être un monument à nos désirs : le Monument de la Brigade Negev à Beer-Sheba (Beer-Sheva) en Israël.
Je dois avouer que j'ai cherché en vain pendant longtemps une carte postale représentant cette sculpture, cette architecture, ce jardin de béton perdu dans le sable, certain qu'il devait bien y en avoir une. La voici :







La carte postale étrangement en position verticale place le Monument de la Brigade Negev dans le bas de la photographie prise d'avion. Ainsi, le Monument apparaît comme, au choix : une oasis, ou des ruines archéologiques étranges dégagées du sable. On ne peut en voyant cette œuvre que penser au projet de Claude Parent pour le monument à Yves Klein, à l'observatoire astronomique en Inde ou au travail des aires de jeux de Pierre Székely. Des courbes, des formes géométriques pures, des ouvertures dans des blocs, génèrent un paysage abstrait dont rien ne permet de lire directement les origines, mais laissent un sentiment de connivences formelles allant de la centrale nucléaire, de l'usine de béton, jusqu'à un objet extraterrestre. On sent une fonction, on espère une symbolique que seule sans doute la dénomination de la pièce permet de saisir et de décrypter. C'est bien cette distance abstraite qui permet de se l'approprier. On notera que l'éditeur Palphot ne nous donne aucune information et ne nomme même pas l'auteur Dani Karavan. La carte postale fut expédiée en 1982 vers la Roumanie...
Il ne fait aucun doute que le Comité de Vigilance Brutaliste ira à Beer-Sheva parcourir cette île de béton.
Il me faut donc pour avoir des informations aller vers mes archives. Je trouve dans Architecture d'Aujourd'hui de 1970 un article complet !
On remarquera que l'article insiste sur le fait que l'on peut arpenter la sculpture en tous sens comme un paysage et nous livre également l'histoire et la symbolique de ce Monument aux Morts de la brigade Negev. On remarque aussi que le point de vue nous permet de replacer ce Monument dans une proximité de la ville soudain bien plus présente !














L'œuvre de Dani Karavan et de Abraham Karavan fut réalisée avec l'aide d'Oscar Sirkovitche entre 1965 et 1968. Dans l'excellent le béton dans l'art contemporain de Marcel Joray on retrouve ce monument :





Mais le plus surprenant sans doute, c'est qu'on peut faire la visite de ce Monument depuis Google Earth ! La Google Car ayant pris le chemin sablonneux qui mène à la sculpture de Dani Karavan, on a la sensation de la chaleur, du bruit du moteur. Et là, seuls, perdus au pied de la construction, attendant les visiteurs pour une maigre et improbable pitance, nous regardent les chiens du désert. Nous irons à Negev.









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