mercredi 20 novembre 2013

Bibliothèque Nationale de France à l'objectif

Je tiens Dominique Perrault comme l'un de nos plus grands architectes. Je crois bien que cet avis qui est bien commun vous devez être nombreux à vous dire qu'il n'a que peu d'importance.
Mais je tenais à le dire.
Disons que, dans sa production j'aime surtout beaucoup l'université féminine Ewha en Corée et la Bibliothèque Nationale de France, site Mitterrand. Comme je n'ai pas reçu de cartes postales de la première, je vous parle de la seconde puisque Claude qui fréquente beaucoup ce lieu en ce moment pour ses recherches sur la Perspective m'a fait le plaisir de m'en expédier deux.
La première :



Bien rangés, les plans successifs de l'image tendent bien à une frontalité mettant en opposition la grille géométrique de la façade de la BNF et le jardin. Surtout d'ailleurs le réseau de branchage qui vient sur l'exacte moitié de l'image prendre l'architecture en otage. Vert, bleu, vert, bleu, vert puis blanc puis verticale de zinc des arbres et derrière légèrement dorée la BNF qui finalement prend très peu de place dans cette photographie de Stéphane Couturier qui est un vrai amoureux pourtant de l'architecture. Je ne sais pas bien ce que son recul face à l'objet tente de servir ici. Installer l'architecture dans la nature ? Faire croire que la BNF est perdue dans des jardins ? L'image est extrêmement adoucie comme sous un filtre qui en éteint un peu les teintes et fait monter une pâleur tendre. Le bleu des muscari est sans doute trop en avant, comme exagéré, retouché. La carte postale date tout de même de 1998 soit déjà 15 ans ! Nous aurions préféré de la part de Stéphane Couturier l'une de ses très belles compositions plus frontale plus franche plus directe comme il a su si souvent en faire de très belles. Ici, l'œuvre de Perrault semble bien peu aimée ou comme de loin, comme une amie de la famille un peu gênante...
Plus proche :



Cette fois, serrée dans le cadre, immense à sa surface mais toujours à l'arrière plan, la BNF est cadrée par Alain Goustard qui s'amuse violemment du collage entre l'architecture de Monsieur Perrault et le Pont de Bercy. On ne sait pas qui s'en tire le mieux de ce duel architectural, de ce jeu opposant le Vieux Paris à celui plus contemporain. Là encore, un peu dans une brume de fond d'image, la BNF tente de se montrer dans toute sa rigueur. Et rien de son vide intérieur, rien de ce qui fait son sens architectural, la création d'un espace, n'est visible ici. Elle semble au contraire vouloir boucher l'horizon, fermer l'espace. Et si l'image est bien composée, équilibrée jusqu'au détail du contrepoint des deux piétons offrant à l'image un point coloré rouge vif, la BNF ne me semble pas à son avantage. Claude et son œil averti m'indique au verso de la carte : "téléobjectif !"
C'est bien cela. La mécanique puissante de l'optique fait venir tout contre l'une de l'autre les deux architectures, referme les vides de la ville et forme une surface plane et serrée qui, si elle donne à voir cette opposition superbe et plastique, ne permet pas de jubiler et d'aimer la belle architecture de Monsieur Perrault.
Pourquoi donc, dans ces deux photographies, ces deux cartes postales, aucun des deux photographes n'a choisi de prendre de face, en pleine poire l'architecture de la BNF ?
Finalement, est-ce que l'invention d'un vide superbe par un architecte ne serait pas photogénique ? Ne peut-on prendre en photo le vide ?
Merci Claude.
Et nul doute que ce soir, au Café Perdu, lors de ta conférence, tu nous donneras une explication plus juste et plus éclairée du fonctionnement des images, de leur espace et de cette merveilleuse découverte qu'est la Perspective, cette amie, cette alliée des images.



1 commentaire:

  1. Loin, oui. De l'autre côté de la Seine invisible sur la première carte postale, puisque le jardin du premier plan est celui de Bercy.

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