samedi 28 novembre 2015

C'est l'heure exquise

 
















Absolument vouée au gris.
La barre tourne un rien, mollement, gentiment, comme pour faire semblant d'être une œuvre, de rompre avec le rectiligne chemin de grue à moins que la grue ait glissé sur une plaque de verglas.
On ne sait.
J'ai cherché qui était l'architecte en vain. Nous sommes à Aulnay-sous-Bois devant la cité du Pont David, rue Jules Princet. J'ai cru y retrouver la cité Emmaüs de l'ATBAT mais non, rapidement cela déçoit un peu.

Pourtant les détails sont beaux, la grille est bien dessinée. Les grandes baies rapprochées sans balcon sont découpées dans un carré offrant une fenêtre haute et une en bandeau comme pour marier Le Corbusier et Perret. On note l'absence de balcon. Pourtant, aussi, un parc se donne à voir. Puis suit une alternance de minuscules ouvertures percées, deux en haut, une en bas. Cage d'escaliers ?
Je ne sais.
Le photographe des éditions CAP a attendu le vide. Il a attendu l'heure exquise. Celle qui vide l'architecture de ses utilisateurs. A-t-il vraiment attendu ? A-t-il fait simplement le constat d'une non-utilisation de ce parc par les habitants ? On notera d'ailleurs que ce parc est réduit à une prairie coupée ras comme celle du jeune militaire entrant à la caserne. Ça fait froid autour des oreilles mais c'est facile à entretenir et ça tient mieux le béret.
À gauche un arbre réussit un peu à placer ses feuilles et à droite lui répond une autre barre venant clore l'image.
On la retrouve ici, sur cette autre carte postale :



















De même vouée au gris, la carte postale CAP fait la démonstration parfaite d'un romantisme sombre comme une peinture de Poussin reprise au lavis par Victor Hugo.
Ici, c'est Hugo qui gagne car, étrangement, un grain épais vient couvrir une partie de la photographie. Difficile d'en déterminer la cause. On note aussi un peu de retouche, l'image semble comme nettoyée, poncée surtout pour son sol.
Est-ce la présence d'une petite fille qui cause cette perturbation de l'image ?
Comme souvent les enfants sur les cartes postales des cités et du Hard French, cette fillette trouve une distance entre elle et le photographe. Être là mais ne pas être le tout de l'image. Il faut lui garder une neutralité tout en l'animant, ne pas faire un portrait mais signaler une présence.
Toujours tenter d'entendre le dialogue entre le photographe et l'enfant :
 - Oui, si tu veux, mets-toi là mais pas trop près. Voilà, ne bouge pas, ne t'approche pas. Oui oui tu seras sur la photo avec ton chat.
Reprendre sa voiture, développer les films, les retoucher un peu, les éditer en cartes postales et finalement, pour les restes des jours, des années, dans un grain gris, maintenir l'enfance à jamais.
C'est l'heure exquise.









2 commentaires:

  1. LECLERCQ URBANISTE28 novembre 2015 à 22:59

    Précision sur la dénomination : ensemble de logements HLM
    Destination successive et actuelle : logements sociaux

    Commune : Aulnay-sous-Bois
    Adresse(s) : rues Jacques Duclos, CHarles Gouppy, Camille Pelletan ; rue du Pont David ; rues du 8 Mai et des Hêtres


    Organisme : Service du patrimoine culturel de la Seine-Saint-Denis
    Type d'étude : étude thématique logement social ; étude plu


    Qualification de la datation : campagne(s) de construction
    Date de construction : 1956-1960


    Auteur(s) : Herbé Paul et Le Couteur Jean architectes
    Description : Dès la création de l'OPHLM de la ville, en janvier 1950, la priorité est donnée à la coordination d'un "ensemble d’opérations prévues au plan d’aménagement de la ville pour arriver à remodeler les périmètres intéressés, remodélation basée et appuyée à la fois sur la démolition d’îlots insalubres et la reconstruction d’immeubles d’habitations collectives". Le vice-président de l’Office, le docteur Marty, connaît bien le ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU). Cette proximité apporte à l’Office les compétences de Paul Herbé, architecte reconnu et proche du ministre. En décembre 1951, le MRU nomme Herbé architecte en chef de l’opération inscrite dans le programme national du "Secteur Industrialisé" : elle devient ainsi un chantier expérimental où sont testées de nouvelles techniques de préfabrication pour favoriser l’industrialisation du bâtiment. Ce dispositif encourage également le regroupement des besoins de plusieurs opérations afin d’obtenir une baisse du coût des matériaux ou des prestations. Cette réalisation constitue une vraie opportunité de développement pour l’Office public d’HLM en le dotant rapidement d’un important parc de logements, comme à Aubervilliers, Pantin et bientôt Bondy, également partie prenante de ce programme national. Cependant les retards s'accumulent. Ils sont dûs, pour une grande part, à l’OPHLM mais aussi au MRU qui se désintéresse du programme du secteur industrialisé depuis le départ du ministre qui l'a créé, fin 1952.
    Il faut attendre l’année 1956 pour voir débuter le chantier des 600 logements du secteur industrialisé, atomisée en plusieurs opérations correspondant aux secteurs en rénovation urbaine (Vieux pays, Pelletan, Gainville). Pour cette première tranche, Herbé et son associé Jean Le Couteur privilégient les
    « immeubles minces dans les parcelles étroites ». Ils alternent ainsi tour (R+9), barres courbes et barres simples (R+5). Toutefois, dès cette période, et c’est là le principe clef du secteur industrialisé, ces choix architecturaux et urbains sont également valables pour l’opération équivalente et contemporaine menée à Villeneuve-la-Garenne par Herbé et Le Couteur. C’est, semble-t-il, le directeur de la Construction qui leur impose la pierre de Saint-Waast pour le gros-œuvre, choix qui s’avère très rapidement peu pertinent puisque, poreuse, la pierre exige un enduit non prévu. Malgré ce défaut conséquent qui augmente les griefs de l’OPHLM à l’égard des architectes, du bureau d’études techniques et du ministère, la seconde tranche de 556 logements (Pont David et Ambourget / Croix Nobillon) est reconduite afin de continuer à bénéficier des prix de 1955. L'ensemble est achevé en 1958 (1ère tranche) et en 1960 (2nde tranche).
    Fortement modifiés pour assurer l'étanchéité des façades mais sans volonté de respecter l'architecture d'origine, ces ensembles y ont beaucoup perdu.
    Techniques et architecture, n° 2, septembre 1955
    "Archives Jean Le Couteur", Colonnes, IFA, n°12, octobre 1998
    Noémie Lesquins, Jean Le Couteur, architecte des Trente glorieuses, école des Chartes, 4 t., 1998
    Archives de l'OPHLM
    AM, 1 W 915











































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  2. Merci Daniel ! Je sentais bien quelque chose mais retrouver ainsi Le Couteur c'est étonnant. On devine bien le changement de la façade sur les photos actuelles et cette pierre en façade m'étonnait un peu, elle est bien visible sur les cartes postales. Merci pour toutes ses infos !

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