À la piscine de Mortagne, posées sur la serviette blanche, Sandrine et Manuela regardent les garçons et s'ennuient un peu.
Celui-là est pas mal mais vraiment il est trop débile à emmerder les petits.
Oh et celui-là, il a un trop petit cul.
Manuela et Sandrine sont venues là parce que Jean-Luc leur a dit ce matin au lycée qu'Arnaud viendrait là après sa partie de foot.
Arnaud... Arnaud... Arnaud... n'arrête pas de dire dans un souffle Sandrine ce qui fait rire Manuela. Il ne viendra pas, il ne viendra pas lui répète alors Manuela.
Arnaud, c'est le maître-nageur. Il est à peine plus vieux qu'elles, il a 19 ans. Il surgit enfin au fond de la piscine. Il est parfait. Sauf un détail qui a toujours un peu refroidi Sandrine, il a une légère déformation du gros orteil gauche que les filles ne s'expliquent pas. Pourtant quand il passe devant elles, alors qu'elles font semblant de bronzer sur le béton lavé, elles posent immédiatement leurs yeux sur ce détail bien évidemment, sans oublier d'en regarder d'autres plus importants, et de s'interroger sur la migration possible de cette déformation.
Arnaud n'en sait rien. Du moins, il réussit bien à garder son sérieux nécessaire à sa fonction. Et lui, bien sûr, préfère des garçons du même âge que lui comme Martial.
Martial, il fait du foot avec lui.
Alors il faut beaucoup de persuasion à Manuela pour dire à Sandrine que de toute manière, il n'y a rien à attendre d'un garçon comme ça. Sandrine ne veut pas la croire. Mais si. Pourquoi les beaux garçons sont toujours pris ou toujours des types impossibles ?
Les deux filles se mettent à pouffer de rire en voyant José qui les fixe d'une manière étrange. José, il vient à la piscine depuis peu, il vient d'arriver à Mortagne. Avant, il habitait à Chauvigny et ses parents ont déménagé. À Chauvigny, il y avait aussi une piscine comme ça et des filles comme ça. Bien faites mais connes comme des poules se disait José.
Pourtant, il regardait les filles. Sandrine glisse quelque chose à l'oreille de Manuela qui éclate d'un rire qui résonne sur la structure métallique de la piscine. Pile-poil, voilà que Arnaud passe devant elles. Arnaud rejoint José. Ils se parlent, Arnaud montre des mouvements de natation à José et les deux filles ne peuvent entendre leur conversation. Cette frustration fait redescendre les deux filles et met Sandrine dans une jalousie épouvantable. Elle décide de rentrer même si, comme lui fait remarquer Manuela, elles ne se sont même pas baignées.
José reviendra. Il est revenu. José fait du foot aussi. Décidément, il voit souvent Arnaud depuis peu.
Par ordre d'apparition :
Mortagne, piscine couverte et chauffée, éditions Dubray, Cliché J. Alix,1988.
Chauvigny, piscine, Mr Bernard Schoeller, architecte, éditions Combier,1987.
J'ai vu vos CP à l'expo du Pavillon de l'Arsenal dont celle sur ce thème.
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