Combien, glissant dedans le tube de béton, ont fait tchou-tchou ?
Combien se sont cachés du grand frère, du copain d'école et ont attendu qu'il passe son chemin ?
Combien ont pissé dedans redonnant enfin à l'objet sa véritable nature, un collecteur d'eaux usées ?
Combien se sont cassé un bras, une jambe en sautant du haut du carré rouge ?
Combien ont pris une torgnole en rentrant à la maison parce que le pantalon était déchiré aux genoux ?
Combien ont tenté de sauter depuis le cylindre de béton sur la structure métallique et se la sont prise en plein dans les coucougnettes ?
Combien ont glissé du toboggan normalement et ont essayé de faire de même sur l'arrondi ovale du tube de béton ?
Combien, juchés sur le carré rouge, jambes repliées sous le cul, ont médité sur leur avenir, c'est-à-dire sur demain après-midi ?
Combien ont épluché le cartable dérobé à la sortie de l'école dans l'ombre du ciment sentant l'urine ?
Combien ont amené là le chien du voisin et essayé de le dresser à passer sous le tunnel ?
Combien ont vérifié si la leur était plus grande ou plus petite ?
Combien ont dessiné à la craie des cœurs d'amour avec des prénoms qui n'étaient pas les leurs ?
Combien, devenus adultes, ont reconnu lors d'une mission d'égoutier leur jeu d'enfant ?
Combien ont hurlé dedans, chacun à un bout pour voir si on s'entend ?Combien ont collé leur chewing-gum sur la paroi haute ?
Combien ont cru y trouver un trésor alors qu'il ne s'agissait que d'un fer à béton oublié du chantier ?
Combien ont tenté avec le tricycle du petit frère de rouler à l'intérieur et, merde, le tricycle il est trop large ?
Combien ont dit à leurs parent qu'ils allaient jouer là, alors qu'ils sont partis chez Mickael voir le livre de fesses trouvé dans le bas du placard de la chambre des parents ?
Combien ont aimé fumer leur première cigarette ici, bien cachés alors que la fumée montait et sortait du train de béton pour lui donner enfin, vraiment les allures d'une locomotive ?
Combien ?
Combien sont partis vivre ailleurs, bien loin de Farebersviller, oubliant vite son jardin d'enfants ?
Combien des deux garçons photographiés ici pour les éditions de L'Europe savent qu'à jamais ils servent sur une image à animer du hard-french dont ils ignorent le nom des architectes ?
Tout comme moi.
Je vous dis : tout, tout comme moi.
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