lundi 1 juillet 2024

Le retour de Paul Vimond

 Il est toujours intéressant, au hasard des trouvailles, de retrouver des architectes découverts il y a longtemps et déjà un peu oubliés alors qu'ils ont eu un rôle important dans la construction de la France d'après-guerre. L'histoire de l'architecture aurait donc du mal à imprimer dans nos têtes certains noms, certains travaux, comme si la clarté ou la complexité de son déroulement ne savait pas laisser la place à des personnalités n'ayant pas obtenues une certaines reconnaissances hors des milieux spécialisés.
Paul Vimond est de ceux-là.
Malgré une carrière incroyable et une quantité de réalisations très grande, je n'arrive pas à retenir son nom et il me faut vérifier dans mes archives que j'ai bien déjà parlé de lui, un peu par chance, depuis une carte postale il y a quatre ans.
Et le voilà de retour avec une superbe carte postale dont la qualité de l'espace urbain essaie d'être démontrée comme si le photographe tentait de mettre tous ses atouts sur une même image : on dira un programme.




D'abord la carte postale est dans un état absolument parfait, elle est toute neuve. Il s'agit d'une édition Iris pour la Compagnie des Arts Photographiques (CAP) qui, malheureusement, ne nomme pas son photographe. Pourtant, ce dernier fait tout le travail de compréhension de cet espace nouveau : la Z.U.P de Cherbourg-Octeville. On note que Paul Vimond y est nommé architecte en chef de la zup Cherbourg-Octeville. Et ce qu'on voit est superbe d'espaces ouverts, de netteté, de lumière, de projection dans un paysage. Le photographe cadre en mettant au premier plan la belle grille des immeubles dont la composition est si moderniste et abstraite. Jeu très subtil des ouvertures, des creux et des vides d'une très délicate polychromie jouant ici admirablement avec le ciel. On est en hauteur et le terrain au pied des petits immeubles est travaillé pour faire émerger des niveaux, des pentes permettant de voir l'horizon. On essaie de comprendre si nous ne serions pas à l'ombre d'un immeuble à notre gauche. C'est un promontoire que nous montre le photographe, un espace vide, un balcon sur le monde, on voit bien au fond la gare maritime de Cherbourg et le port et...la mer....
Les enfants jouent dans leur espace si caractéristique de celui du Hard French, terrain de sable, jeu en forme de cocotte en papier géante (un toboggan, le même qu'à Port Leucate !), puis le parking, puis la ville, puis la mer. Une sorte de déclaration de l'urbanisme moderne, une sorte d'application à la lettre de la distribution de ces espaces de la ville nouvelle. Je m'amuse des caravanes aussi parfaitement alignées sur le parking que les immeubles sur leur pente, comme un avant-gout des vacances, un certain sens de l'égalité : vue sur mer, vue sur les immeubles, un entre-deux poétique et populaire. Où pourrions-nous laisser ainsi sa caravane sur un parking en bas des immeubles aujourd'hui ? Où, aujourd'hui, pourrions-nous laisser des enfants si jeunes sans surveillance jouer au pied des immeubles ? Cette limpidité des espaces est bien ce qui a fait la qualité de cette architecture et de cette école du logement social. Une école ayant tenté de faire rapidement et qualitativement aussi de la ville, de la ville certes parfois un peu loin des centres anciens mais offrant tout de même un lieu avec des qualités évidentes, du moins, depuis cette image.
Alors il n'est pas question ici de faire une analyse de comment on a vécu dans cet espoir et cette réalité, ni de juger depuis une représentation les qualités de vie d'un espace, mais, après tout, on peut aussi voir cela non pas comme une propagande éhontée d'un monde parfait (ah la critique des images...) mais bien comme un cadre tout de même documentaire. Il y a, dans tout, du documentaire.
Je laisse aux sociologues parachutés (ils le sont presque toujours) le soin de l'analyse des signes et des témoignages pour compléter cette image. Je fais ce que je peux. Et le photographe de cartes postales aussi.


Sur une autre carte postale cette fois des Éditions Normandes le Goubey on est descendus en ville, on a tourné notre regard vers la hauteur. La ville semble plus complexe, plus tassée, comme un collage de strates, comme si le photographe avait voulu tout mettre dans la seule image et surtout raconter les articulations urbaines, chanter les dispositifs de la mobilité moderne : train, auto. Comme si la ville moderne devait démontrée ses jonctions avec le monde. La mer doit être dans notre dos. La Zup est ainsi reléguée là-haut, tout là-haut, presque loin, presque comme une citadelle, un château-fort.
Mais à qui s'adresse cette carte postale ? Cette représentation de l'espace urbain ? Aux habitants bien évidemment ! On imagine peu ou mal un touriste achetant ce genre de carte pour parler de son séjour touristique à Cherbourg...Est-ce que Jacques Demi, ses acteurs et son équipe technique ont débarqué de Paris dans cette gare ? J'aimerai tellement.
En quelque sorte, cette carte postale nous dit : tout va bien ! La ville est moderne ! On t'attendra à la gare. 

Pour revoir Paul Vimond sur ce blog :
Pour le connaitre un peu mieux :

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