Il est parfois difficile de comprendre la raison exacte de l'existence de certaines cartes postales, de saisir leur destinée en quelque sorte. C'est bien le cas pour celle que je montre à l'instant :
Dans le paquet de cartes postales que je fouille hier à la Harengère (environ 2000...) je n'en sélectionne pour vous (et pour moi) qu'une quarantaine et celle-ci fait bien exception à plus d'un titre et à même soulever un sourire de doute en la trouvant. Comment aurais-je pu croire que je ferai encore ce genre de découverte étrange ? Nous sommes donc devant une carte postale qui nous montre un plan de masse d'une ZAC, celle de Petite Bretagne à Chevilly-Larue. Au verso, la carte postale sans nom d'édition nous révèle même le nom de l'urbaniste-architecte auteur de ce plan de masse : D. Binachon. Mais pourquoi donc (et surtout pour qui ) a-t-on pris la décision de publier ainsi et de diffuser un tel plan de masse ? Qui pour regarder cela, qui pour sélectionner cette image pour une correspondance ? Pourtant un monsieur a bel et bien envoyé cette carte ce qui me vaut de la trouver et de vous la montrer. Comment et où a-t-il trouvé cette carte postale ? La carte fut expédiée en 1994 mais semble un peu plus ancienne mais pas tant que ça. On est donc bien loin du désir de chanter la Modernité comme nous avons pu le voir avec certaines cartes de maquettes par exemple. Il s'agit bien plus d'objet communicationnel édité par la municipalité pour diffuser son action. Mais depuis où ? La Mairie ? Le café-tabac du coin ? Comment cela était diffusé ? Bien entendu, mon premier geste fut d'aller chercher des informations sur ce D. Binachon et j'ai fait chou blanc. Rien...L'autre réflexe évident c'est de faire un petit tour sur Google Map pour voir si tout cela fut bien réalisé et voir aussi à quoi cela ressemble dans le réel de la ville de Chevilly-Larue...Et là...Comment dire...Il est d'ailleurs difficile de penser que depuis ce plan de masse de la ZAC on puisse rêver à une telle réalité, alignement d'une banalité assez triste, on dirait du Jacques Riboud...Tout est éteint, tout a subi une puissance émoliente éradiquant tout geste de contemporanéité au profit d'un dessin sage pour ne pas dire ennuyeux. Le plan semble vouloir mettre en avant une certaine idée de la rue, alignement de plantations d'arbres et de quelques mouvements d'ouvertures créant aux carrefours quelques percées (des places) pour que l'oeil se repose. Et qu'est-ce que cela remplace ? Tout cela sent bien le désir d'une ambition pépère, proprette, une ville adoucie, molle, un rien démagogique dont la banalité n'aurait d'autre ambition que de faire taire une autre idée de la Ville. C'est moyen en quelque sorte mais d'un moyen revendiqué, c'est presque un style, celui d'un compromis par le bas. Mais quoi faire d'autre que ce désir de village éternel ? On note une attention à la végétation retenue dans des jardinières, on note quelques circulations piétonnes bien senties, on note des façades toutes identiques comme produites par un logiciel mêlant les entrées suivantes : balcons, petits immeubles, peu de hauteur, style indéfinissable, couleurs éteintes (beigeasse), netteté des crépis. Un bonheur de ville...Peut-être que ce n'est déjà pas si mal ?
Dans le même lot de cartes postales, je tombe sur ces deux cartes postales de Créteil. Je sais alors que je trouve-là la dernière envolée du désir de faire des cartes postales de la ville moderne. Je montre à mon amie Rose qui m'accompagne comment c'est sans doute-là les dernières productions d'éditeurs sur des villes nouvelles. Il ne fait aucun doute que depuis (la fin des années 80) on ne chantera plus par les cartes postales les avancées des recherches urbanistiques et architecturales. Et cette esplanade des Abymes de Créteil est bien à l'image de ce dernier geste, geste ayant perdu tout son souffle, épuisé par l'histoire, reluquant sur les signes d'une ville faussement éternelle : arcatures, petits toits, chiens-assis, bow-windows, couleurs fades et petit fronton ayant une ambition sculpturale ratatinée. On fera un portique, on pavera de pavés parisiens, on illusionnera le piéton comme un Port Grimaud du pauvre. J'ai, malgré tout, encore un peu de tendresse pour ce style, cette tentative urbaine. J'y vois un décor certes mais sans doute aussi possiblement, avec le temps, une griffe urbaine qui devra se patiner. Que voulez-vous...je veux rester optimiste.
La première carte est une édition rayon (où sont vos archives ?) avec une photographie de J.-N. Duchateau que l'on a déjà rencontré sur ce blog.
La deuxième est une édition Abeilles-Cartes (où sont vos archives ?) avec une photographie de P. Viard.
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