On ne va pas faire semblant ici de découvrir Fernand Pouillon.
Nous l'avons évoqué régulièrement et nous sommes toujours heureux de le revoir. Alors quand un point de vue nous permet d'en parler, nous le faisons toujours avec joie d'autant plus si la carte postale permet de comprendre un urbanisme, un plan, une situation.
Si cette carte postale Yvon présente quelques curiosités de son champ coloré qui laissent penser que le cliché en noir et blanc devait être plus réaliste, on comprend assez facilement ce que le photographe a essayé de dire : un certain contraste urbain !
Facile de voir comment les petites constructions ramassées et anciennes (comme un hameau à elles toutes seules) viennent presque se resserrer sous l'arrivée un rien ordonnée des bâtiments de Pouillon.
On sait bien que la grande architecture n'a pas besoin de singer l'ancienne ou de tenter le camouflage pour exister et que, bien plus sûrement, la ville doit se construire sur de tels contrastes.
Ici on est servi.
Mais il serait aisé de dénoncer la modernité venant menacer le bâti ancien, la régularité de l'un venant écraser la poésie de l'autre. Pour ma part, la poésie, je l'aime quand elle use justement de fractures. Et on sait que Pouillon, dans le choix de ses matériaux fut attentif justement à cette architecture ancienne, à aussi fabriquer des vides urbains pour justement ménager des perspectives, des ouvertures qui laisseront une chance à ce bâti. Fernand Pouillon est un fabricant d'écrins.
Mais encore plus intéressant pour moi, c'est bien le niveau de conscience du photographe à cet événement urbain. Il sait qu'il y a là quelque chose à montrer, ne refusant pas de voir la modernité arriver fièrement, s'amusant même de pouvoir sur son cliché raconter ce moment de la ville. Et comment fait-il ? Tentons de l'imaginer ce photographe, arpentant les trottoirs, ici au coin de la rue, piéton cherchant comment raconter cette impression. Puis, soudain l'image mentale lui vient, il devine qu'au lieu de se sentir écrasé par les immeubles il peut bien les gravir et que, depuis cette hauteur il visera le morceau de ville. Comment les choses se passent-elles alors ? Attend-il en bas de l'immeuble qu'une dame monte dans son appartement pour la suivre et lui demander l'autorisation de viser depuis ses fenêtres ? Sonne-t-il à toutes les sonnettes pour obtenir une réponse positive ? Ou, simplement, un monsieur gentil, le voyant prendre depuis le sol des clichés lui propose-t-il de venir voir la belle vue qu'il a depuis son appartement ? Car ce qui est amusant c'est bien que pour photographier l'architecture de Pouillon, ici à Meudon-la-Forêt, il faudra rentrer dans l'architecture de Pouillon, dans l'une des somptueuses barres qui s'étalent devant ce petit centre commercial. Pouillon depuis Pouillon en quelque sorte.
On imagine les conversations, les joies de vivre là ou les déceptions, le temps de prendre un verre ou encore de discuter du métier de photographe à l'hôte qui vous accueille et qui vous regarde faire vos réglages, vos cadrages. Un monsieur voudra discuter avec un professionnel du choix judicieux de son appareil photo pour partir en Italie en août prochain, une dame demandera gentiment de bien vouloir en redescendant donner ce petit mot pour la concierge. Qui sait... Rien dans la béatitude d'une si belle architecture, dans la simplicité apparente de cette carte postale ne pourra plus maintenant nous raconter ce moment de convivialité. Et le mois suivant, s'entendre dire devant le tourniquet du bar-tabac que cette image a bien été prise depuis chez soi : "Oui Madame, le photographe est bien venue chez moi. Un jeune homme charmant d'ailleurs. Avez-vous reçu le nouveau Marie-Claire ?
Oh ! Il y a Daniel Gélin, je l'aime beaucoup."
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