samedi 30 mars 2024

Du Cameroun à Royan, de Bauhain à Prouvé !

Comme historien de l'architecture ou comme simple amateur, il ne fait plus aucun doute que la carte postale constitue un fonds patrimonial pour saisir et découvrir toutes les inventions, orientations de cet Art.
De carte postale en carte postale, nous allons de découverte en découverte sur toutes les subtilités de cette histoire que nous pourrions croire préparée par les éditeurs pour nous permettre aujourd'hui de la réécrire, de la refonder avec des modèles un peu hors du jeu habituel des icônes certes souvent justifiées mais aussi souvent bien peu contextualisées avec d'autres productions de la même période.
En gros, quelques noms écrasent tout, au point que, justement, ce qui constitue leur force et leur originalité, n'a plus l'occasion de se mesurer contre le reste de la production architecturale.
Faisons le test : si je vous dis Pavillon, économique, tropical, bois, métal, préfabriqué et que je vous laisse quelques instant pour former dans votre imaginaire une image et un nom, pas de doute que vous me rétorquerez : Pavillon Tropicale de Jean Prouvé.
Et vous aurez raison.
Mais voilà, l'intelligence de Prouvé on doit aussi la relativiser face à d'autres productions bien moins connues et défendues qui pourtant ont parfois bien plus marqué par leur nombre et leur utilisation la réalité de l'habitat.
Voilà une bel exemple :



Et je suis même certain que, tout comme moi, d'ailleurs si je vous avez montré rapidement cette carte postale que certains d'entre vous y auraient bien vu le Pavillon Tropical de Prouvé car tous les signes de ce rapprochement sont ici possibles.
Mais voilà, il ne s'agit pas d'un pavillon dessiné par Jean Prouvé mais bien d'un travail de J. Bauhain, architecte, comme d'ailleurs cela est écrit sur la carte postale de l'éditeur Fournier.
Et...On le connait bien Monsieur Bauhain ! C'est l'un des plus prolixes architectes de la Reconstruction de Royan !
Quelle joie donc de trouver une carte postale montrant ainsi une autre production de cet architecte du Mouvement Moderne si important pour notre blog et notre rapport à cette architecture. J'avoue que je n'avais jamais entendu parler de cette création de Monsieur Bauhain et que je fus très surpris de voir son nom associé ainsi à ce type de production. On peut aussi imaginer la tête de J. Bauhain lorsque Jean Prouvé est venu poser son Pavillon à Royan. Quel esprit de concurrence ou d'admiration commune était en jeu alors ? Comment J. Bauhain avait-il connaissance de l'oeuvre de Jean Prouvé pour la mise au point d'une architecture similaire ? Et si c'était dans le l'autre sens qu'il fallait chercher...
La carte postale n'étant pas datée on ne peut donc pas trop comprendre comment cette case tropicale de J. Bauhain est arrivée dans l'histoire de l'architecture et de ses solutions coloniales. Il est facile par contre d'affirmer que c'est bien de toute manière dans l'esprit d'une époque cherchant des solutions pour un habitat pragmatique, préfabriqué, facile à exporter et à monter, avec des matériaux peu chers. À ce titre l'histoire des maisons préfabriquées pour le relogements des sinistrés de la Seconde Guerre Mondiale est bien établie et il serait intéressant de savoir comment J. Bauhain a peut-être aussi inscrit dans le Royan bombardé un possible lien entre cette production coloniale et de tels pavillons. On sent alors possiblement une relation de concurrence avec Jean Prouvé.
Même si cette carte postale ne nous permet pas bien de déterminer l'intelligence constructive pour ce Pavillon de J. Bauhain, il est clair tout de même qu'on en reconnait tous les signes. Grand toit en tôle ondulée qui forme un auvent sur le devant, ouverture entre les deux pentes au sommet pour la circulation de l'air, bardeaux de bois glissés entre des montants verticaux venant tendre les murs, ouvertures permettant elles aussi une aération franche et surtout, on note une capillarité possible entre le dedans et le dehors, le pavillon offrant une très large ouverture directement sur l'intérieur. La circulation de l'air et de la lumière semble bien être l'objet de toutes les attentions, ce qui est normal pour un tel projet. On note que la "case" est photographiée comme à l'orée d'une forêt qui semble bien tropicale, et que la mention "les bois du Cameroun" ne laisse aucun doute sur la localisation de la prise de vue, sans , pourtant, plus de précisions ni sur l'éditeur, ni la raison de cette édition et sur le rôle de cette carte postale dans une stratégie de diffusion du modèle de J. Bauhain. Impossible depuis ce document de savoir le succès de ce modèle sous les Tropiques et au Cameroun en particulier. Monsieur Bauhain a-t-il rejoint l'équipe de la Reconstruction de Royan avec l'aura de la réputation de ce type d'architecture ou, au contraire, a-t-il bénéficié de ce chantier de Royan pour fabriquer et diffuser ce type de modèle ? Je ne sais pas.
Mais quelle chance incroyable de trouver ainsi représenté ce modèle et son architecte ! Voilà qui éclaire donc bien vivement l'Histoire de cette architecture coloniale et de la Reconstruction dont il faudrait, si ce n'est pas déjà largement fait, redéfinir tous les liens d'échanges et de progrès.
À vos archives !

Pour revoir l'oeuvre de Monsieur J. Bauhain sur ce blog :






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