dimanche 31 mars 2024

Mon ami, mon ami disparu : Dominique Amouroux

 Tu te rappelles Dominique comment nous aimions rire du peu d'intérêt des institutions patrimoniales pour le Patrimoine du Vingtième Siècle ? Comment tu me disais qu'ils ne comprenaient rien et qu'en plus, ce rien, ils le comprenaient en retard ?
Tu te souviens que nous avions fait une belle émission sur Radio On au Mans dans laquelle tu expliquais la genèse de ton si célèbre Guide d'Architecture Contemporaine  qui reste ma bible mais aussi le carrefour de notre rencontre avec notre ami commun Claude Parent ?
Tu m'avais fait l'honneur de venir à Evreux voir mon exposition où j'avais explosé sur les murs toutes les pages de ton guide et que, ravi, tu avais pu en retrouver un exemplaire que je t'avais offert.

Tu riais aussi de tes propres textes, de tes propres critiques, t'amusant de la radicalité de ta jeunesse en ne perdant rien de ta lucidité sur les effets inutiles d'une certaine architecture faite bien plus d'images que d'espaces.
J'avais pour toi à la fois de la reconnaissance, une certaine timidité, tu étais celui qui me recadrait, qui me donnait des pistes, qui approuvait ou non mes idées, mes textes, mes fautes historiques, mes colères.

Tu étais toujours disponible pour une précision, assez amusé de me voir patauger dans les attributions.
J'ai épuisé tes guides avec Claude, courant de centres commerciaux de Parent en piscines Tournesol à une époque un peu lointaine maintenant où le Brutalisme et le Vingtième Siècle n'étaient pas du tout mainstream. 
Je t'envoyais des photos de l'état actuel des bâtiments, nous rêvions d'une réédition de ton guide en face-similé avec un volume montrant l'état actuel, nous rêvions. Tu rêvais.
Tu étais un très prolixe auteur sur l'architecture mais rien dans ton écriture, dans ton regard n'avait à voir avec ces pisseurs de copies. Tu étais avant tout un sensible et un joyeux.
Et surtout tu éprouvais l'architecture du coté de la sensualité et aussi d'un humour parfois décapant.
Ton sourire passait au téléphone.
Même dernièrement.

Alors, je ne sais pas ce que je vais devenir comme amateur d'architecture sans ton aval, sans ton expertise, sans cette sensibilité m'accordant aussi à moi, autodidacte de la critique architecturale, le droit d'écrire, de parler, de penser et de construire des textes et des combats.

Notre dernière conversation était sur Louis Miquel.

Je vais tenter de tenir même si je t'avais déjà indiqué une certaine forme d'épuisement face à l'incurie des institutions patrimoniales. On dira pudiquement : leur retard...

Je le dis simplement : sans toi, il n'y aurait jamais eu ce blog puisque ma volonté première en le créant était de faire un inventaire des constructions présentes dans ton guide.  Chaque article est un hommage à notre rencontre. Il n'y aurait pas eu non plus mes engagements pour Claude Parent, pour Sens, pour Ris-Orangis, sans toi, je n'aurais pas découvert le mobilier de Perriand et Prouvé au Mans, je n'aurais pas eu l'énergie de sauver une bulle six coques avec Piacé, de faire ma Chronique Corbuséenne sur Radio On, de faire aussi toutes ces conférences, tous ces constats accablants sur l'héritage architectural du XXème siècle. 

Je ne me serais pas senti légitime. C'est ça. C'est ça que tu m'as offert, mon cher Dominique, une légitimité et une énergie. Ça restera ton superbe cadeau.

Je ferai donc mon possible pour maintenir partout et tout le temps ce que tu m'as appris, montré. Je ferai tout ce que je peux pour que ta place de critique et d'historien ne soit pas oubliée.

Tu sais quoi ? J'ai envie de partir pour retrouver une architecture oubliée, pour constater avec toi encore la Beauté de cet héritage de la Modernité. Je ne sais pas bien où nous pourrions nous retrouver. 
Reste-t-il donc, quelque part, un bâtiment modeste mais superbe que tu voudrais absolument que je rencontre ?
Sans aucun doute. Je vais donc une fois encore me plonger dans tes écrits.
Tu étais un Guide. Tu étais mon guide. Tu le resteras.
Merci l'ami Dominique. Merci.
Toutes mes pensées à ta famille et tes amis.
David Liaudet

Pour ceux qui voudraient entendre Dominique Amouroux en interview raconter la genèse de son guide et bien d'autres choses, c'est ici :

Il y a tant et tant d'articles sur ce blog (et le premier)  avec Dominique que je ne vais pas en faire une liste.
Il vous suffit de cliquer sur le bandeau à droite : dans le guide.
Ou de taper  son nom dans la recherche en haut à gauche.









4 commentaires:

  1. j'ai ce Guide paru en 1974, depuis1976...Il me sert beaucoup

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  2. LECLERCQ Daniel1 avril 2024 à 10:57

    je l'ai eu dès1976...et il me sert beaucoup...

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  3. David, Merci pour ce bel hommage à cet historien hors catégorie. Je comprends ta tristesse mais continue, je t'en prie. Tes articles sont si pertinents et instructifs. Ne lâche rien.
    Amicalement, Dominique M.

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  4. t'inquiètes pas Dominique M. ! et merci pour ce soutien. c'est vrai que, tout de même, il me manquera tellement.

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