samedi 12 novembre 2022

Savoir ce qui fait lieu

Finalement, la seule vraie question c'est de savoir ce qui fait lieu.
Et viendra ensuite l'autre question : comment on en fait image.
Peut-être que cette magnifique carte postale Jansol de Courchevel réussit à ces deux missions.
Il faut peu de choses pour qu'un espace irradie, pour qu'il diffuse autour de lui une organisation spatiale, un sens à notre présence, une raison d'être là. 


Certes, il n'y a pas grand chose en terme architectural sur cette carte postale, vous pourriez trouver que l'acte de bâtir est bien réduit à peu d'éléments, une pyramide étroite de bois s'adressant au ciel. Un abri mais trop ouvert pour échapper au froid et à la lumière, trop pointu pour n'être qu'une cabane, trop audacieux en fait pour être confondu à une autre fonction que celle que nous voyons : une messe en pleine air. Et si à cette forme bâtie nous lui enlevions sa croix, et si le photographe était venu un jour ordinaire sans messe, sans ce prêtre qui fait ce geste superbe ? Y auriez-vous vu le même espace, la même force symbolique, le même désir de faire parler le paysage ? Parfois, une pierre dressée, un arbre isolé offrant sa verticale, un pan de mur nous accordent la possibilité de regarder un paysage, de savoir ce qui s'y articule. C'est, je crois, le sens évident de cette architecture. C'est le vrai sens du mot église. Ici, l'église ce n'est pas tant le prêtre qui la dessine (il est bien trop seul sur cette image), ce n'est pas non plus cette petite construction ressemblant à la pointe d'un clocher d'une église engloutie sous la neige, non ce qui fait église c'est l'accord entre les objets de cette image. Un lieu, un signe, un geste et nous, présents devant l'image, la tenant entre les doigts, nous sommes bien là dans l'église.
Alors, en plus, nous aurons la modestie de ceux qui ont dessiné cet objet architectural, nous ne saurons rien de leurs choix, de leur ambition formelle, du désir du lieu, là, ici, dans cet espace. Pas de nom des bâtisseurs et encore moins de l'architecte. Peut-être que cette forme n'en n'a pas besoin, tellement elle fait écho à l'histoire de l’architecture religieuse. Vers le ciel. Un point c'est tout. Tout est tourné vers le ciel. 



Dans la même boîte à chaussures, je trouve cette autre carte postale d'une église moderne.
Nous sommes un peu plus loin que d'habitude puisque nous sommes en Martinique devant l'église Saint-Christophe-Martinique. Et, bonne nouvelle, elle est Monument Historique et Label Architecture Remarquable. 


Mais, bien entendu, vous lecteurs, lectrices cultivés c'est bien à un écho formel que vous cédez. Celui d'une reconnaissance. Difficile en effet de ne pas voir dans la forme du clocher un signe à La Chapelle de Corbu à Ronchamp !
Le reste, bien plus habituel, bien plus tenu dans une forme moderniste admise voire routinière ne manque ni de charme ni de qualité mais reste tout de même assez attendu. Petite chose certes dans l'histoire de l'architecture, cette église n'en demeure pas moins un monument jouant parfaitement son rôle de signe justement de cette modernité. Grandes ouvertures, formes simples s'emboîtant avec qualité et créant des ombres. Et donc... son clocher, disant bien son accord avec le temps : celui des églises nouvelles.
Les architectes de cette petite importante église sont messieurs Alazard, Tessier et Crevaux. La carte postale est une photographie de Félix Rose. On notera que la carte postale en son verso est imprimée de la mention suivante :
Hommage preux et reconnaissant, B. Bidou.
Il s'agit sans aucun doute du Père Bidou qui alla chercher les plans de son église dans la métropole.
Vous trouverez ici toutes les informations dont vous avez besoin :

1 commentaire:

  1. les architectes cités ne sont pas dans l'ouvrage ARCHITECTURE ET ARTS SACRES DE 1945 A NOS JOURS paru en 2015 (615 pages)

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