mercredi 9 novembre 2022

Léger, drive-in, Svétchine



Évidemment, il pourrait n'y avoir rien à ajouter à une telle proposition architecturale, rien à en dire puisqu'elle est entièrement tournée vers l'efficacité de sa démonstration.
On pourrait même dire que l'architecture ici ne sert que ce but : montrer la peinture.
Ce serait comme nous demander de trouver des valeurs architecturales à un écran de drive-in. On peut bien dans le cheminement, dans l'espace de projection trouver des qualités architecturales mais il n'en demeure pas moins que ce qui restera surtout c'est le désir de porter ainsi une image, un signe. 
Qui regarde vraiment le bâti ici ?
Je suis même persuadé que d'autres comme moi lui reprochent de projeter une ombre sur l'œuvre de Fernand Léger. On aimerait dire à l'architecte que le refend de son mur provoque ainsi une altération de la vision de l'œuvre alors qu'il est certainement utile à son cadrage plus franc. On est contrariés.
Le reste du bâtiment est assez tranquille, voire éteint. Une ligne de fenêtres et ses contreforts servent de soutien visuel à la peinture qui est une mosaïque. La photographie ici ne permet pas de lire ce détail et l'œuvre de Fernand Léger ne laisse voir que ses couleurs.
Les questions que je me pose en fait sont les suivantes : qui, écrasé par l'œuvre de Léger, réussit à lire l'architecture qui la tient ? Et : n'est-ce pas justement le rôle de cette architecture de disparaître sous le travail de Léger, de la mettre à l'œuvre en quelque sorte ?
La modestie du travail de l'architecte André Svétchine est sans doute le sens même de sa réflexion. Nous laisser croire que tout cela n'existe que par l'œuvre de Léger. Un peu en totale contradiction par exemple avec l'incroyable et spectaculaire Musée Soulages où les auteurs RCR Arquitectes ont voulu passer par dessus le travail de l'artiste pour fabriquer eux-mêmes un signe puissant, une aventure visuelle et spectrale qui donnera à l'œil de quoi patienter avant d'entrer pour voir, pour voir enfin que le noir n'est pas là et qu'il est, lui aussi, un prétexte à voir autre chose. C'est un peu compliqué tous ces désirs d'apparitions-disparitions mélangés.
Svétchine a en fait fabriqué un châssis. Au moyen-âge, on aurait dit une chasse. Une boîte recouverte d'images dont tous les sens racontent sa raison et son contenu. Une relique. Une icône.
Mais qui aussi pour se dire que le vert du gazon bien tendu, ce vert en aplat, joue aussi avec la fresque de Léger, nous prépare à la voir ? Qui pour penser que le ton de gris étendu derrière la couleur et pour lequel l'artiste a maintenu un cadre blanc vient certainement éteindre le risque d'une lumière trop forte, calmer comme chez Goya avec ses aquatintes les blancs du papier tout en donnant la chance à la lumière. Qui verra dans le choix des pierres et de leurs teintes ce désir de tranquillité de l'œil happé immédiatement par les couleurs de Léger ? Et le bleu du ciel ?
Les lampes sur le gazon, ne nous y trompons pas, n'éclairent pas à la nuit tombée l'architecture mais le travail de Léger. On a donc demandé à Svétchine, en quelque sorte, si ce n'est de se taire d'au moins chuchoter.
Ne soyez pas outragés. Je tente juste de comprendre ce que je vois.


La carte postale est une édition de la Société d'Éditions Artistiques et Littéraires pour le Musée Fernand Léger de Biot. La photographie est de Jacques Mer. 

1 commentaire:

  1. ZUP de Bihorel créée en 1960, agrandie en 1964, construite de 190 à 1968, conStruite pas Charles Gustave STOSKOPH quia beaucoup 'zupé' en ILE de FRANCE et en ALSACE.

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