samedi 5 août 2017
Mon œil
Qu'est-ce qui fait la qualité d'un espace ?
Pourquoi, immédiatement, les sentiments de plénitude, de tranquillité et de paradis sont venus se poser sur cette image comme si je l'attendais depuis toujours ?
Est-ce l'objet même de l'espace qui me séduit : un escalier solide et massif montant sans obstacle, ou bien l'articulation des circulations entre le palier et la possible jonction avec deux mondes invisibles, celui de l'étage et celui derrière le corridor ? Ou est-ce la ligne noire de carrelage parfaitement à l'horizon de mon œil qui, soudain, forme une quasi ligne horizontale alors qu'elle se plie aux angles des pièces ? La blancheur.
La blancheur ombrée à peine, doucement, comme si chaque grain de lumière devait jouer avec les imperfections d'un pigment. Et croire aussi à la traduction du noir et blanc sans se poser la question de la couleur. Une porte fermée, simple, sans effet de mystère est comme une échappatoire possible. Elle n'effraie pas ou ne met pas en demeure de l'ouvrir. La grille orthogonale de sa fenêtre est comme la visée de la mise au point du photographe. Sans doute qu'ici, l'infini et la profondeur de champ furent ainsi réglés. Les deux arcs en plein cintre, l'un immense et l'autre plus petit, se retrouvent sur l'angle droit d'un mur. Pas d'effet de colonne, juste la tombée parfaite de leur épaisseur.
Il m'aura fallu un moment pour voir le brancard. Abandonné dans le couloir, derrière, laissant tomber sur lui, à la perfection, son drap blanc que, malgré tout ce bonheur, je ne peux penser que mortuaire. Pourtant même cela ne m'effraie pas, ne m'inquiète pas, et même me rassure. La mobilité possible sans doute, le mouvement bien huilé des roues sur un sol parfaitement propre sont aussi très rassurants.
Personne.
Enfin ! Je suis seul dans la lumière d'un lieu. Libre de mes choix. Monter, partir, mourir.
Je pense à Pieter Saenredam auquel on croit rendre hommage en évoquant la Modernité d'un Mondrian. Non.
Pas de cela s'il vous plaît. Simplement la lumière d'un soleil interstellaire venant de très loin se cogner dans l'architecture et rebondir sur les sels d'argent d'un plan-film. Et mon œil en écho. Mon œil au singulier, ma chimie, mes organes.
Et vous dire que malgré toute cette beauté, malgré cette perfection métaphysique l'auteur de l'image reste anonyme.
Je mets son anonymat au-dessus de tout. Perdu dans les limbes sérieuses de l'Histoire de la Photographie sa modestie oublieuse me répond. Après tout, pourquoi se raconter lorsque l'image le fait pour vous ? Et qu'est-ce qu'un nom de plus ou de moins imprimé au dos d'une carte postale aurait ajouté à mon voyage, à mon repos ?
J'aurais pu juste lui dire merci une fois de plus.
Merci.
St Antonius Ziekenhuis, Utrecht, Trappenhuis.
Pas de nom de photographe, d'éditeur ou de date.. .ou d'architecte.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire