vendredi 22 mai 2020

Les Vieux dans le Monde



J'avais pourtant hésité à sortir cette carte postale du commun des drouilles sur le vide-grenier. Seule la façade présentant un profil un peu comme une béquille de Jean Prouvé et l'escalier curieusement implanté m'avait décidé de donner une chance à cette carte postale.
Le petit pavillon en haut à gauche ne manquait pas de charme mais franchement rien de très sensationnel, rien de vraiment utile. J'ai d'ailleurs mis longtemps à ressortir cette carte d'un tas me demandant pourquoi donc devrais-je faire un effort pour ce que je voyais. Mais restaient tout de même ce profil et une certaine écriture de l'ensemble comme la petite fenêtre très curieusement collée au mur à droite et des pilotis pour me permettre de croire à un quelconque intérêt. Et puis, finalement, ce blog n'a-t-il pas comme vocation de donner une chance à ce petit patrimoine moderne ?
L'autre élément est aussi la prise de vue qui accentue les lignes très tendues de l'ensemble faisant jouer les angles avec dextérité.
Et cet escalier très long m'intriguait. En fait, pour bien en comprendre sa forme et sa longueur qui nécessite trois paliers, il faut comprendre à qui s'adresse cette architecture. Il s'agit d'une publication pour la C.N.R.O et donc pour les retraités ouvriers du bâtiments. Donc... pour des vieux... Cela explique cet escalier qui part de loin pour que la montée se fasse très doucement et très progressivement vers le pavillon qui sert de salle commune et de réfectoire. Au fait, nous sommes à Gradignan à la résidence des Fontaines-de-Monjous.
Bon. Voilà au moins une explication. Je cherche donc le nom de l'architecte et là j'ai une surprise. Le seul document vraiment intéressant que je trouve est un article non pas publié dans une revue d'architecture mais dans le quotidien Le Monde. Article publié en 1964 (merci l'Internet) qui chante les qualités architecturales et programmatiques de cette résidence, preuve que déjà à cette période on essayait de trouver des solutions pour loger nos vieux. N'étant pas abonné, je ne peux lire l'ensemble de cet article de Nicole Bernheim mais malgré cela on a au moins une information importante, le nom de l'architecte qui est aussi d'après l'article un urbaniste : Jean Timmel. L'article insiste bien sur les qualités architecturales, sur la nouveauté de ce type d'ensemble tentant de maintenir des espaces privés et des espaces communs, une convivialité désirée et non obligée. On pourrait presque penser que cet article a été écrit hier... Il faut donc croire que cette résidence avait eu à l'époque un certain retentissement pour avoir l'opportunité d'être publiée dans Le Monde.
Les cartes postales de résidences de vieux, de maisons de retraites sont fréquentes, elles permettaient d'envoyer des images de cette villégiature à la famille. Ces cartes postales ont souvent un caractère étrange, très Martin Parr, un peu ennuyeuses pour ceux qui n'y voient pas un document. Ici, notre carte postale permet donc de montrer les chalets et le lieu commun en une seule image. Sur Jean Timmel l'architecte vraiment pas grand chose. Quelques traces d'un courrier à Perret et une villa dont on a les plans et les dessins, villa à Sainte-Maxime qui semble bien, elle aussi, appartenir à son époque : moderne mais sans plus. C'est dommage.
J'ai l'impression de passer à côté d'un architecte intéressant mais oublié.
Et si Gilles Dusseau et Dominique Labenne avaient la gentillesse de nous envoyer une copie de leur travail d'étudiants à l'ENSAP de Bordeaux pour nous en dire plus ? Ont-ils, eux, trouvé plus de choses à nous raconter sur cette belle résidence de Jean Timmel ?
Merci d'avance.
Et même si je sais que vous l'avez déjà tous lu, je me permets de vous rappeler cet article sur les vieux écrit par votre serviteur dans l'excellente revue Strabic :
http://strabic.fr/Madame-reve-d-aeroport



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