S'il y a encore des lecteurs de ce blog pour douter de la parfaite corrélation entre architecture, photographie et carte postale, je pense que cette dernière leur donnera la raison même de couper court à leur doute et enfin, simplement, de reconnaître qu'il y a parfois des triangles amoureux qui fonctionnent :
Où ?
Chambéry, Place du Stade.
Quoi ?
Un ensemble d'immeubles dont une tour de 15 étages.
Par qui ?
Pour l'architecture, Laurent Chappis, pour la photographie J. Cellard.
J'avoue que je suis totalement amoureux de cette carte postale. D'abord parce que la qualité photographique est remarquable ainsi que son édition. Le champ des tonalités allant du blanc pur au noir profond, la netteté et la profondeur de champ, le choix judicieux du moment ensoleillé sur la façade plein sud, le vide serein d'agitation urbaine et enfin la perspective solide qui fait vriller en pointes ardues l'orthogonalité, tout cela concourt à faire une œuvre non seulement dans le domaine de l'architecture mais aussi de la photographie et surtout de l'édition. Donner ainsi avec cet ensemble de qualité une attention à un objet éditorial aussi modeste dit bien la relation qu'il pouvait y avoir alors au métier mais aussi à l'attention offerte à ceux qui, pour quelques centimes, devront se retrouver dans une image. Jamais, rarement du moins, la carte postale n'a su avec une telle hauteur rendre hommage à la ville. La grande verticalité de l'image, sa puissance de surgissement devant les montagnes au loin, la solidité affichée de son dessin et donc de son plan, tout cela saute à la figure comme une opportunité de dire qu'il y a eu un moment de grâce en France permettant à tout un chacun de se retrouver dans la modernité. Regardez comment la lumière donne tous ses tons sur les loggias en façades, comment cela s'éclaire et se fonce vers le sol. Regardez comme la précision de l'optique et de la perspective nous offre chaque mouvement des lignes fuyantes du moindre ourlet d'un rebord de fenêtre, tout cela accentué par le redressement des verticales dû à la chambre
photographique. Regardez comme l'absence même de couleur nous persuade de la validité de cette architecture de l'un des architectes malheureusement les moins connus et pourtant l'un des plus prolixes, Laurent Chappis qui réalisa quelques très grandes choses, en montagne notamment. Nous aurons à en reparler.
Je le répète mais l'histoire de la photographie devrait un peu moins mépriser ce genre et surtout en nettoyer le cliché du cliché. Car s'il y a aujourd'hui un commun du jugement hâtif de la carte postale comme acte photographique, il serait temps de dire combien nous devons aussi à cet art d'avoir su nous montrer et surtout très amplement diffuser à la fois notre monde mais aussi une qualité photographique impartiale, juste et digne qui ne fait que mettre au service d'un objet architectural l'ensemble de ses qualités sans jugement de valeurs mais dans le souci méritant d'en donner l'occasion du partage. Ce que l'on pourrait appeler un dépassement du genre documentaire. Alors, si je chante l'image, je peux aussi ici chanter l'intelligence de l'architecture de cette tour de Monsieur Chappis. Plan parfaitement orienté, offrant à tous les logements soit un balcon soit une loggia, allègement et surlignage de la hauteur par des fenêtres posées dans l'angle, balcons tournant autour des angles, colonnes à la base soutenant un auvent allégeant la base et la liaison au sol et formant comme un socle, bandeau d'ouvertures des loggias centrées creusant la façade, tout cela provient d'une pensée, d'un plan bien senti que la revue Architecture d'Aujourd'hui salua en... 1954 !
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